Les retraites

Le Monde.fr : Réforme des retraites : au Royaume-Uni, vers la retraite à 68 ans

Décembre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : Réforme des retraites : au Royaume-Uni, vers la retraite à 68 ans

Les Britanniques ont une retraite d’Etat minimum, à laquelle s’ajoutent des fonds de pension privés.

Par Eric Albert

Publié le 19/12/2019

La retraite à 62 ans ? Ou même 64 ans ? Voilà longtemps que ces seuils ont été dépassés au Royaume-Uni. La retraite d’Etat, actuellement fixée à 65 ans, va passer à 66 ans à partir d’octobre 2020. Cette augmentation n’est qu’un début : elle atteindra 67 ans en 2026 et 68 ans en 2044.
Article réservé à nos abonnés

La comparaison avec la France est cependant inexacte, les retraites outre-Manche fonctionnant de façon très différente. Les Britanniques ont un système à deux niveaux. Le premier est la retraite d’Etat, une sorte de minimum vieillesse au même niveau pour tout le monde, à condition d’avoir cotisé pendant trente ans. Il s’élève actuellement à 8 750 livres (10 500 euros) par an. Ce système par répartition trouve ses racines dans l’introduction, en 1908, d’une retraite à 70 ans, quand Lloyd George, alors chancelier de l’Echiquier, a créé une pension pour tous de cinq shillings par semaine (environ 40 euros actuels).

A ce premier niveau de retraite s’ajoutent des fonds de pension privés, auxquels chacun peut contribuer pendant sa vie active. C’est là que débutent de vastes différences d’une entreprise à l’autre ou d’un parcours à l’autre. Selon la générosité des entreprises, qui peuvent contribuer plus ou moins, selon les modes de gestion des fonds de pension, le niveau des retraites peut être très différent. Les salariés du secteur public ont un système à part, par répartition.

Cela se traduit par un âge de départ effectif qui n’est finalement guère différent de celui de la France. En moyenne, les Britanniques prennent leur retraite à 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes (contre 63,4 ans en France, pour les deux sexes).

Importance de l’immobilier
Il s’agit néanmoins d’un retournement de tendance. En 1950, les Britanniques partaient à la retraite à 67 ans (pour les hommes) et 64 ans (pour les femmes). L’âge a ensuite baissé, atteignant un point bas au début des années 1990, à 63 ans et 61 ans respectivement, avant de recommencer à augmenter.

La jungle des fonds de pension, avec des situations très disparates, explique que l’âge de la retraite ne soit guère un débat au Royaume-Uni. Dans un récent discours, Edwin Schooling Latter, chargé des retraites au Financial Conduct Authority, le gendarme des marchés, citait George Foreman, un ancien boxeur américain : « La question n’est pas à quel âge je prends ma retraite mais à quel niveau de revenu. » Pour chaque Britannique, il ne s’agit pas de compter le nombre de trimestres ou de points, mais de savoir où il en est dans son épargne personnelle.

La réponse varie fortement d’une personne à l’autre. Selon la Financial Conduct Authority, 14 millions de Britanniques n’ont aucune épargne retraite, soit 40 % de la population active. Certains peuvent compter sur la pension de leur conjoint ou conjointe, d’autres commenceront à épargner plus tard, mais beaucoup devront se contenter de la retraite d’Etat.

Depuis 2012, le gouvernement tente de redresser la barre. Désormais, toutes les entreprises sont obligées d’enrôler leurs employés dans un fonds de pension, auquel ils contribuent à hauteur de 8 % de leur salaire (dont 3 % à charge patronale). Un grand fonds de pension national a été créé pour cela. Neuf millions de Britanniques y sont désormais inscrits.

Cette situation explique en partie l’importance cruciale de l’immobilier au Royaume-Uni. Il est courant de revendre son logement au moment de la retraite, pour en acheter un plus petit. Près du quart des retraités procède de cette manière.
Ce système par capitalisation a l’avantage de ne pas dépendre de la pyramide des âges, chacun épargnant pour soi-même. Mais cela ne signifie pas pour autant que les jeunes sont mieux lotis, bien au contraire. « Les millennials font face à une série de difficultés pour accumuler de la richesse, à cause de la hausse des prix de l’immobilier, de l’emploi précaire et de la hausse de l’endettement, y compris pour les étudiants », souligne M. Schooling Latter.

Les universités, qui étaient presque gratuites jusqu’en 2010, coûtent désormais 9 000 livres (10 000 euros) par an. Entamant leur vie active endettés, incapables d’acheter un logement, les jeunes Britanniques ont trop de difficultés immédiates pour imaginer contribuer à un fonds de pension. Le risque est donc grand qu’ils se retrouvent dans une situation compliquée dans quelques ­décennies, quand cette génération arrivera à l’âge de la retraite. Devront-ils la prendre à 70 ans, comme en 1908 ?