Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Omicron : les scénarios de l’Institut Pasteur pour la France

Décembre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Omicron : les scénarios de l’Institut Pasteur pour la France

L’organisme de recherche a publié, mercredi 29 décembre, une nouvelle série de modélisations estimant les conséquences de ce variant sur le système de santé.

Par Chloé Hecketsweiler

Publié le 30/12/2021

Le tsunami de contaminations liées à Omicron risque-t-il de submerger de nouveau les hôpitaux ? Depuis Noël, le nombre de cas en France bat, chaque jour, de nouveaux records – 179 000 au 28 décembre, 208 000 au 29 décembre. Un million de Français sont désormais positifs au SARS-CoV-2. « Ce sont des chiffres qui donnent le vertige », a déclaré le ministre de la santé, Olivier Véran, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en évoquant un « raz-de-marée » à propos du variant Omicron. « Ça veut dire que vingt-quatre heures sur vingt-quatre, jour et nuit, toutes les secondes dans notre pays, deux Français sont diagnostiqués positifs au coronavirus », a-t-il ajouté. « Nous n’avons jamais connu une telle situation. » Afin d’estimer l’impact sur le système de santé, l’Institut Pasteur a publié, mercredi 29 décembre, une nouvelle série de modélisations montrant ce qui pourrait se passer selon le niveau de contagiosité et de sévérité de ce variant, que les scientifiques peinent encore à cerner.

A titre d’exemple, si Omicron est environ 70 % plus contagieux que Delta, mais que le risque d’être hospitalisé pour une personne infectée est environ 80 % moindre, le pic pourrait atteindre 2 700 hospitalisations quotidiennes si les Français ne modifient pas leur comportement, soit un niveau comparable à celui de la seconde vague. S’ils réduisent leurs contacts de 10 %, ce pic passerait à 1 900, soit le niveau atteint lors de la troisième vague. « Cela va se jouer à pas grand-chose », estime Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur et membre du conseil scientifique, qui a transmis ces analyses à l’exécutif avant le conseil de défense de lundi. « Dans ce cas de figure, même en l’absence de mesures plus fortes, le changement de comportement des Français peut suffire », insiste-t-il.

Tous les scénarios sur la table
Au 28 décembre, un peu plus de 17 000 personnes étaient hospitalisées avec un diagnostic Covid-19 (24 000 à la même date en 2020), dont 3 400 en soins critiques (2 600 en 2020). Le pic de cette vague portée par Delta était attendu pour la fin de l’année, mais avec l’arrivée d’Omicron tous les scénarios sont de nouveau sur la table. Pour resserrer leur éventail, les épidémiologistes attendent davantage de données, notamment en provenance du Royaume-Uni, où Omicron est apparu un peu plus tôt qu’en France. Mais ses caractéristiques sont difficiles à saisir, dans la mesure où il se diffuse dans une population vaccinée ou déjà immunisée par une première infection. « Comparer les deux variants est très complexe, car il faut tenir compte de cet historique et corriger, du fait qu’une partie des gens, y compris parmi les non-vaccinés, sont protégés », souligne Simon Cauchemez.

Les comparaisons avec le Royaume-Uni sont aussi limitées compte tenu des différences dans la couverture vaccinale par classe d’âges, notamment avec une dose de rappel. « Elle est plus avancée au Royaume-Uni qu’en France chez les plus âgés [qui sont les plus à risque d’être hospitalisés]. La courbe des hospitalisations peut donc ne pas suivre la même trajectoire dans les deux pays », observe Florence Débarre, spécialiste de biologie évolutive au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). « La part des gens protégés par l’immunité développée à la suite d’une infection peut aussi être différente », ajoute la scientifique.

Si certaines données font déjà mentir les scénarios les plus pessimistes, une vague supérieure à celles de 2020 fait encore partie du champ des possibles, s’il s’avère, par exemple, qu’Omicron est encore plus contagieux qu’estimé. « On saura d’ici une à deux semaines sur quelle courbe on se situe », explique le modélisateur, « plus optimiste » qu’il y a quinze jours. En cas de mauvaise nouvelle, le temps pour réagir sera compté : dans le scénario d’un variant 80 % plus contagieux mais seulement 50 % moins sévère que Delta, « attendre le 10 janvier pour la mise en œuvre de ces mesures conduirait à un pic d’hospitalisation d’environ 5 000 hospitalisations journalières, dépassant sans doute le capacitaire hospitalier actuel », alerte la note remise aux autorités.

Très peu de non-vaccinés convaincus
Le rythme de la vaccination pourrait aussi influer sur l’ampleur de la vague. Dans leurs scénarios, les modélisateurs font l’hypothèse que 800 000 doses sont injectées, chaque jour, en rappel. Mais depuis le début des vacances scolaires les injections se sont effondrées, passant d’environ 670 000 à 390 000 en moyenne. Un an après l’arrivée des premières doses, les non-vaccinés sont aussi très peu nombreux à s’être laissé convaincre, ces dernières semaines : selon les dernières données de la direction générale de la santé (DGS), 930 000 personnes de 50 à 64 ans, 630 000 personnes de 65 à 79 ans et 490 000 personnes de plus de 80 ans ne sont toujours pas vaccinées. Or, les 9 % de plus de 20 ans non vaccinés représentent plus de 40 % des admissions à l’hôpital avec un diagnostic Covid-19 et plus de 50 % des entrées en soins critiques.

« La situation est susceptible d’évoluer très rapidement », souligne la note de l’Institut Pasteur. « Un temps de doublement des cas Omicron de 2 à 2,7 jours signifie que le nombre de cas Omicron est multiplié en moyenne par 6 à 11 en une semaine », est-il précisé. Les données qui permettaient jusqu’ici de suivre l’évolution du variant Omicron en France ne sont plus disponibles publiquement à la suite du changement des méthodes de criblage des échantillons décidé le 17 décembre par la DGS. « C’est arrivé au pire moment », regrette Florence Débarre, dont les calculs réalisés à partir des dernières données disponibles montrent que le seuil de 50 % d’Omicron dans les contaminations a été franchi le 19 décembre en Ile-de-France.

« L’absentéisme résultant de cette vague d’infections risque de perturber le fonctionnement de la société », mettent en gardent les modélisateurs

Même s’il s’avère que ce variant ne crée pas de raz-de-marée dans les hôpitaux, l’envolée des contaminations représente un risque en soi. « Des centaines de milliers de Français pourraient être infectés quotidiennement en janvier, dans la grande majorité des cas avec des symptômes légers. L’absentéisme résultant de cette vague d’infections risque de perturber le fonctionnement de la société », mettent en garde les modélisateurs. Le risque lié au manque de soignants a bien été identifié : à la veille de Noël, la DGS a ainsi rappelé à tous les établissements que les personnels positifs mais asymptomatiques pouvaient être amenés à travailler en cas de besoin. Une règle qui ne s’applique pas, pour l’instant, à ceux infectés par Omicron.

Chloé Hecketsweiler