Branche maladie de la sécurité sociale

Le Monde.fr : Tiers payant généralisé : des garanties de paiement données aux médecins

Février 2016, par infosecusanté

Tiers payant généralisé : des garanties de paiement données aux médecins

Le Monde.fr

17.02.2016 à

Par Laetitia Clavreul

Ne plus être réglé directement par les patients, mais être assuré de l’être quand même, et vite. Voilà ce qu’impliquait l’acceptation du tiers payant généralisé par les médecins. La loi santé, dont c’était la mesure phare, a été votée en décembre 2015, mais les outils pour garantir le paiement des praticiens n’avaient pas encore été proposés. C’est chose faite avec la présentation aux médecins, mercredi 17 février, d’un rapport conjoint de l’Assurance-maladie obligatoire (CNAMTS, RSI, MSA) et des complémentaires santé (mutuelles, assureurs privés et instituts de prévoyance). Ces mécanismes n’ont toutefois pas convaincu les médecins.

Ceux-ci avaient posé leurs exigences : aucun risque de non-paiement à supporter, des versements rapides et un suivi simple, pas de perte de temps médical. Petit rappel nécessaire : compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier, le tiers payant sera progressivement généralisé d’ici à la fin de 2017 pour la partie des consultations prises en charge par la « Sécu » (soit 15,10 euros chez un généraliste de secteur 1, par exemple), et son application sera laissée à l’appréciation des médecins pour la partie « complémentaires » (6,90 euros).

Respect des délais de paiement

Tout d’abord, les médecins seront forcément payés. Le patient devra, pour être dispensé d’avancer les frais sur la partie assurance-maladie obligatoire, présenter sa carte Vitale, ce qui permettra son identification et garantira le paiement du médecin, y compris si les droits ne sont plus à jour. Fini donc les rejets de facture que connaissaient ceux qui pratiquaient déjà le tiers payant, liés à des problèmes de continuité des droits des assurés sociaux ou de non-respect du parcours de soins.

Pour la part des complémentaires, la plus compliquée vu qu’il existe plus de 500 acteurs, ce sera le même principe, grâce à la mise en place de solutions automatiques de droits en ligne. Le patient devra fournir son attestation de tiers payant de mutuelle. Le médecin vérifiera qu’il est bien couvert et, si oui, le paiement sera garanti. Les informations seront saisies à la première visite, puis mémorisées par le logiciel. Les médecins signeront un contrat type de tiers payant commun à tous les organismes.

Assurance-maladie obligatoire et complémentaires s’engagent en outre à respecter « des délais de paiement contraignants ». La loi prévoit un délai pour la « Sécu » qui pourrait être fixé à sept jours (les remboursements sont versés en moyenne à trois jours pour les feuilles de soins électroniques). En cas de retard, des pénalités financières seront appliquées. Les complémentaires s’engagent à respecter un délai au moins identique, et envisagent un dispositif de sanctions analogue.

« Réconciliation » des versements

Côté simplicité du système, les médecins réclamaient un « payeur unique », l’Assurance-maladie. Impossible, leur répond-on, d’un point de vue juridique, opérationnel et économique – cela exclurait les complémentaires du système. Ils pourront néanmoins bénéficier d’« un flux unique de paiement » dans leur logiciel de travail, par le biais d’un système de « réconciliation » des versements.

Chaque médecin disposera d’un système de suivi automatique de paiement de la « Sécu » et des complémentaires, grâce à l’utilisation à l’avenir de normes communes de références de virement. Autre option : les professionnels pourront passer par des intermédiaires assurant la gestion et le suivi des paiements, voire un virement bancaire unique.

En plein cœur de la crise avec les médecins, en 2015, la simplicité d’usage avait été un engagement de François Hollande. Mais il aura fallu attendre l’après-vote de la loi pour avoir le détail. Il faut dire que le temps politique – la mesure est vue comme un marqueur de gauche dans le quinquennat – n’est pas le temps industriel. Il s’agissait là d’un gros chantier en matière d’harmonisation des normes entre organismes payeurs et d’amélioration des systèmes d’information.

« Mauvaise volonté » des complémentaires ?

Sauf que cela ne sera pas aussi simple qu’avec par exemple une carte vitale regroupant les droits pour la « Sécu » et la complémentaire. Pour les médecins, le résultat est décevant. Claude Leicher, pour MG France, relève une « amélioration conséquente du côté de l’Assurance-maladie obligatoire », mais une « mauvaise volonté » côté complémentaires, expliquant que les assurés changeant souvent d’organismes et ceux-ci ne cessant de fusionner, ce sera ingérable pour les médecins. Il parie donc sur une application du tiers payant principalement pour le remboursement obligatoire.

La Fédération des médecins de France (FMF), elle, a appelé les médecins « à refuser cette charge supplémentaire qui n’améliorera en aucune façon l’accès aux soins ». Quant à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), son président Jean-Paul Ortiz a résumé l’état d’esprit en un tweet : « Qui paye ? Le médecin ? Non et non ». L’Assurance-maladie promet, elle, que le coût sera réduit, vu qu’il n’y aura plus de rejet de paiement.

La Mutualité française estime au contraire qu’il y a là de quoi alléger la tâche des médecins, qui n’auront par exemple plus à gérer les chèques (et les risques d’impayés). « Si le blocage résidait dans les exigences soulevées par les médecins, il n’y a plus aucune raison qu’il persiste », juge Etienne Caniard, son président.

Les promoteurs de la mesure se veulent confiants, estimant qu’une fois les outils en place, les médecins s’y habitueront. Comme cela a été le cas, dans la durée, pour la carte Vitale ou la feuille de soins électronique.

Laetitia Clavreul
Journaliste au Monde