Les professionnels de santé

Le Monde.fr : Médecine libérale : « Il faut parler de revalorisations et de contreparties avec les médecins »

Septembre 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : Médecine libérale : « Il faut parler de revalorisations et de contreparties avec les médecins »

Thomas Fatôme, directeur général de l’Assurance-maladie, s’apprête à négocier avec les médecins libéraux la nouvelle convention médicale pour les cinq années à venir. En amont des discussions, il évoque, dans un entretien au « Monde », ses priorités.

Propos recueillis par Mattea Battaglia et Camille Stromboni

Publié le 20/09/2022

La négociation sur la convention médicale entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux va s’ouvrir, début octobre. La dernière a eu lieu en 2016. Si elle comporte un volet financier, elle doit également permettre de répondre aux enjeux du système de santé, des déserts médicaux en passant par la télémédecine.

En parallèle de la concertation sur la santé lancée par l’exécutif, l’Assurance-maladie s’apprête à négocier avec les médecins libéraux une nouvelle convention médicale. Comment ces différents chantiers vont-ils s’articuler ?

La négociation de la convention médicale va s’ouvrir début octobre. Ce processus de dialogue social, qui intervient tous les cinq ans, doit aboutir avant la fin du premier trimestre 2023. Il va bien sûr s’articuler avec la concertation que les ministres François Braun [santé] et Agnès Firmin-Le Bodo [organisation territoriale et professions de santé] vont lancer sur la santé, et avec l’examen annuel du projet de loi de financement de la sécurité sociale [PLFSS] prévu à l’automne. C’est un calendrier intéressant, un bon alignement, avec d’un côté le cadre politique, de l’autre le cadre financier. Toutes ces démarches vont se nourrir.

Quelles sont vos priorités pour cette nouvelle convention ?
Il s’agit d’être capable d’apporter des réponses aux déserts médicaux et d’améliorer l’accès aux soins. Cela va de l’accès au médecin traitant à la lutte contre les inégalités de santé, en passant par le sujet de la prévention. Deux documents doivent préciser ces lignes directrices : la lettre de cadrage ministérielle et le vote des orientations par le conseil de l’Union nationale des caisses nationales d’Assurance-maladie.

La convention comportera bien sûr un important volet financier et tarifaire, mais aussi les outils que l’on veut déployer auprès des médecins pour les accompagner, comme les assistants médicaux, les incitations à s’installer en zone sous-dense, ou encore la télémédecine.

Allez-vous revaloriser le tarif de la consultation, comme le demandent plusieurs syndicats de médecins ?
Ce sujet fera partie, comme pour chaque convention, des discussions. Il est normal que le tarif évolue, a fortiori dans ce contexte d’inflation. Ensuite, comme les médecins le disent eux-mêmes, il faut parler de « droits et devoirs », tout comme de « revalorisations et de contreparties ». Les médecins viennent à la table avec leurs demandes et nous avons les nôtres pour améliorer l’accès aux soins. Au travers de l’Assurance-maladie, c’est la collectivité qui investit et attend logiquement, en face, des engagements, comme celui de s’impliquer encore davantage dans la permanence de soins, les soins non programmés, ou encore les consultations en zones sous-denses.

Instaurer des contraintes à l’installation des médecins fait-il partie des leviers envisagés ?
Nous appliquons la loi et, si le cadre législatif est amené à évoluer au Parlement, nous en tirerons les conséquences. A ce jour, la convention prévoit des obligations pour les médecins afin qu’ils soient conventionnés, mais sans contrainte à l’installation. Des mécanismes de régulation démographique peuvent exister pour les kinésithérapeutes ou les infirmiers, ce n’est pas le cas pour les médecins.

Je me permets de rappeler que les comparaisons internationales montrent que la réponse aux déserts médicaux passe forcément par un ensemble de leviers pour être efficace, allant de l’accompagnement du travail collectif, avec des organisations territoriales, aux aides financières, en intégrant aussi les conditions d’organisation de la formation initiale des futurs professionnels.

L’attente est forte chez les médecins libéraux, qui espèrent avoir enfin droit au « Ségur de la médecine de ville », s’estimant oubliés des mesures pour l’hôpital de l’été 2020. Aurez-vous des enveloppes à la hauteur de l’enjeu ?
Il existe une grande attente chez les professionnels, mais aussi sur le plan politique, pour trouver les outils face aux défis de l’accès aux soins pour la population. Etant donné le contexte « post-crise Covid », la tension sur la démographie médicale, les nombreuses remontées d’élus locaux et de parlementaires, on ne peut pas ne pas voir que le sujet est à l’agenda de cette rentrée. Il y a un donc fort enjeu pour que le dialogue conventionnel aboutisse.

Je tiens tout de même à rappeler qu’il ne s’est pas rien passé depuis le Ségur : le dernier avenant à la convention, signé par l’Assurance-maladie avec les médecins à l’été 2021, est doté de plus de 750 millions d’euros, soit un niveau historique, afin notamment de revaloriser les visites à domicile, rehausser les tarifs des spécialistes comme les pédiatres ou les psychiatres, ou encore soutenir le déploiement du numérique en santé.

Les déserts médicaux n’ont cessé de s’étendre ces dernières années, avec plus de 6 millions de Français qui n’ont pas de médecin traitant, malgré des mesures comme celle des assistants médicaux. Est-ce la solution ?
Alors que nous manquons de médecins, il faut gagner du « temps médical » et les assistants médicaux sont l’un des leviers qui fonctionnent. Ils améliorent déjà les conditions de travail des médecins qui y ont recours : sans travailler plus, ces derniers augmentent de 5 % à 10 % le nombre de patients qu’ils suivent. Nous sommes prêts à mettre tous les sujets sur la table pour lever les freins qui peuvent persister, qu’il s’agisse du niveau de financement, des contreparties en termes de patientèle attendues chez le médecin, des problèmes de locaux…

Il y a aujourd’hui 3 200 assistants, nous espérons atteindre l’objectif que nous avions fixé à 4 000 à la fin 2022. Mais nous voulons surtout provoquer le déclic pour aller bien au-delà. Si on arrivait à passer de 1 000 patients par médecin, en moyenne, à 1 200, on aurait fait un grand pas face aux déserts médicaux, avec une réponse structurante.