Revenu de base - Salaire universel

Le Monde.fr : « Pour un revenu de base individuel, universel et libre d’obligation »

Septembre 2019, par infosecusanté

« Pour un revenu de base individuel, universel et libre d’obligation »

Le Monde.fr

Tribune

Philippe Van Parijs

Philosophe

Yannick Vanderborght

Politiste

Revenu d’activité en France, revenu de citoyenneté en Italie, revenu universel en Finlande… Le philosophe Philippe Van Parijs et le politiste Yannick Vanderborght analysent, dans une tribune au « Monde », ce qu’ils considèrent comme un véritable instrument d’émancipation.

Publié le 04 septembre

Tribune. Mark Zuckerberg et Yanis Varoufakis le défendent. Les Suisses lui ont consacré un référendum, les Finlandais l’expérimentent. Et l’Italie, dit-on, vient de le mettre en pratique. En France, Benoît Hamon en a fait sa proposition phare lors des primaires de la gauche, en 2017, et le gouvernement actuel est en passe de créer un dispositif portant un nom fort proche. Mais lorsqu’on parle de « revenu de base », de « revenu de citoyenneté », de « revenu universel » ou de « revenu universel d’activité », s’agit-il bien de la même chose ?

Quand la popularité d’une idée explose et que l’intérêt qu’on lui porte se met à franchir allègrement clivages politiques et frontières nationales, il est inévitable que la confusion s’installe. C’est pour contribuer à dissiper cette confusion et à fournir un aperçu approfondi de l’histoire de l’idée de revenu de base et des débats qu’elle suscite aujourd’hui que nous avons publié un livre, dont la version française vient de paraître [Le Revenu de base inconditionnel. Une proposition radicale, La Découverte, 588 pages, 26 euros]. Nous sommes en effet convaincus que les variantes les mieux conçues de cette idée doivent guider les futures réformes de la protection sociale.

L’argument le plus fondamental en la faveur d’un revenu de base inconditionnel peut être exprimé très simplement : fournir un socle de sécurité économique constitue le moyen le plus efficace de garantir un minimum de liberté réelle à chacune et à chacun, et en particulier à celles et ceux qui en ont le moins. Dûment calibré et intégré à notre sécurité sociale, le revenu de base n’a pas seulement l’avantage de réduire la trappe inhérente aux filets de sécurité conventionnels et de diminuer le taux de non-recours parmi les personnes les plus vulnérables et les moins bien informées.

Il facilite aussi un va-et-vient souple entre l’emploi, la formation et les activités bénévoles, et constitue de ce fait aujourd’hui, en complément de l’apprentissage tout au long de la vie, un instrument crucial au service d’une économie efficace. Il est surtout l’ingrédient central d’une société dans laquelle la liberté de s’épanouir, par le travail et en dehors du travail, sera plus largement partagée et plus équitablement distribuée.

Au-delà de l’assistance sociale

C’est sa triple inconditionnalité qui fait du revenu de base un puissant instrument d’émancipation. Revenu régulier payé en espèces à chaque membre d’une société, indépendamment de sa situation familiale, de ses autres revenus et de sa relation à l’emploi, il s’écarte radicalement des dispositifs existants de revenu minimum relevant de l’assistance sociale. Ceux-ci réservent en effet les paiements aux plus pauvres, tiennent compte de la composition des ménages pour en fixer le montant et obligent leurs bénéficiaires à être disponibles sur le marché du travail. Le revenu de base, lui, est individuel, universel et libre d’obligation.

Le revenu universel d’activité promis par le gouvernement actuel demeure, comme le revenu de solidarité active (RSA), un dispositif d’assistance sociale. Il en va de même du Hartz IV instauré en Allemagne en 2005, du universal credit graduellement mis en place au Royaume-Uni depuis 2013, et du reddito di cittadinanza introduit cette année en Italie. Certes, ces dispositifs diffèrent sensiblement les uns des autres sous de multiples aspects : le montant maximum par personne, sa dégressivité en fonction de la taille du ménage et des revenus issus d’autres sources, le caractère plus ou moins strict de l’obligation de travailler. Mais il s’agit chaque fois de dispositifs ciblés sur les ménages pauvres.