Amerique du Nord

Le Quotidien du Médecin - Des médecins américains s’inquiètent des conséquences sur la santé des décrets Trump

Février 2017, par Info santé sécu social

Dr Lydia Archimède

Après avoir dénoncé le premier décret signé par Donald Trump visant à abroger la loi sur l’assurance santé, l’Obamacare, des scientifiques s’élèvent toujours dans le « New England Journal of Medicine », cette fois contre le décret, restreignant l’entrée aux États-Unis des ressortissants de 7 pays majoritairement musulmans, l’Irak, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen.

Le décret précise que cette liste peut être modifiée à tout moment. Le Dr Katrina Armstrong, médecin chef du Massachusetts General Hospital (MGH) à Boston, et ses cosignataires estiment que les conséquences de cette mesure « sont étendues et dommageables pour le système américain de soins et la médecine interne ». Ils soulignent que le libre partage des idées entre cliniciens et scientifiques est « fondamental pour les soins aux patients, la formation des médecins et la recherche ».

L’apport des médecins étrangers

Les chercheurs rappellent qu’au début du XXe siècle, beaucoup d’étudiants en médecine américains sont venus se former en Europe et y ont rapporté de nouvelles idées. Au cours des cinquante dernières années, « la recherche biomédicale américaine a grandement bénéficié des idées, de la créativité, de l’ingéniosité des diplômés en médecine et chercheurs étrangers », soulignent-ils. Ils rappellent les contributions essentielles des médecins et des scientifiques d’origine étrangère dans les hôpitaux américains et les centres hospitaliers universitaires. À titre d’exemple, ils rappellent que dans les 46 professeurs attachés ou associés à la Harvard Medical School (Massachusetts General Hospital), au cours de ces 3 dernières années, 40 % sont nés hors des États-Unis, un pourcentage pas très différent de celui d’autres institutions aux États-Unis.

Parmi les étudiants faisant leur internat dans des hôpitaux américains, 50 % sont étrangers et vont souvent exercer dans des régions du pays où il y a une carence de médecins, dont les zones rurales et les communautés d’Amérindiens ou encore dans le système de santé fédéral chargé des anciens combattants. Certes, beaucoup d’entre eux ne sont pas originaires de pays concernés par le décret mais un récent rapport estime que 260 (sur 7 024) sont concernés par le décret.

Un chiffre loin d’être négligeable et qui, au-delà des étudiants, affecte le personnel de santé dans son ensemble. Au sein du groupe Partners HealthCare à Boston, qui inclut le MGH et le Brigham and Women’s Hospital, pas moins de 100 personnes ont été impactés par le décret. La suspension du programme, qui permet à des étrangers à « faible risque » pour la sécurité et dont les antécédents ont déjà été vérifiés, de renouveler leur demande de visa sans être de nouveau interrogés, « risque de créer de longues files d’attente pour les étudiants et chercheurs de toutes les nationalités », prédisent ces médecins.

Les autres signataires de la tribune viennent de Boston (Brigham and Women’s Hospital, Beth Israel Deaconess Medical Center), de Baltimore (Johns Hopkins), du Michigan (University of Michigan Health System, Ann Arbor), de Philadelphie (University of Pennsylvania Perelman School of Medicine) et de San Francisco (University of California).

Le planning et les programmes santé multilatéraux

« The Lancet » s’inquiète, pour sa part, des conséquences sur le planning familial du décret interdisant le financement d’ONG internationales qui soutiennent l’avortement. Il rappelle que cette mesure réactive une politique déjà mise en place lors de la présidence de Ronald Reagan. Mais surtout, explique Ann M. Starrs, elle étend la restriction, non seulement aux programmes bilatéraux mais à l’aide multilatérale américaine déployée dans les pays à moyens et bas revenus. Quelque 9,5 milliards sont concernés dans 60 pays en développement. Sont concernés des programmes offrant des soins intégrés comme la prévention du VIH/sida, le paludisme, la tuberculose, la santé maternelle et infantile, la contraception.