Industrie pharmaceutique

Le Quotidien du médecin - Mediator : le parquet de Paris signe un réquisitoire au vitriol contre Servier

Juin 2017, par Info santé sécu social

Mercredi 24 mai, alors que les derniers recours déposés par les laboratoires Servier venaient d’être rejetés, le parquet de Paris a signé son réquisitoire définitif dans l’affaire du Mediator. Il y charge lourdement le laboratoire, et demande le renvoi en correctionnelle de nombreux protagonistes du dossier. Le procès pourrait avoir lieu dès la fin 2018.

En 600 pages, tout le monde en prend pour son grade. Le document met en avant « le cynisme » du laboratoire et « l’étonnante bienveillance » des autorités de contrôle. Les motifs de renvoi sont nombreux, selon le parquet, qui liste tromperie, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, escroquerie, et blessures et homicides involontaires.

Selon le document, le laboratoire Servier, dont le fondateur est décédé en 2014, aurait mis en place « une stratégie » pour dissimuler les propriétés anorexigènes du Mediator, présenté comme un médicament contre le diabète durant sa commercialisation, de 1976 à 2009.

Volonté délibérée de dissimulation

Il y a eu « volonté délibérée de ne pas faire apparaître la norfenfluramine », une molécule toxique à l’origine du retrait en 1997 de l’Isoméride, autre médicament de Servier, dans la composition du Mediator, assure le ministère public. Cet hypoglycémiant, un des produits phares des laboratoires, aurait ainsi pu rester sur le marché douze années supplémentaires.

Plus grave encore, Servier aurait développé « un véritable discours officiel sur son médicament et luttait, tant en interne qu’en externe, sur tout ce qui pouvait le contredire », poursuit le réquisitoire. Il détaille les « méthodes offensives » des visiteurs médicaux (VM) pour convaincre les médecins de prescrire du Mediator, avec interdiction d’évoquer avec eux ses propriétés coupe-faim. Il y avait « un déni de l’être humain au profit de la bonne parole du laboratoire », témoigne l’un de ces VM.

Le parquet va plus loin encore et chiffre, en se basant sur une expertise judiciaire, entre 1 520 et 2 100 le nombre de décès à long terme causés par le Mediator.

L’ANSM (ex-AFSSAPS) dans le collimateur

Les autorités de santé ne sont pas épargnées. « La crainte de contrarier Servier semble l’avoir emporté sur la sécurité des patients », juge le parquet qui évoque « le manque de réactivité manifeste » et les « négligences successives » de l’Agence.

L’instruction met notamment en lumière des « conflits d’intérêts évidents » entre l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS, aujourd’hui ANSM) et Servier, et notamment le rôle clé joué par deux de ses anciens cadres, l’un accusé d’avoir touché de l’argent du laboratoire, l’autre d’avoir laissé sa femme être son avocate.

Le parquet relève enfin que Servier n’hésitait pas à exercer « des pressions, voire des menaces » sur les scientifiques s’opposant à ses produits.

Avec AFP