L’hôpital

Le Monde.fr : Urgences : au CHU de Bordeaux, une restriction de l’accès à l’entrée au résultat jugé « positif »

Juin 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : Urgences : au CHU de Bordeaux, une restriction de l’accès à l’entrée au résultat jugé « positif »

A l’hôpital Pellegrin, le bilan après un mois de recours systématique au 15 la nuit pour accéder aux urgences, a permis une réduction du flux d’entrées. Une piste qui pourrait être appliquée au niveau national.

Par Camille Stromboni

Publié le 27/06/2022

Il est fort probable que la solution figure dans la boîte à outils qui va être préconisée par la « mission flash » pour soulager les services d’urgence sous tension durant l’été. La fermeture des portes de ces services, voués à être ouverts à tous 24 heures sur 24, avec un accès désormais régulé systématiquement par le SAMU, s’est d’ores et déjà imposée dans certains hôpitaux qui souffrent du manque de médecins. Le CHU de Bordeaux a ainsi provoqué un coup de tonnerre en instaurant ce fonctionnement la nuit à l’hôpital Pellegrin dès le 18 mai. Une première. Le CHU de Grenoble s’y est résolu à compter du lundi 27 juin.

Avec 35 % de postes vacants dans l’équipe de médecins bordelais, il fallait « tenter quelque chose avant l’été », explique le chef de service, Philippe Revel : « On n’avait pas le choix, si on ne faisait rien, les départs de médecins allaient continuer. » Après plus d’un mois dans cette configuration, l’urgentiste en tire globalement un « bilan positif ». « Nous avons pu réduire l’activité de 25 % à 30 %, explique Philippe Revel. Nous avons moins de patients qui attendent, moins de malades dans les couloirs et de meilleures conditions de travail pour les soignants. » Pour le chef de service, cette nouvelle règle a permis « de ne sélectionner aux urgences que les patients qui en ont vraiment besoin ».

Cette régulation à l’entrée systématique par un appel au 15 est défendue notamment par le syndicat SAMU-Urgences de France, auquel appartient le professeur François Braun, qui a été missionné pour rendre un rapport sur les « urgences et les soins non programmés » par le président de la République, attendu dans les jours qui viennent. Elle est loin cependant de faire l’unanimité dans la communauté soignante, certains dénonçant la restriction de l’accès aux soins qui en découle.

« On ne reviendra plus en arrière »
Quid des autres patients à Bordeaux, qui ne souffraient peut-être pas d’une détresse vitale mais étaient à la recherche de soins et n’ont pu accéder aux urgences ? La crise a eu comme conséquence positive l’installation d’un cabinet de médecine libérale juste à côté des urgences, avec une permanence de 14 heures à minuit. Philippe Revel écarte pour sa part la crainte de « rater » des urgences vitales : « Il y a toujours un risque, mais il est très faible, nos médecins régulateurs ont l’habitude d’interroger les patients, et nous n’avons eu aucun problème majeur à signaler. »

Si toutes les demandes de soins non programmés doivent trouver une réponse, il n’est plus possible, selon lui, de continuer à les faire toutes atterrir « par principe » aux urgences ; « on n’en a plus les moyens », dit-il. La prochaine étape dans son service sera sans doute d’étendre ce fonctionnement en journée. « En tout cas, on ne reviendra pas en arrière », assure-t-il.

Changer d’échelle, en déployant plus largement cet accès régulé, peut-être même au niveau national, ne manquerait pas de soulever plusieurs difficultés. Au premier rang celle du renforcement des personnels de SAMU, pour répondre à la masse d’appels qui en découlerait. A Bordeaux, l’augmentation n’a représenté qu’un petit volume d’appels supplémentaires à prendre en charge, alors qu’un seul site hospitalier est concerné et seulement la nuit. Ce qui a pu être absorbé grâce à l’aide d’une « cellule miroir » composée d’étudiants en santé. La réaction de la population et son adhésion à ces nouveaux réflexes font aussi partie des inconnues.

Un tiers de centres hospitaliers touchés par des fermetures des urgences « par à-coup »
Des services d’urgence fermés « par à-coup » dans un tiers des 111 hôpitaux répondants, des fermetures partielles la nuit de « lignes de garde » – soit une réduction du nombre de médecins en service - dans près d’un quart d’entre eux, un peu plus de la moitié des responsables qui estiment que la « situation actuelle des services d’urgence va se dégrader dans les prochaines semaines »…

Les résultats de plusieurs enquêtes menées par la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissements de centres hospitaliers, entre le 27 mai et le 14 juin, et rendus publics vendredi 24 juin, viennent confirmer l’ampleur de la crise qui bouleverse les urgences mais aussi la « dégradation majeure de tous les secteurs de l’hôpital public ». Ce dernier « menace de s’effondrer dans les prochains mois si des mesures d’urgence et structurelles ne sont pas prises à très courte échéance », alertent les représentants médicaux de ces centres hospitaliers.

« Nous ne sommes pas face à une crise des urgences mais bien de l’ensemble de l’hôpital et au-delà, de tout le système de santé », précisent-ils. Les fermetures de lits se multiplient en soins critiques (32 % des répondants en signalent), en périnatalité (20,7 %), en chirurgie (44 %) ou encore en médecine (74,1 %). Ils appellent, dans ce « contexte politique incertain », à « une union nationale pour donner au système de santé les moyens de répondre aux besoins de santé des Français ».

Camille Stromboni