Politique santé sécu social de l’exécutif

Le généraliste - Le projet de loi santé divulgué, la perspective des ordonnances rend les médecins sceptiques

Janvier 2019, par Info santé sécu social

Christophe Gattuso

Les médecins connaissent dorénavant le contenu du projet de loi de santé dont la ministre de la Santé souhaite l’examen en urgence au Parlement.

Sans grande surprise, ce texte dévoilé jeudi par les agences de presse AFP et APM et dont Le Généraliste a pu se procurer une copie, reprend les grandes lignes du plan "Ma santé 2022" présenté en septembre par Emmanuel Macron.

Ce texte d’une quarantaine de pages (23 articles) précise les grands chapitres de cette réforme comme la refonte des études de santé, la révision de la carte hospitalière, l’organisation des soins à l’échelle des territoires, la recertification ou la régularisation des médecins étrangers.

Un important chantier pour les études et l’exercice
Dans le détail, la réforme prévoit de supprimer le numerus clausus à la rentrée 2020. À la place, chaque université déterminera les effectifs à former d’étudiants en 2e et 3e années de médecine, dentaire, pharmacie et maïeutique, sous le contrôle du ministère.

Le gouvernement veut diversifier les voies d’accès aux études de santé, même si « l’ensemble du processus demeurera exigeant et sélectif », assure le projet.
Les ECN, en fin de 6e année de médecine vont également disparaître. Les futurs externes, qui débuteront leur 4e année à la rentrée 2019, passeront de nouveaux examens, auxquels ils devront obtenir « une note minimale ».

Le gouvernement projette de modifier par ordonnances le statut des hôpitaux de proximité, dont il entend notamment « redéfinir les missions ». Il se donne 18 mois pour le faire. Ces établissements ne comprendraient pas de services de chirurgie ni de maternité et se recentreraient sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation. Le gouvernement table sur la « labellisation » de 500 à 600 hôpitaux de proximité entre 2020 et 2022.

Un point concerne l’accès au système national des données de santé (SNDS, qui agrège des données de l’Assurance maladie et des hôpitaux ) qui ne serait plus réservé aux seules « fins de recherche, d’étude ou d’évaluation » et pourrait être élargi à tout traitement « présentant un caractère d’intérêt public » tout en « préservant un haut niveau de protection de la vie privée ».

Certains médecins, pharmaciens, dentistes et sages-femmes diplômés hors de l’Union européenne (Padhue) pourront voir leur situation régularisée d’ici fin 2021. Ils pourront disposer, sous certaines conditions, d’une autorisation d’exercice temporaire, le temps qu’une "commission nationale" étudie leur dossier.

Des médecins dans l’expectative
La divulgation de ce projet de loi a reçu un accueil mitigé de la profession.
« Ce texte n’est pas vraiment une surprise mais il laisse en suspens beaucoup de points d’interrogation, de nombreux articles renvoyant à des ordonnances, commente le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, joint par le Généraliste. Les services du ministère nous assurent que les ordonnances donneront lieu à une concertation.

Nous ne faisons pas de procès d’intention et demandons à voir. Une chose est sûre, nous serons vigilants. »

Lors de ses vœux à la presse, jeudi soir, le président de l’Ordre des médecins a quant à lui affiché son agacement et sa « réelle inquiétude ». « Nous craignons que l’ambition réformatrice affichée laisse la place à un débat technico-administratif », a affirmé le Dr Patrick Bouet. À l’heure de l’important mouvement de contestation sociale, le généraliste du 93 comme il aime à le rappeler, a regretté l’absence de concertation des corps intermédiaires de la santé et a critiqué le recours aux ordonnances. « Les acteurs de terrain ne sont à ce jour pas associés à la rédaction du projet de loi, a ajouté le Dr Bouet, selon qui les ordonnances portent en leur sein les graines de contentieux à venir ».

Le patron de l’Ordre a appelé le gouvernement à faire des « choix politiques forts » et à ne pas reproduire les erreurs du passé : « Il serait terrible que ce quinquennat soit perdu pour la santé ». Il a notamment souligné « l’absolue nécessité de rendre du temps médical aux médecins dont le travail est obéré par des tâches administratives qui s’empilent comme autant de contraintes ».