Le droit à la santé et à la vie

Le Quotidien du médecin - Six jours en moyenne pour consulter un généraliste mais deux mois pour un dermato… et presque trois pour un ophtalmo

Octobre 2018, par Info santé sécu social

Anne Bayle-Iniguez | 09.10.2018

À l’heure où la démographie médicale déclinante et l’accès aux soins de premier recours s’affichent comme une priorité du plan santé du gouvernement, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques* (DREES, ministère) démontre dans une étude que les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous médical en France sont extrêmement variables : très corrects, voire rapide auprès du généraliste mais supérieurs à deux mois dans plusieurs spécialités.

Alors que de nombreux patients sont carrément privés de médecin traitant – les professionnels étant débordés ou en sous-nombre –, la DREES fait valoir que la moitié des rendez-vous sont obtenus en moins de deux jours chez le généraliste. Un tiers des demandes aboutissent même dans la journée. Certes, un quart se concrétise plus de cinq jours après la prise de contact entre le patient et le praticien mais la médecine généraliste reste la spécialité de loin la plus accessible, précise la DREES. Le délai d’attente dépasse 11 jours dans 10 % des cas seulement.

Le temps d’attente varie selon le motif. En cas d’apparition ou d’aggravation de symptômes, le médecin traitant bouscule son planning pour trouver un rendez-vous dans la journée dans un cas sur deux (49 %). Le délai médian s’élève à cinq jours pour une vaccination et à six jours pour un contrôle périodique. Tous motifs confondus (symptômes, suivi régulier, renouvellement d’une ordonnance, etc.), six jours s’écoulent en moyenne entre la prise de contact et le rendez-vous généraliste.

L’ophtalmologie et la dermatologie à la peine

La donne est sensiblement différente pour les autres spécialités. En moyenne, le délai d’attente dépasse les deux mois pour consulter un dermatologue (61 jours) et surtout un ophtalmologue (80 jours). Il est tout de même de 50 jours pour un cardiologue, six semaines pour un gynécologue ou un rhumatologue, un mois pour un chirurgien-dentiste et trois semaines pour un pédiatre ou un radiologue.

Comme en médecine générale, ces moyennes masquent d’importantes disparités, détaille la DREES. Récemment priée de se réorganiser par la Cour des comptes, la filière visuelle est la moins accessible aux Français. Chez l’ophtalmologue en effet, un quart des demandes de rendez-vous aboutissent dans les 20 jours, mais la moitié se réalise plus de 50 jours après et un quart plus de 110 jours après. Le délai d’attente dépasse six mois (189 jours) dans 10 % des cas.

Les inégalités d’accessibilité géographique jouent également sur l’échéance. Sans surprise, les délais sont nettement plus longs dans les communes ou l’accessibilité aux professionnels – selon un indicateur de la DREES – est la plus faible. Là encore, l’ophtalmologie est la spécialité la plus en souffrance.

Des Français globalement satisfaits

Cette réalité ne semble pas trop influencer l’opinion générale des Français sur l’accès aux soins. Les délais d’attente sont jugés « rapides ou corrects » dans huit cas sur dix. La situation ressentie est plus négative en dermatologie et en ophtalmologie, où les délais sont considérés comme « trop longs » dans respectivement 46 % et 39 % des cas.

Toutes spécialités confondues, l’étude montre que les patients qui n’ont pas réussi à voir un médecin dans les délais souhaités sollicitent rarement les urgences. « La quasi-totalité des prises de contact (neuf sur dix) aboutissent à un rendez-vous avec un professionnel de santé », résume la DREES.

Dans les cas où la demande de rendez-vous n’a pas abouti (17 % des requêtes chez l’ophtalmo, 5 % auprès du généraliste), plusieurs échecs sont avancés : l’indisponibilité ou l’absence du médecin lors de la prise de rendez-vous (22 % des cas), le manque de créneaux horaires libres (15 %) et le refus de nouveaux patients (14 %). Un patient sur deux se met alors en recherche d’un autre praticien et un sur trois (32 %) abandonne sa démarche. « Le report vers les urgences hospitalières est faible, constate la DREES : il concerne seulement 3 % des prises de contacts qui n’ont pas abouti. »

Les spécialistes libéraux de proximité, une chance pour la CSMF

La CSMF, premier syndicat médical, a réagi ce mardi aux délais d’attente en voyant le verre à moitié plein. « La France a la chance d’avoir une médecine spécialisée libérale de proximité. Les délais dans d’autres pays européens sont beaucoup plus longs, comme au Royaume-Uni où les médecins spécialistes exercent uniquement à l’hôpital. (...) Certains dispositifs ou mesures devraient améliorer l’accès aux soins partout : les assistants médicaux, la délégation de tâches et le travail aidé, la lutte contre la dérive bureaucratique, l’organisation territoriale, les nouveaux outils de prises de rendez-vous et la télémédecine. »

* Auprès de 40 000 personnes (dont 21 700 ont répondu)