Maternités et Hopitaux publics

Le Télégramme : Urgences de Brest. Une lettre ouverte partagée 16.000 fois sur Facebook

Mars 2016, par infosecusanté

Urgences de Brest. Une lettre ouverte partagée 16.000 fois sur Facebook
1 mars 2016

A consulter sur le site du Télégramme :

http://www.letelegramme.fr/finistere/brest/urgences-une-lettre-ouverte-partagee-16-000-fois-sur-facebook-01-03-2016-10975656.php
https://www.facebook.com/notes/vanessa-douguet/ma-lettre-%C3%A0-lh%C3%B4pital-de-la-cavale-blanche/10207664513442962

Catherine Le Guen

Vanessa Douguet a écrit sa lettre vendredi. Hier matin, elle avait été lue sur sa page Facebook par près de 90.000 personnes et partagée plus de 16.000 fois.
Publiée vendredi sur son profil Facebook, la lettre ouverte de Vanessa Douguet à l’hôpital de la Cavale-Blanche, à Brest, avait déjà été lue par près de 90.000 internautes, ce lundi matin. Elle y témoigne de ce qu’elle a vécu aux urgences avec sa tante.
« Le déclic est venu quand j’ai lu l’article sur ce monsieur de 89 ans qui est décédé dans le couloir des urgences sur un brancard (Le Télégramme du 26 février). J’en avais parlé lorsque j’étais aux urgences avec mon cousin, mardi 16 février, pour accompagner ma tante, atteinte d’un cancer ».

« Scènes inadmissibles »

« Quand j’ai vu les conditions d’accueil, je lui ai dit qu’il allait forcément se passer quelque chose de grave un jour ou l’autre. Cela aurait pu être un homme de 50 ans faisant un infarctus. Alors j’ai décidé d’écrire cette lettre ouverte sur ma page Facebook, et je l’ai aussi postée en recommandé à la direction du CHU et au ministère de la Santé », explique Vanessa Douguet. Cette Renanaise, maman de quatre enfants, en congé parental, a été choquée par ce qu’elle a vécu auprès de sa tante, ce jour-là.

« Après une attente de deux heures sur un brancard dans le couloir, à vomir et à se plaindre de douleurs et malgré notre insistance auprès du personnel, rien n’a été proposé pour tenter de la soulager. Pendant cette attente, nous avons assisté impuissants à des scènes inadmissibles. Des personnes âgées qui appellent à l’aide car la douleur est à la limite du supportable, d’autres qui vomissent du sang à même le sol sans qu’on leur prête la moindre attention », écrit Vanessa, qui évoque une « non-assistance à personne en danger. Cette lettre est un appel au secours ».
« On s’est sentis abandonnés, livrés à nous-mêmes, mon cousin faisait office d’aide-soignant auprès des autres patients sur les brancards qui demandaient qu’on les aide ».
Vanessa Douguet ne tient pas les soignants pour responsables de la situation qu’elle décrit. « Je n’en veux pas du tout au personnel hospitalier, qui, au contraire, se bat pour avoir de meilleures conditions de travail et qui fait avec le peu de moyens qu’on lui donne... Je blâme l’administration et l’État ».
Depuis sa publication sur Facebook, Vanessa a reçu une dizaine de témoignages en messages privés et des remerciements de soignants.
« Je veux aller plus loin que le témoignage et faire changer les choses, on ne peut pas laisser une telle situation durer ».
« On ne peut tout laisser dire »

Contactée, la direction du CHRU, qui a reçu le courrier ce lundi matin, réagit en reconnaissant des difficultés, mais précise qu’« en dépit de certains points à améliorer, le taux de satisfaction aux urgences est de 72 %. On ne se satisfait pas de ce taux, mais cela reste un indicateur. Le temps d’attente est encore trop long, on s’est fixé deux heures en filière courte et quatre heures en filière longue. Mais on ne peut pas laisser écrire que le service public laisse des personnes âgées dans la souffrance sans les aider. On ne peut pas tout laisser dire au travers d’une lettre et dévaloriser le travail au quotidien réalisé par les équipes ».
En complément
Effectifs et architecture en question

