Réforme retraites 2023

Le blog de Jean Christophe Le Duigou - Retraites, quelques vérités bonnes à dire

Février 2023, par Info santé sécu social

Le gouvernement s’active pour essayer de désamorcer les rejet et colère que suscite son projet de réforme des retraites. Pour tenter de crédibiliser son discours les ministres multiplient les références à quelques situations « gagnantes » du fait de la réforme, occultant la tendance générale à une détérioration. Il insiste notamment sur le fait que quatre salariés sur dix pourront partir plus tôt que l’âge légal, grâce aux dispositifs de carrières longues et de prise en compte de la pénibilité. Une « promesse sociale » que contredit le choix de pérenniser les inégalités du système.

La première lourde inégalité que le pouvoir cherche à dissimuler concerne les carrières incomplètes résultant du travail à temps partiel. Aujourd’hui 44% des femmes sont parties à la retraite avec une carrière incomplète. Si l’âge d’annulation de la décote demeure fixé à 67 ans, l’allongement de la durée de cotisation va continuer à creuser l’écart entre les salariés ayant une carrière complète et les autres. Seront visées les femmes - 80% des emplois partiels sont occupés par des femmes - , dont une sur cinq attend l’annulation automatique de la décote pour liquider sa pension. Pour elles, il ne sera même pas question de toucher le minimum de pension de 1200 euros puisque ce minimum est réservé aux salariés ayant accompli une carrière complète.

La retraite sera aussi moins longue pour les plus modestes. 40% des quinquagénaires aux revenus les plus modestes ont un risque sur trois de jouir moins de 10 ans de leur retraite et un sur six de ne pas avoir de retraite du tout.. Deux ans de plus de travail pour eux c’est une amputation de 25% de leur durée de vie moyenne à la retraite Ces salariés seront donc les premières victimes d’un éventuel décalage de l’âge légal de départ à la retraite. L’inégalité est encore plus nette lorsqu’on retient le critère de « retraite sans incapacité ». Un quart des ouvriers et des employés sont frappés d’incapacités dès leur première année de retraite.

Le gouvernement, par cette réforme, dit vouloir faire que les salariés travaillent plus longtemps. Mais qui décide d’arrêter de travailler ? Le salarié ? L’employeur qui embauche et débauche selon son bon vouloir ? Celui qui licencie prioritairement les seniors ? L’entreprise qui fait des bénéfices ? Il s’agit bien d’une responsabilité de l’entreprise et des pouvoirs publics que de donner un véritable choix aux salariés quant à l’âge où chacun décide de se retirer du monde du travail. La réforme ne traite pas le problème mais aggrave la situation du salarié senior.

Avec la nouvelle réforme, le gouvernement entend prendre en compte « l’usure au travail ». Les personnes effectuant un métier pénible pourront acquérir plus rapidement des points dans ce fameux compte « C2P », de manière à obtenir un congé de reconversion, pour changer de métier plus facilement. Fadaise ! Les aménagements du C2P proposés par le gouvernement devraient avoir des effets marginaux : seuls 60 000 salariés supplémentaires auront accès à ce compte qui ne concerne déjà que 1,9 million de personnes, alors que plusieurs millions de travailleurs subissent une pénibilité sous-reconnue.

Qui plus est, les attentes du patronat sont pleinement satisfaites. Le gouvernement choisit d’imposer le schéma du Medef qui accepte une reconnaissance de « l’usure » de l’organisme du salarié subordonnée à une décision médicale et non de la « pénibilité » de certaines tâches. Un problème de réorganisation du poste de travail pénible et de reconnaissance d’une compensation pour le salarié qui a subi des conditions de travail pénibles, se voit transformé en un problème médical « d’incapacité de travail ». C’était bien là après 2003, la raison du blocage des négociations prévues par la loi Fillon quant à la prise en compte de la pénibilité. Chacun sait pourtant que dans une majorité de cas, comme l’a montrée l’exposition à l’amiante, les altérations de la santé n’apparaissent que bien plus tard...

Le compte à rebours a commencé Le gouvernement Borne mise sur une adoption express du texte, sans laisser le temps à la contestation de grossir. Mais est-ce vraiment un handicap pour le mouvement social qui se développe de devoir jouer sur un temps resserré ? A condition bien sûr que la mobilisation des salariés se confirme.