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Le Monde.fr : Une « grande conférence de santé » pour réconcilier gouvernement et médecins

Février 2016

Une « grande conférence de santé » pour réconcilier gouvernement et médecins

LE MONDE

10.02.2016

Par François Béguin

Ni réformes d’ampleur, ni décisions qui fâchent. A quatorze mois de la prochaine élection présidentielle, la « grande conférence de santé » qui doit se tenir jeudi 11 février à Paris ne sera pas le grand soir du système de santé français. Face à des professionnels de santé libéraux durablement échaudés par l’adoption en décembre de la loi santé et de sa mesure phare, le tiers payant généralisé, le premier ministre Manuel Valls devrait au contraire annoncer des mesures consensuelles destinées à répondre – à peu de frais pour les finances publiques – à diverses revendications syndicales en matière de formation ou d’amélioration des conditions d’exercice.

Qu’il s’agisse de l’amélioration de la protection sociale des médecins installés en secteur 1 (soit la majorité des généralistes) ou d’une modulation régionale du numerus clausus pour mieux réduire les disparités d’implantation des médecins, ces petites « douceurs » pourraient se montrer insuffisantes pour répondre à la colère de médecins libéraux qui avaient été brutalement contraints d’interrompre leur mouvement de protestation contre le tiers payant après les attaques terroristes du 13 novembre. Même si la censure partielle du dispositif par le Conseil constitutionnel le 21 janvier a en partie répondu à leurs inquiétudes, le malaise de la profession est profond.

Le boycott des cinq principaux syndicats de médecins libéraux

Annoncée en mars après la manifestation qui avait réuni entre 19 000 et 40 000 professionnels de santé dans les rues de la capitale, la conférence de santé va réunir plus de 300 représentants de médecins hospitaliers, d’organisations étudiantes, d’infirmiers, de paramédicaux ou de pharmaciens dans les locaux du Conseil économique social et environnemental (CESE), à Paris. Les cinq principaux syndicats de médecins libéraux boycotteront, eux, la réunion et tiendront parallèlement leurs propres « assises de la médecine libérale » à l’issue desquelles ils présenteront « une plate-forme de propositions communes ». Quant à la ministre de la santé, Marisol Touraine, qui a plusieurs fois fait connaître sa « disponibilité » pour un autre poste au sein du gouvernement, dont le remaniement est prévu prochainement, nul ne sait si elle ne vivra pas jeudi ses dernières heures à un poste qu’elle occupe depuis mai 2012.

« Mais si elle reste, elle sera là encore quatorze mois, et même si ce ne sera jamais l’amour fou entre elle et les médecins, un début de confiance peut revenir », veut croire Claude Pigement, l’ex-responsable santé au PS. « C’est évident que le gouvernement va lâcher du lest aux médecins, personne ne peut aller à la présidentielle dans ces conditions », confirme un des seize membres du comité de pilotage de la « grande conférence ». Le syndicat MG France, majoritaire chez les généralistes, a d’ailleurs annoncé lundi qu’il enverrait un observateur à la conférence en signe de « satisfaction » après avoir obtenu un début de renforcement de la filière universitaire de médecine générale en la reconnaissant comme une « vraie » discipline au sein du Conseil national des universités (CNU) et en garantissant des postes d’enseignants supplémentaires. « On attend maintenant de voir si Manuel Valls a compris l’urgence de la situation », explique Claude Leicher, le président de MG France, qui dit avoir été « saturé de belles promesses, venues de la droite comme de la gauche, dont on n’a pas vu les conséquences pour les généralistes ».

Une « recertification » des professionnels de santé tous les six ans

A moins de deux semaines de l’ouverture des négociations conventionnelles avec l’Assurance-maladie visant à revaloriser les tarifs de la consultation, les autres syndicats de médecins libéraux assurent ne rien attendre de la « grande conférence ». « Avec trois mesurettes sur la formation, c’est une montagne qui va accoucher d’une souris », prédit Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, syndicat majoritaire chez les médecins libéraux, pour qui cette grand-messe « vient trop tard ». Jean-Paul Hamon, le président de la FMF, dénonce lui une « mascarade médiatique ». « Après presque quatre ans de ce gouvernement, s’ils avaient eu des choses à annoncer, ils l’auraient déjà fait depuis longtemps. »

Plusieurs points contenus dans le livre blanc présenté le 10 janvier par l’Ordre national des médecins à l’issue d’une grande consultation menée auprès de 35 000 médecins ces derniers mois devraient être annoncés jeudi par le premier ministre. Selon nos informations, Manuel Valls devrait par exemple annoncer la systématisation de la modulation régionale du numerus clausus.

Une « recertification » des professionnels de santé tous les six ans à partir d’un cahier des charges élaboré par la Haute autorité de santé (HAS) devrait également être mise en place. Menée par l’Ordre, cette validation des acquis de l’expérience ne serait obligatoire que pour les nouveaux arrivants et resterait optionnelle pour ceux déjà installés. Le premier ministre devrait enfin garantir la mise en place d’une offre publique de formation chez les paramédicaux dans les filières où seule une formation privée est aujourd’hui proposée.