La crise qui secoue les urgences de l’hôpital de la Cavale-Blanche est particulière parce que ce service est neuf : il a ouvert le 14 octobre. Depuis le premier débrayage, le 18 janvier, la mobilisation s’est propagée à d’autres services. Les négociations sont en cours entre les syndicats et la direction du CHRU. Grâce à ce nouvel outil, il ne devait plus y avoir de brancards en attente dans les couloirs comme dans le précédent service qui comptait 20 box, contre, aujourd’hui, 22 salles de consultation et une salle Abers qui peut accueillir neuf brancards séparés par des rideaux. Cette salle, initialement prévue pour l’attente sur brancard, est devenue un sas avant l’hospitalisation.
Le service est passé de 1.000 à 3.000 m² dédiés aux soins ; débutés en décembre 2012, les travaux ont coûté 16,8 M€. Les raisons de la crise sont multiples, liées aux effectifs, mais aussi à l’architecture du service ou au décalage dans la mise en place des urgences gériatriques.
1. Côté effectifs. La direction a réagi en octroyant provisoirement un infirmier de plus et un aide-soignant afin d’aider l’infirmier d’accueil à certaines heures. Loin du compte, pour la CGT : « Selon les recommandations de la Société française de médecine d’urgence, il manque 24 postes d’infirmiers et 18 d’aides-soignants, pour prendre en charge les 44.000 passages par an ». Les négociations sont serrées dans un contexte de 168 suppressions de postes sur deux ans, d’ici fin 2016, pour un retour des comptes à l’équilibre, même si la direction a annoncé une progression de l’activité.
2. Les loupés de l’architecture. Séduisante sur le papier, l’organisation des salles de consultation autour des soignants se révèle problématique à l’usage. Avant, les brancards étaient dans les couloirs, à proximité des postes de soins : les soignants passaient souvent dans ces couloirs pour aller d’un box à l’autre, ce qui sécurisait patients et accompagnants. Maintenant, les patients sur brancard sont dans les couloirs extérieurs, qui longent les salles de consultation, et ils ne voient que l’infirmier d’accueil. La direction a proposé d’ouvrir une salle pour les brancards, solution rejetée par les syndicats parce que cet espace n’est pas équipé des fluides médicaux. De plus, il n’a pas été prévu de sortie discrète pour les salles de déchocage, où les décès ne sont pas rares. Le brancard du patient décédé doit faire le tour du service.
3. Gériatrie. Le projet d’urgences gériatriques, qui devrait permettre d’améliorer la situation, était annoncé, en octobre, pour septembre 2016, dans les anciens locaux des urgences à rénover. Qu’en est-il ? Pas de réponse.

Ma lettre à lhôpital de la cavale blanche.

Vanessa Douguet·vendredi 26 février 2016

A l’attention du responsable des urgences et de la direction.

Objet : Réclamation.

Madame, Monsieur,

Par la présente je viens vous exprimez mon mécontentement quand à la prise en charge de vos patients aux urgences. En effet le 16 février dernier j’ai du conduire ma tante, atteinte d’un cancer, dans vos services pour une prise en charge. Nous y sommes arrivé à 16h15. Ma tante souffrait beaucoup des suites de son intervention mais également de la pathologie qui nous avait amenée à consulter. Après une attente de deux heures sur un brancard dans le couloir, à vomir et à se plaindre de douleurs et malgré notre insistance auprès du personnel rien n’a été proposé pour tenter de la soulager. Pendant cette attente nous avons assistés impuissants à des scènes que je qualifierais d’inadmissibles. Des personnes âgées qui appellent à l’aide car la douleur est à la limite du supportable, d’autres qui vomissent du sang à même le sol sans qu’on leur prête la moindre attention, bref la liste de ces images immondes est malheureusement bien longue. Au bout de deux heures nous sommes enfin installés dans un box, nous pensons alors naïvement que le « calvaire » est bientôt terminé. Je suis loin d’imaginer qu’en faite ça n’est que le début. Bien que le personnel soit gentil il manque, cependant parfois, de délicatesse sur les propos tenus. Pouvons nous cependant les blâmer, quand on voit le manque de personnel évident ? Comment pouvez vous accepter de faire une publicité qui vante les mérites d’un service de qualité et de rapidité alors qu’en faite ça n’est que manque de respect du patient, qualité des soins plus que limite et une dignité du malade inexistante. Après les deux heures de patience dans le couloir nous avons eu la « chance » d’en passer huit dans le box pour une simple prise de sang, une radio et enfin être conduits en chambre car l’état de ma tante à LARGEMENT eu le temps de ce dégrader lors de ces nombreuses heures d’attente. Pourquoi accepter d’ouvrir un service des urgences à 17 millions d’euros, à multiplier la surface de travail par 3 ou 4 et ne pas y mettre le personnel, oh combien indispensable, pour assurer la sécurité des patients. C’est avec une immense tristesse mais sans aucune surprise que je viens d’apprendre le décès d’un patient dans le couloir sur un brancard. Comment en 2016 pouvons nous, ou en tout cas vous, permettre de laisser faire de telles choses. J’ai bien peur que si rien n’est fait rapidement d’autre cas suivront. Les gens feront le choix de partir avant d’être vu par un médecin parfois au péril de leur vie. J’ai été à deux doigts de déposer une plainte auprès des services de police pour non assistance à personne en danger. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Cette lettre est un réel appel aux secours car demain je peux avoir un soucis moi ou ma famille et je ne me sentirais sûrement pas en sécurité dans vos services. En résumé 10h dans vos services c’est juste inqualifiable. Je vous souhaiterais bien une bonne réception et une bonne lecture de ce courrier mais j’ai bien peur qu’il ne s’agisse là que d’un coup d’épée dans l’eau, et je n’ai même aucune certitude que quelqu’un prendra la peine de me lire, dans le doute je vais en adresser une copie au ministère de la santé et je me ferais un plaisir de le faire circuler sur les réseaux sociaux pour que tout le monde sache que la situation et inquiétante. Pour finir je voudrais surtout qu’on comprenne que je n’en veux pas du tout au personnel hospitalier soignant qui au contraire ce bât pour avoir de meilleurs conditions de travail et qui fait avec le peu de moyens qu’on lui donne, je blâme juste l’administration et l’état français de laisser les choses en arriver à ce point.
Cordialement