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Le Monde.fr : Le revenu universel d’activité, une nouveauté qui interroge

Septembre 2018, par infosecusanté

Le revenu universel d’activité, une nouveauté qui interroge

La mesure proposée par Emmanuel Macron pour lutter contre la pauvreté pose de nombreuses questions et laisse sceptiques les acteurs associatifs

LE MONDE

14.09.2018

Par Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel

Un nouvel acronyme va s’ajouter à la liste, déjà bien fournie, des prestations sociales : RUA, pour revenu universel d’activité. Il s’agit d’une des principales mesures du plan de lutte contre la pauvreté dévoilé, jeudi 13 septembre, par Emmanuel Macron. Cette annonce s’inscrit dans la volonté, exprimée par l’exécutif depuis plusieurs mois, de fusionner des allocations de solidarité.

Le but du chef de l’Etat est de « rénover notre système de minima sociaux » décrit comme un « maquis » dont « l’opacité » alimente « le discours lancinant sur les profiteurs » et exclut des personnes alors même qu’elles y ont droit. Le RUA doit donc regrouper « le plus grand nombre de prestations sociales, du RSA aux APL ». Il sera assorti de « droits et devoirs supplémentaires » : les allocataires bénéficieront d’un accompagnement renforcé grâce à la mise en place d’un « service public de l’insertion », dont l’Etat sera « responsable » ; parallèlement, ils seront tenus de s’engager dans un « parcours d’insertion » qui « empêche de refuser plus de deux offres raisonnables d’emploi ou d’activité ».

Ce dispositif n’a pas grand-chose à voir avec le revenu universel promis par Benoît Hamon durant la campagne présidentielle : le candidat socialiste proposait, lui, d’instaurer un revenu accordé à toute personne d’au moins 18 ans, gagnant moins de 1,9 smic par mois, et sans que celle-ci ait à entreprendre la moindre démarche. Du reste, M. Hamon a reproché, jeudi, à M. Macron de « singer » ses idées.

« Aucune intention cachée »

La refonte des minima sociaux sera inscrite dans un projet de loi, en 2020, après concertation « avec tous les acteurs concernés » (collectivités locales, associations…). Elle s’annonce compliquée à mettre en œuvre. Sur le plan « technique », c’est un « chantier colossal », souligne Julien Damon, professeur associé à Sciences Po et coauteur d’un rapport sur « la juste prestation », remis le 5 septembre au premier ministre. Mais « le sujet numéro un est politique », ajoute-t-il, puisque toute la question est de « savoir quels perdants on fait », avec une telle réforme. A partir du scénario consistant à rassembler sept prestations, un récent rapport de France Stratégie a montré que quelque 3,55 millions de ménages sont susceptibles de voir leurs ressources diminuer.

La création du RUA peut constituer une « opportunité », confie Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique, social et environnemental : à l’heure actuelle, les moins de 25 ans sont éligibles aux APL mais pas au RSA (sauf exception) ; cette « discrimination par l’âge » sera peut-être levée si les deux prestations sont fusionnées, observe-t-il.

Mais de nombreuses interrogations s’élèvent déjà sur les contours du dispositif. Celui-ci ne doit pas être « mélangé avec des aides qui ne concernent pas que la pauvreté comme l’APL », considère Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. L’APL n’est pas un minimum social mais « une aide pour se maintenir dans le logement, qui a sa propre raison d’être », rappelle Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Pour Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, « le risque » du projet présidentiel « est de recentrer l’APL sur les personnes les plus démunies, au détriment de celles qui en bénéficient à l’heure actuelle et qui sont juste au-dessus du seuil de pauvreté ». En outre, qu’adviendra-t-il des retraités et des étudiants titulaires de l’APL face à l’obligation de suivre un « parcours d’insertion » ?

Jeudi, Agnès Buzyn, la ministre des solidarités, a assuré que le RUA ne recèle « aucune intention cachée de remettre en cause certains droits ». La concertation qui va s’ouvrir ne sera pas de trop pour en apporter la preuve.