Les deserts médicaux

Le Quotidien du médecin - « Il n’y aura pas de solution sans régulation de l’installation », lance le député Garot à l’Assemblée, les carabins s’agacent

Juillet 2022, par Info santé sécu social

PAR LÉA GALANOPOULO - PUBLIÉ LE 28/07/2022

Pourfendeur de la liberté d’installation des médecins - et fervent défenseur du conventionnement sélectif - le député Guillaume Garot a formé, mi-juillet, un groupe de travail à l’Assemblée nationale autour des déserts médicaux. Désormais, 54 députés ont déclaré vouloir participer à ce groupe « transpartisan », qui s’ouvre à toutes les formations politiques, à l’exception du Rassemblement national.

Régulation à l’installation et volonté de dépasser les clivages politiques : « des propositions seront rendues avant l’examen du PLFSS, mais il n’est pas exclu que des propositions de loi soient déposées en amont », confirme, auprès du « Quotidien », l’équipe parlementaire de Guillaume Garot. Le groupe se réunit chaque semaine.

Applaudissements

Au pupitre de l’Assemblée le 26 juillet, le député Nupes de la Mayenne l’a réaffirmé, sous les applaudissements d’une partie de l’hémicycle : « nous sommes ici nombreux, sur tous les bancs, à penser que les réponses d’hier ne valent plus aujourd’hui. Il n’y aura pas de solution sans régulation de l’installation des médecins, généralistes et spécialistes ».

Interpellant directement François Braun, Guillaume Garot s’est interrogé : « le gouvernement nous dit qu’il ne faut pas engorger les urgences, mais je ne sais pas comment on fait car, précisément, on se tourne vers les urgences quand on n’a plus de médecin ». Fort de la création de son groupe de travail, le député socialiste a demandé au gouvernement de « passer aux actes », espérant qu’il agisse « sur la base des propositions que nous ferons, élus de terrain ».

Médecine à deux vitesses

Après deux propositions de lois aux allures coercitives et la formation de ce groupe de travail, la petite musique autour de la régulation à l’installation commence à agacer sérieusement l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Contacté par « Le Quotidien », son président, Yaël Thomas, regrette que « ces propositions coercitives reviennent régulièrement sur le devant de la scène depuis plusieurs années, alors qu’elles sont contre-productives ».

Pour l’étudiant en médecine brestois, mettre en place un conventionnement sélectif ne ferait « que créer une médecine à deux vitesses, d’autant plus qu’il n’y a pas de zones sur-dotées en France ». « Les médecins qui ne veulent pas s’installer dans les déserts iront s’installer ailleurs quoi qu’il arrive, mais en secteur II ou III, et ne seront accessibles que pour les patients les plus aisés », déplore Yaël Thomas.

Celui-ci prend l’exemple de l’Île-de-France, où « de plus en plus de médecins s’installent en secteur II ». « Si vous voulez consulter un généraliste en secteur I en région parisienne, vous aurez rendez-vous en une semaine. Par contre, si vous êtes prêt à payer des consultations à 100 euros, là, vous l’avez dans l’heure. C’est ça la réalité d’une médecine à deux vitesses », illustre le président de l’Anemf.

« Les déserts médicaux sont des déserts tout court »

L’association de carabins est d’autant plus crispée qu’elle formule depuis plusieurs années des propositions « qui sont très peu entendues et reprises », regrette Yaël Thomas. Désormais, le président de l’Anemf demande aux parlementaires d’émettre des propositions davantage concertées. « J’aimerais qu’au lieu de surenchérir constamment, les parlementaires attendent les conclusions de la grande conférence des parties prenantes, pour construire ensemble ».

En matière d’accès aux soins et d’installation, l’Anemf a des idées à revendre, alliant exercice coordonné et attractivité des territoires. MSP, CPTS, Escap : « là où il y a ce genre de structures, les élus trouvent des médecins », assure Yaël Thomas, qui rappelle que « les déserts médicaux sont des déserts "tout court" et que l’emploi pour le conjoint ou les loisirs sur place, sont des facteurs d’installation des jeunes ».

Propositions communes

L’association étudiante souhaite aussi valoriser les modes d’exercice en groupe pour libérer du temps médical, par exemple via des secrétariats groupés. « En moyenne, les généralistes ont 1 000 patients, mais si on voulait combler le manque de praticiens, il faudrait monter à 1 300, ce qui n’est pas possible car les médecins passent énormément de temps à laire de l’administratif », souligne le président de l’Anemf.

À long terme, les juniors aimeraient repenser le système de santé en profondeur, pour maximiser la prévention. « Si on manque autant de médecins c’est aussi parce qu’il y a un trop-plein de besoins de santé », atteste Yaël Thomas. Réunie en juin dernier avec une vingtaine d’organisations libérales, hospitalières et étudiantes, l’Anemf rendra en septembre des propositions communes sur l’accès au soin.