L’hôpital

Le journal du dimanche - Il faut sortir des stéréotypes sexistes à l’hôpital

Octobre 2020, par Info santé sécu social

SI L’ÉGALITÉ entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause du quinquennat, faire progresser cette égalité nécessite l’engagement de toutes et tous. Certaines professions emblématiques, dont font partie les médecins, ont une responsabilité dans ce changement des mentalités. Car si la santé en France est aux mains des femmes – à 80 % pour les métiers du care(soigner) comme les infirmières et les aides-soignantes et à 52 % pour ceux du cure (guérir) exercés par les médecins dans le monde hospitalier –, ces chiffres « au féminin » s’effondrent dès qu’on monte dans la hiérarchie. Selon le rapport du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers de 2018, elles ne sont que 20 % à occuper un poste de professeure des universités-praticien hospitalier  ! Ce déséquilibre résulte de nombreux freins qui perdurent… et que la crise de la Covid-19 n’a fait qu’amplifier. D’un côté, l’héroïsation des personnes en première ligne, saluées pour leur engagement auprès des malades  ; de l’autre, des femmes invisibilisées et réduites au silence dans les médias faisant la part belle aux experts masculins. De quelle « parole libérée » parle-t-on  ? De cette parole masculine quasi monopolistique (à 80 % selon l’INA) qui a occupé les plateaux TV pendant la première vague de l’épidémie  ? Un chiffre corroboré par 66 % de femmes médecins qui pensent que les hommes sont plus sollicités dans des activités de représentation, selon un baromètre Ipsos auprès de 500 médecins hospitaliers, que nous dévoilerons mardi.

Alors, oui, les stéréotypes de genre persistent. Oui, l’organisation de la médecine et de la recherche est un vivier de biais sexistes. Oui, il existe une inertie d’ordre social et politique conduisant les femmes à s’autocensurer. Selon la même étude, 87 % des femmes médecins affirment s’être senties discriminées dans leur carrière et 58 % confirment que maternité et vie de famille sont des freins pour postuler à des postes de responsabilité  ! Ces situations, nourries par une forme de passivité et entretenues par le silence, ne sont pas une fatalité, dès lors que les acteurs du monde de la santé se mobilisent.

Plusieurs leviers doivent être actionnés. D’abord, positionner le sujet comme un facteur de performance, d’innovation et de cohésion, et non comme un acte purement militant. Ensuite déployer, au niveau des directions d’établissement de santé, des politiques plus volontaristes en matière d’égalité femmes-hommes qui passent par une tolérance zéro en matière de sexisme et de discrimination et par plus de transparence dans la gestion des carrières. Réduire l’impact de la maternité permettrait aussi aux femmes de mieux intégrer les contraintes liées à la grossesse et d’éviter qu’elles se retrouvent confrontées à des réflexions culpabilisantes sur la surcharge de travail laissée à leurs collègues. En assurant leur remplacement pendant leur congé maternité – ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui –, en allongeant les congés paternité – le gouvernement vient de le proposer – et en encourageant la création de structures d’accueil des enfants sur le lieu de travail. Enfin, en mettant les femmes médecins en réseau autour de l’association Donner des Elles à la santé qui se crée aujourd’hui, en les accompagnant par du mentorat, en leur permettant de partager leurs expériences et de proposer des solutions concrètes, elles oseront s’élever dans la hiérarchie.

Nous avons toutes et tous un rôle à jouer, chacun à notre niveau : changer nos regards pour sortir des stéréotypes, lutter contre les discriminations, donner la parole à des expertes dans les médias ou les congrès scientifiques plus régulièrement. C’est ainsi qu’émergeront des rôles modèles féminins inspirants pour les générations se trouvant sur les bancs de la fac – au passage, 70 % des étudiants qui réussissent le concours de médecine sont… des femmes  !

« Il existe une inertie d’ordre social et politique conduisant les femmes à s’autocensurer »

* L’association Donner des Elles à la santé vise à faire avancer l’égalité femmes-hommes et la féminisation des postes à responsabilité dans la santé.

Par le collectif Donner des Elles à la santé*