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Le Monde.fr : Présidentielle : les candidats obligés de se positionner sur la « Sécu »

Janvier 2017, par infosecusanté

Présidentielle : les candidats obligés de se positionner sur la « Sécu »

Le candidat de la droite, François Fillon, a lancé le débat. En réaction, l’idée d’une meilleure prise en charge publique fait son chemin à gauche.

LE MONDE

14.01.2017

Par François Béguin

Et la « Sécu » s’invita dans la campagne… Qui aurait pu prévoir, il y a encore deux mois, que la question du remboursement des soins s’inviterait comme un thème majeur de débat entre les candidats à l’élection présidentielle ?

L’émoi provoqué par la proposition du candidat de la droite, François Fillon (Les Républicains), de réserver à l’Assurance-maladie la prise en charge des seules affections graves et maladies de longue durée aura réveillé la gauche sur ce sujet. « Les projets de démantèlement de la Sécu par une droite décomplexée nous ont obligés à ne pas avoir une vision strictement défensive de la protection sociale », reconnaît Jérôme Guedj, porte-parole d’Arnaud Montebourg.

Conscient du malaise suscité par sa proposition, même au sein de son propre camp, François Fillon a rapidement dû battre en retraite. L’ancien premier ministre a admis, mercredi 11 janvier, n’avoir été ni « bon », ni « clair » sur ce sujet et a promis qu’il annoncerait fin janvier-début février, à l’issue d’une convention consacrée à la santé, comment il entend procéder à « une meilleure répartition entre les mutuelles et la Sécurité sociale ».

Cet épisode a ouvert un boulevard aux candidats de gauche, alors qu’une pétition demandant au futur président de la République, quel qu’il soit, le maintien du « niveau actuel de remboursement des soins par la Sécurité sociale » a déjà recueilli plus de 220 000 signatures.

Complémentaires publiques

Mais les temps ont changé. Là où, en octobre 2012, devant le congrès de la Mutualité française à Nice, un François Hollande fraîchement élu à l’Elysée annonçait la généralisation de l’accès à une « couverture complémentaire de qualité » d’ici à 2017, plusieurs candidats à la primaire ont pris leurs distances avec les organismes complémentaires privés (mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurance) qui financent 13,3 % des dépenses de santé, soit 26 milliards d’euros de prestations.

Pour Arnaud Montebourg ou Vincent Peillon, l’heure est désormais aux complémentaires santé publiques. La proximité historique du Parti socialiste avec la Mutualité française, structure de représentation des mutuelles, dut-elle en souffrir. Les deux candidats reprochent aux complémentaires des frais de gestion plus élevés que l’Assurance-maladie (19 % en moyenne, contre 4 %). Ils leur font également grief d’être devenues inégalitaires, trop chères ou trop complexes.

Si l’accord national interprofessionnel (ANI) signé en 2013 a permis à 400 000 salariés supplémentaires de bénéficier, depuis le 1er janvier 2016, d’une complémentaire santé, la généralisation est inachevée. Les retraités, les jeunes en difficultés d’insertion ou les chômeurs de longue durée ne bénéficient pas d’un dispositif, par ailleurs critiqué pour avoir fait grimper les tarifs et baisser la qualité de certaines prestations, obligeant des salariés à prendre des sur-complémentaires.

« Avec les avancées de l’ANI, les trous dans la raquette sont devenus encore plus fragrants », souligne Jérôme Guedj. Le candidat bourguignon propose ainsi que les Français dont les revenus sont inférieurs au smic, sans être couverts par la couverture maladie universelle (CMU), bénéficient d’une mutuelle publique pour 10 euros par mois. Soit un coût supplémentaire, pour l’Assurance-maladie, de 2 milliards d’euros.

Des candidats prudents

Pour Vincent Peillon, cette complémentaire santé publique serait accessible à un « coût modéré » et « acceptable », et financée par la CSG. « A coût équivalent, on doit faire mieux que le privé, explique Julien Lenglet, de l’équipe du candidat. Et si c’est un succès, on voudrait la proposer à tous les Français. » Pour les deux hommes, il s’agit d’étendre le dispositif de la CMU complémentaire (CMU-C) dont bénéficient 4 millions de personnes qui touchent moins de 720 euros par mois.

Benoît Hamon propose, lui, que les aides publiques aux complémentaires bénéficient de façon égale aux salariés du privé, aux fonctionnaires, aux retraités, aux étudiants et chômeurs de longue durée. Quant à Manuel Valls, en retrait sur cette question, il a proposé sans plus de détails d’améliorer l’accès aux soins « en remboursant à 100 %, c’est-à-dire sans ticket modérateur, un ensemble de soins de ville ».

Aucun des sept candidats à la primaire n’est allé jusqu’à proposer de mettre en place, comme le fait Jean-Luc Mélenchon, une « Sécurité sociale intégrale » regroupant la « Sécu » et les complémentaires pour permettre des remboursements à 100 %.

« Improvisation »

Une prudence qui donnera sans doute davantage de poids et d’écho à la proposition radicale faite samedi 14 janvier, par Martin Hirsch, ancien membre du gouvernement de François Fillon et actuel patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le plus grand groupement hospitalier de France, d’instaurer une « assurance maladie universelle » qui prendrait en charge l’ensemble des dépenses de santé.

Cette réforme, qu’il défend dans une tribune dans Le Monde cosignée avec l’économiste de la santé Didier Tabuteau, impliquerait, dans un délai de cinq ans, la disparition des complémentaires santé privées et permettrait, selon lui, d’économiser « environ 6 milliards d’euros par an, sans affaiblir la protection d’aucun assuré et au contraire, en améliorant l’accès aux soins ».

A la Mutualité française, on s’étonne de la multiplication de ces attaques contre le modèle, surtout lorsqu’elles émanent des amis d’hier. « Nous trouvons injustes les critiques faites aux mutuelles », juge Thierry Beaudet, son patron. « Les responsables politiques semblent déplorer la place qu’ils nous ont donnée au fil de leurs politiques », dit-il, dénonçant des « propositions de dernière minute, qui démontrent une certaine impréparation, voire une improvisation » de la part de certains candidats.

Emmanuel Macron, lui, n’a pas détaillé comment il entendait parvenir à rembourser à 100 % d’ici à 2022 les lunettes, les prothèses dentaires et les appareils auditifs, comme il s’y est engagé vendredi 6 janvier à Nevers, des soins aujourd’hui très peu – voire pas – remboursés par l’Assurance-maladie.

Une proposition que Thierry Beaudet, chiffre à 4,4 milliards d’euros et juge « réaliste et accessible », car elle prévoit que l’Assurance-maladie et les complémentaires « puissent dialoguer pour agir auprès des professionnels ».

François Béguin
Journaliste au Monde