Revenu de base - Salaire universel

Le Monde.fr : « Le revenu de base est le meilleur allié du travailleur »

Janvier 2017, par infosecusanté

« Le revenu de base est le meilleur allié du travailleur »

J.E.Hyafil

LE MONDE

02.01.2017

Pour l’individu sans activité, le revenu de base accroît l’incitation monétaire à prendre un emploi, puisque l’individu sait qu’il conservera l’intégralité de son revenu de base même s’il touche un salaire en plus, explique l’économiste Jean-Éric Hyafil.

« Le revenu de base permet de supprimer une masse énorme de travail administratif et donc de redéployer plus de fonctionnaires des caisses d’allocations familiales et des conseils départementaux vers de réelles missions d’accompagnement ». DR
Par Jean-Éric Hyafil, enseignant-chercheur en économie à Paris-I-Panthéon-Sorbonne
La proposition du revenu de base devrait être au cœur des débats lors des primaires de la gauche. Il s’agit de remplacer le revenu de solidarité active (RSA) – et éventuellement les aides au logement – par une allocation versée à tous les résidents de façon universelle, inconditionnelle et individuelle, sans toucher évidemment autres piliers de la protection sociale (retraite, chômage, Assurance-maladie).

La majeure partie de son financement serait procurée par une réforme fiscale qui couplerait le revenu universel et un impôt universel, progressif mais prélevé dès le premier euro gagné.
Le think tank Terra Nova propose quant à lui un revenu minimum décent, qui remplacerait aussi le RSA et les aides personnalisées au logement (APL) mais qui serait toujours ciblé sur les plus pauvres. Dans l’arbitrage entre l’un et l’autre, quels sont les enjeux ? Il s’agit évidemment de rendre la lutte contre la pauvreté plus efficace, quand on sait que deux tiers des personnes ayant droit au RSA-activité (remplacé depuis un an par la prime d’activité) ne le demandent pas.

Lutte contre la pauvreté et soutien à l’autonomie des travailleurs

Pour prévenir efficacement la pauvreté et désamorcer les engrenages qui y mènent, l’allocation devrait être active avant même qu’un individu qui commencerait à rencontrer des difficultés puisse en avoir besoin. Il faut aussi une allocation qui encourage les personnes en activité à retrouver le chemin de l’emploi.

Mais la nouvelle allocation à créer pourrait jouer un rôle qui irait bien au-delà de la simple lutte contre la pauvreté. Nous assistons en effet à un processus de numérisation qui permet de produire plus de biens et services avec toujours moins de travail. Les travailleurs sont alors en droit d’en tirer quelques avantages : par une amélioration de leurs conditions de travail, mais aussi par des marges accrues pour faire un travail qui correspond à leurs aspirations ou à leurs valeurs plutôt qu’un emploi vidé de sens. Ou encore par la possibilité de réduire leur temps de travail pour faire plus de bénévolat, ou de lancer leur propre activité.

Le revenu de base a justement l’intérêt de conjuguer l’efficacité de la lutte contre la pauvreté monétaire et le soutien à l’autonomie des travailleurs. Il permet de lutter efficacement contre la pauvreté monétaire, puisque versé de façon automatique, il supprime les démarches stigmatisantes et le non-recours, ce que ne permettrait pas nécessairement la proposition du revenu minimum décent. Le revenu de base est d’ailleurs actif avant même qu’un individu en ait besoin et peut ainsi désamorcer l’engrenage qui mène à la pauvreté.

Pour l’individu sans activité, le revenu de base accroît l’incitation monétaire à prendre un emploi, puisque l’individu sait qu’il conservera l’intégralité de son revenu de base même s’il touche un salaire en plus. On ne retrouve pas cet avantage dans les systèmes d’aides dégressives ciblées sur les plus pauvres : le travailleur qui reprend un emploi ne sait jamais à l’avance le montant de l’allocation qu’il touchera à l’avance, mais surtout il craint de ne pas récupérer son allocation suffisamment vite s’il venait à perdre son emploi.

Les travailleurs gagnant autour du smic principaux bénéficiaires

Plus qu’un outil pour lutter contre la pauvreté monétaire, le revenu de base est aussi, et même avant tout, le meilleur allié du travailleur. En termes redistributifs, les principaux bénéficiaires à sa mise en œuvre sont les travailleurs gagnant autour du smic mensuel, contrairement aux propositions de revenu ciblé sur les plus pauvres.
Sur le plan symbolique, le passage d’une prestation ciblée sur les plus pauvres à une prestation universelle constitue d’ailleurs une véritable révolution dans la façon dont on appréhende la protection sociale : on ne parle plus d’allocation associée à la situation de pauvreté, mais de prestation associée à un droit universel à l’autonomie. Cette autonomie offre des marges accrues au travailleur pour demander de meilleures conditions de travail, pour choisir un travail correspondant mieux à ses valeurs, ou même pour lancer son entreprise.

Le revenu de base est donc un bien meilleur allié du travail que les propositions de revenu minimum ciblé sur les plus pauvres. Évidemment, le revenu de base ne suffit pas pour les personnes en insertion, qui ont besoin d’un accompagnement accru et d’un accès à des formations de qualité.

Justement, le revenu de base permet de supprimer une masse énorme de travail administratif et donc de redéployer plus de fonctionnaires des caisses d’allocations familiales et des conseils départementaux vers de réelles missions d’accompagnement.
Si l’on ajoute à cela le fait que la réforme fiscale accompagnant le revenu de base simplifie très fortement le prélèvement de l’impôt à la source et en réduit le risque d’erreur et de régularisation en fin d’année, on ne voit que de bonnes raisons pour mettre en œuvre un revenu de base.

Jean-Éric Hyafil est le coauteur de « Revenu de base. Un outil pour construire le XXIe siècle » (ouvrage collectif, Editions Yves Michel, 128 pages, 11 euros) et, avec Thibault Laurentjoye, de « Revenu de base. Comment le financer. Panorama des modalités de financement » (Editions Yves Michel, 168 pages, 15 euros).

Jean-Eric Hyafil (Enseignant-chercheur en économie à Paris-I-Panthéon-Sorbonne)