La santé au travail. Les accidents de travail et maladies professionnelles

Le Quotidien du médecin - Burn-out : vulnérables et isolés, les soignants en souffrance ne savent pas à quel saint se vouer

Novembre 2016, par Info santé sécu social

Christophe Gattuso, Anne Bayle-Iniguez

09.11.2016

Trois quarts des soignants chercheraient à être aidés s’ils se trouvaient en situation de souffrance psychologique mais très peu d’entre eux connaissent les numéros d’écoute et les associations d’aide, indique une vaste enquête de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS)*, présentée ce mercredi à la presse.

Réalisée avec Stethos et le concours du Centre national des professions de santé (CNPS), cette étude a analysé les réponses de plus de 4 000 soignants (dont 842 médecins de 54 ans en moyenne) exerçant pour 75 % d’entre eux exclusivement en libéral.libéraux (AAPML), de MOTS (Médecin organisation travail et santé), de

Les résultats sont édifiants. Seuls 14 % des médecins disent connaître une structure engagée contre la souffrance psychologique – qu’il s’agisse de l’association d’aide aux professionnels de santé et médecins l’ASRA, l’aide aux soignants de Rhône-Alpes ou encore de la jeune SPS fondée il y a deux ans.

Des consultations plutôt qu’un coup de fil

Dans l’ensemble, les soignants préféreraient à 80 % que des associations professionnelles régionales ou nationales gèrent un éventuel numéro vert gratuit, dédié et garantissant l’anonymat. Plus de la moitié des répondants (58 %) estiment que l’interlocuteur privilégié pour un premier contact serait un psychologue.

Trois quarts des professionnels déclarent qu’ils souhaiteraient, au-delà de la simple écoute, avoir une consultation physique avec un généraliste, un psychiatre ou un autre spécialiste, s’ils venaient à être en souffrance. « C’est une donnée surprenante, considérant que la consultation physique garantit moins l’anonymat qu’un coup de téléphone, commente le Dr Éric Henry, président du SPS et patron du SML. Pour bien faire, il faudrait déployer dans chaque région des spécialistes mobiles, qui se déplaceraient dans les cabinets médicaux. »

Plus de la moitié des sondés souhaiterait également une orientation vers des structures dédiées, 45 % vers un site Internet spécifique, et dans une moindre mesure des services de remplacement ou des informations juridiques.

Autre enseignement majeur : 65 % des médecins estiment que la vulnérabilité psychologique des professionnels peut affecter la qualité des soins au point de mettre en danger la vie de leurs patients.

Lâcher son outil de travail, mission impossible ?

Ces déclarations d’intention se heurtent au principe de réalité. Si les professionnels vulnérables expriment un fort besoin d’accompagnement, le fait de ne pas pouvoir s’offrir le luxe économique d’être en arrêt maladie est cité comme raison principale du refus de se faire aider en cas de souffrance psychologique (devant la volonté de cacher une situation ou le sentiment de culpabilité).

Les médecins estiment en moyenne qu’ils pourraient passer au maximum 29 jours ouvrés sans travailler pour se soigner en cas de détresse. Les soignants jugent que les risques psychosociaux au sein des métiers de la santé devraient être prioritairement pris à bras-le-corps par l’État (57 %), les ordres professionnels (49 %) et la CNAM (47 %), davantage que par les syndicats (31 %) et les assurances privées (15 %).

Une plateforme d’appel nationale avant la fin de l’année

Face à ces résultats alarmants, l’association SPS compte ouvrir d’ici à la fin de l’année une plateforme nationale d’appel, interprofessionnelle, indépendante, tenue au secret médical, pour venir en aide aux soignants en souffrance. Accessible par un numéro vert (aujourd’hui soumis à appel d’offres), ce nouveau service sera chargé d’apporter une écoute psychologique à l’appelant.

« D’un point de vue interprofessionnel, il est essentiel de soutenir ce type de démarche, affirme Philippe Gaertner, pharmacien et président du CNPS. Quand on s’occupe des autres, on s’oublie toujours un peu soi-même. Et il est excessivement difficile pour un professionnel de santé [en détresse, NDLR] d’être pris en charge dans une structure classique au contact des gens qu’il soigne au quotidien. »

Selon ses besoins, le soignant sera orienté vers un service lui permettant de résoudre d’éventuelles formalités administratives et/ou vers un réseau d’aide existant. Des unités dédiées devraient à terme ouvrir dans chaque région pour les professionnels de santé en détresse dont l’état nécessiterait une hospitalisation.

Les premières structures labellisées ouvriront en 2017 dans le Grand Est, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Bourgogne-Franche-Comté, en Nouvelle-Aquitaine et dans les Hauts-de-France.

L’ambition de SPS est de mettre en place un réseau d’experts pour accompagner les professionnels de santé vulnérables, et d’engager un programme de recherche sur les causes des situations à risque et les modalités précoces d’intervention. Parmi les 4 000 sondés, 700 professionnels seraient volontaires pour donner un peu de leur temps afin d’aider leurs confrères, précise le Dr Henry. « C’est un véritable réseau de sentinelles qu’on veut monter », conclut-il, enthousiaste.