Les professionnels de santé

Le Quotidien du Médecin - Les pharmaciens autorisés à prescrire certains médicaments : feu vert des députés, tollé des médecins !

Octobre 2018, par Info santé sécu social

Loan Tranthimy| 19.10.2018

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en commission, ils ont fait adopter un amendement (article additionnel) pour expérimenter « la dispensation, par les pharmacies d’officine, de certains médicaments à prescription médicale obligatoire dans le cadre d’un protocole médical et de coopération conclu avec le médecin traitant et les communautés de santé des structures d’exercice coordonnées ». Cette expérimentation dans deux régions débuterait le 1er janvier 2019 et durerait trois ans – un décret fixant les modalités de cette délivrance directe de médicaments et un arrêté la liste des médicaments concernés.

Cystite, conjonctivite

Pour défendre cet amendement, Delphine Bagarry, députée LREM des Alpes-de-Haute-Provence a cité l’exemple de la Suisse. « En mars 2018, 20 % des officines suisses proposaient ce service aux patients. Plusieurs pathologies ont été identifiées comme la cystite, la conjonctivite ou l’eczéma », a-t-elle énuméré. « Cela va faciliter l’accès aux soins pour certaines maladies et la coopération entre les professionnels de santé », a ajouté l’élue.

Mis au vote, cet amendement a été adopté grâce au soutien du rapporteur général Olivier Véran. « L’idée est intéressante, juge le député LREM de l’Isère. Le gouvernement aura peut-être à cœur de retravailler les choses pour que l’expérimentation entre dans les cadres nécessaires. Mais en l’état, on est favorable sous réserve de l’avis de la ministre en séance publique ».

Une remise en cause du métier ?

Aussitôt connu, cet amendement a soulevé un tollé du côté des médecins libéraux.

La CSMF dénonce « une remise en cause complète des contours de métier ». « Cela revient à donner au pharmacien la responsabilité d’un diagnostic médical et d’une prescription de médicaments habituellement prescrits par le médecin », analyse la CSMF. Son président Jean-Paul Ortiz souligne que « le protocole est général alors que chaque individu est un cas à part. Je pense cela va générer de la non-qualité et un retard de diagnostic comme traiter une cystite alors que c’est un calcul enclavé près de la vessie. On ne peut pas mettre la médecine dans des protocoles, ce serait facile ».

« À quoi jouent les députés ? » s’interroge aussi le Dr Jean-Paul Hamon. Le président de la FMF rappelle qu’il a « toujours défendu les pharmaciens d’officine, barrières de sécurité sanitaire indispensables, mais s’est toujours opposé à ce que les pharmaciens changent de métier…sous prétexte de sauver un exercice en péril ! ».

De son côté, MG France juge la méthode« inacceptable ». « Voir apparaître dans le PLFSS des éléments aussi importants qui touchent notre exercice comme cela sans concertation est choquant », tonne le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat.

Du bon sens pour les officinaux

En revanche, sur l’expérimentation elle-même, MG France ne se montre pas opposé à condition de bien fixer le cadre. « Les garanties que nous attendons pour ce type de transfert de responsabilité sont indiquées dans l’amendement », explique le généraliste normand. Il s’agit d’une expérimentation réalisée dans le cadre d’une équipe de soins avec un protocole médical. « C’est le protocole élaboré en équipe qui définit la prescription, le médicament à délivrer par le pharmacien et les situations où la délivrance sont exclues. Cette mesure permet de travailler en équipe de façon plus efficace. »

Pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), cet amendement est « de bon sens » pour répondre aux difficultés d’accès aux soins. « Je n’ai pas une soirée de garde sans avoir une demande de cystite aiguë. Aujourd’hui je renvoie à la régulation libérale ou à l’hôpital faute de solution thérapeutique », raconte le président Philippe Gaertner. Pour le pharmacien du Bas-Rhin, « l’objectif des députés est de trouver des solutions pour les patients et non pas de s’attaquer aux compétences des uns et des autres ».