Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Une vaccination « pas obligatoire » mais un isolement peut-être plus contraignant : la stratégie sanitaire du gouvernement

Novembre 2020, par infosecusanté

Le Monde.fr : Une vaccination « pas obligatoire » mais un isolement peut-être plus contraignant : la stratégie sanitaire du gouvernement

Les premiers vaccins contre le Covid-19 pourraient être administrés dès la fin décembre et l’isolement des personnes contaminées pourrait donner lieu à des mesures coercitives, a indiqué le chef de l’Etat dans son allocution, mardi soir.

Par Stéphane Mandard, Delphine Roucaute et Chloé Aeberhardt

Publié le 25/11/2020

Jamais encore l’exécutif ne s’était exprimé aussi clairement sur le sujet. « Je ne rendrai pas la vaccination obligatoire », a déclaré Emmanuel Macron lors de son allocution, mardi 24 novembre. Dans ses recommandations intermédiaires publiées le 9 novembre, la Haute Autorité de santé considérait qu’une obligation serait « inopportune » au début de la campagne de vaccination, dans la mesure où les connaissances sur les vaccins contre le Covid-19 ne seraient pas assez étendues, et le nombre de doses sans doute insuffisant.

A ce jour, la commission européenne a signé des accords avec six laboratoires dont Moderna, Pfizer/BioNTech et AstraZeneca pour un total d’1,9 milliard de doses. Environ 295 millions devraient être distribuées en France. « Les premiers vaccins, sous réserve des résultats des essais cliniques, pourront être administrés dès la validation des autorités sanitaires compétentes », a précisé M. Macron, soit fin décembre ou début janvier.

Vacciner les personnes les plus fragiles
Alors que dans son avis du 9 juillet, le conseil scientifique estimait que les populations à vacciner « en toute première priorité » étaient les populations à risque d’exposition professionnelle (dont les personnels de santé), le président a indiqué que « nous commencerons vraisemblablement (…) par vacciner les personnes les plus fragiles et donc les plus âgées ». Le suivi de la vaccination, qui devra se faire « au plus près des personnes », sera assuré par un « comité scientifique » dont la nature n’a pas été précisée.

Sans plus de précisions, il a également indiqué la création d’un « collectif de citoyens » qui devrait permettre d’« associer plus largement la population ». Cette annonce fait écho aux suggestions du conseil scientifique, qui depuis le printemps, appelle de ses vœux la création d’une instance citoyenne où débattre de la politique sanitaire. Ce collectif pourrait contribuer à forger l’adhésion de la population à la campagne de vaccination.

Avec une diminution conjointe du nombre de nouveaux cas de Covid-19, des hospitalisations et des nouvelles admissions en réanimation, il faut désormais considérer que le pic de la deuxième vague a été franchi en France, même si la situation reste tendue dans certaines régions, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, en Bourgogne-Franche-Comté et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Lors de la dernière allocation du président, le 28 octobre, on enregistrait 60 000 nouveaux cas de Covid-19 confirmés par jour. La semaine dernière, selon le bulletin épidémiologique publié jeudi par Santé publique France, on n’en comptait plus que 20 000. Lors du pic de la deuxième vague, le 16 novembre, quelque 33 500 personnes atteintes du Covid-19 étaient hospitalisées, dont 4 900 en services de réanimation ; elles ne sont plus que 4 300 aujourd’hui en réanimation. Une lente décrue s’est ainsi amorcée qui permet d’envisager un relâchement des contraintes imposées depuis octobre.

Isolement des cas positifs
Le président a énoncé, une fois de plus, son objectif pour sortir du confinement : atteindre un seuil de seulement 5 000 nouvelles personnes contaminées par jour, soit à peu près la situation de la fin août, et entre 2 500 et 3 000 personnes en réanimation. Des chiffres que M. Macron espère atteindre le 15 décembre, mais que la plupart des épidémiologistes – avec, en tête, le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy – n’estiment pas atteignables avant la fin décembre. Selon le groupe de modélisation de l’équipe de recherche Evolution théorique et expérimentale (ETE), si le taux de reproduction actuel, d’environ 0,8, se maintenait tout le mois de décembre, « il faudrait attendre janvier 2021 pour revenir à une occupation des lits en réanimation similaire à celle de la mi-octobre ».

Enfin, M. Macron a ouvert la voie à une approche plus coercitive pour faire respecter l’isolement des cas positifs. « Je souhaite que le gouvernement et le Parlement prévoient les conditions pour s’assurer de l’isolement des personnes contaminées, y compris de manière plus contraignante », a-t-il indiqué. Dans le triptyque « tester, tracer, isoler » (désormais remplacé par le moins anxiogène « tester, protéger, alerter, soigner »), le dernier maillon est le point faible de la doctrine française pour endiguer l’épidémie. Aujourd’hui, elle repose uniquement sur le civisme des Français qui sont appelés à rester en « quarantaine » pendant une semaine à leur domicile lorsqu’ils sont positifs ou cas contacts. Une stratégie qui a été incapable d’empêcher une deuxième vague.

Afin d’en éviter une nouvelle, certains députés de la majorité, comme ceux du groupe Agir ensemble, ont appelé le gouvernement à rendre obligatoire l’isolement avec une amende de 10 000 euros en cas de non-respect. Certains pays européens se sont déjà engagés dans cette voie : les sanctions peuvent aller jusqu’à 600 000 euros en Espagne, voire des peines de prison en Italie. Si des mesures coercitives doivent être prises, elles passeront par une loi.

Ne voulant pas apparaître comme le Père Fouettard de la nation avant les fêtes de fin d’année, M. Macron a précisé que « ces personnes seront accompagnées sur le plan matériel, sanitaire et psychologique ». Opposé à toute approche coercitive, le conseil scientifique a de son côté préconisé des mesures incitatives comme la prise en charge de services à domicile.