Retraites complémentaires

Le Monde.fr : Retraites : « Le patron de BlackRock n’a pas plus l’oreille du pouvoir que ses pairs d’AXA ou de BNP Paribas »

Décembre 2019, par infosecusanté

Le Monde.fr : Retraites : « Le patron de BlackRock n’a pas plus l’oreille du pouvoir que ses pairs d’AXA ou de BNP Paribas »

Premier gestionnaire d’actifs au monde, le géant américain a fait au gouvernement des « recommandations » en faveur de la capitalisation qui sont très proches de celles des banques et des assureurs français, analyse Jean-Michel Bezat, journaliste économique au « Monde ».

Par Jean-Michel Bezat •
Publié le 19/12/2019

La photo vaut condamnation, sur les réseaux sociaux du moins, où les jugements sont expéditifs. On y voit Emmanuel Macron dans un salon de l’Elysée et, assis à sa droite, Larry Fink, patron de BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs au monde avec 6 230 milliards d’euros. Elle a été prise le 10 juillet, lors d’un séminaire réunissant de grands fonds engagés dans la lutte pour le climat, à l’initiative du président de la République. Serait-il entre les griffes de ce symbole du capitalisme anglo-saxon ?

Plus que la photo, c’est une note de 16 pages, publiée en juin sur le site de BlackRock (Loi Pacte : le bon plan retraite), qui a mis le feu aux poudres. Votée au printemps, la loi veut favoriser l’épargne-retraite volontaire (moins d’impôts, sortie en capital…) et porter son encours de 200 milliards aujourd’hui à 300 milliards d’euros en 2022. Le géant new-yorkais s’y est engouffré et fait quatorze « recommandations » au gouvernement français pour drainer plus de capitaux vers la retraite. Quitte, selon lui, à créer une quasi-obligation dans les entreprises, au-delà des régimes de base et complémentaires, et à ouvrir les produits à des supports domiciliés au Luxembourg ou en Irlande, à la fiscalité très avantageuse.

Lobbying éhonté d’un « grand Satan » de la finance ? Cheval de Troie de la capitalisation dans le système par répartition, même si la note précise que celui-ci restera « au cœur de l’épargne-retraite française » ? BlackRock reconnaît que les deux tiers des actifs qu’il gère sont « liés aux solutions d’épargne-retraite ». Pour autant, M. Fink n’a pas plus l’oreille du pouvoir que ses pairs d’AXA, de BNP Paribas ou d’Amundi qui, eux, gèrent les produits en capitalisation et font le même lobbying auprès du gouvernement depuis des décennies.

Au-delà des « super-riches »

Leur activisme va d’autant moins faiblir que le volet épargne de la loi Pacte est articulé sur la réforme des retraites. Elle ouvre une voie royale à la capitalisation, pour les très hauts revenus d’abord. Ils ne cotiseront plus pour les régimes obligatoires au-delà de 10 000 euros par mois (hormis une cotisation « de solidarité » de 2,8 %), contre 27 000 euros actuellement, et devront capitaliser pour compléter leurs revenus de retraités. Cela ne touchera guère que 1 % des actifs.

L’épargne-retraite doit néanmoins se diffuser au-delà des « super-riches », défend le gouvernement. Une manière de reconnaître ce que l’opinion admet à son corps défendant : avec la dégradation continue du rapport actifs-inactifs et l’allongement de la durée de vie, le développement d’un troisième pilier de la retraite est inévitable.

Jean-Michel Bezat