Industrie pharmaceutique

Le médicament un bien commun

Février 2020, par Info santé sécu social

Octobre 2019

Manifeste
Pour une appropriation sociale du médicament

Nous affirmons :

La santé est un droit universel : les Etats, les pouvoirs publics, toutes les actrices et tous les acteurs agissant dans le domaine de la santé, doivent garantir un égal accès de toutes et tous aux soins et traitements de qualité.
L’accès aux médicaments est un droit de la personne fondé sur le droit inaliénable aux soins.
L’égalité d’accès aux médicaments est une condition indispensable à la jouissance du droit à la santé. En ce sens, le médicament est un bien commun de l’humanité, sous condition d’une l’appropriation collective et démocratique des peuples, dans chaque pays et à l’échelle planétaire.
La nécessité de supprimer la notion de propriété privée et de monopole des droits de propriété intellectuelle sur les médicaments attribués par les brevets d’invention.
Vouloir rompre avec la logique de la rentabilité financière pour donner la primauté à la protection de la santé publique.
Le principe d’une santé publique et environnementale à l’échelle planétaire, la création d’un nouvel écosystème, la refondation des coopérations internationales et la mise en place d’une sécurité sociale à vocation universelle.
Contexte :

La production des médicaments, analysée comme une production de marchandises, ne répond pas aux besoins des populations :
Le marché mondial du médicament représente un chiffre d’affaire dépassant les 1000 milliards d’Euros avec une rentabilité de 20%, le plus rentable du capitalisme, donnant aux industries pharmaceutiques un pouvoir considérable dans le secteur économique. Considérant le médicament comme un simple bien marchand, les industries pharmaceutiques dépensent plus en frais de commercialisation, marketing, lobbying qu’en Recherche & Développement (R&D) tout en justifiant les prix de vente par le coût de la R&D.

Sous prétexte de traitements innovants, un jeu de dupes s’établit entre les gouvernants, les décideurs de la santé et les dirigeants des multinationales du médicament qui obtiennent que leur soient payées au prix fort des molécules au service médical rendu parfois modeste. Ils ponctionnent ainsi partout dans le monde les systèmes de prévoyance et les fonds publics comme celui de la Sécurité Sociale en France. Au mépris de la santé publique, et dans un manque total de transparence, les groupes pharmaceutiques s’assurent ainsi une source de profits confortables, à la grande satisfaction des actionnaires.

L’industrie pharmaceutique, propriétaire des brevets de molécules championnes de la profitabilité, les blockbusters, a exploité à son maximum cette politique pour dominer le marché, générant des milliards de dollars. Au point de saturer par des molécules équivalentes certains domaines thérapeutiques alors que d’autres fondamentaux sont délaissés.
A la recherche de nouvelles stratégies, les Big Pharma externalisent d’une part leur recherche vers les laboratoires publics ou de petites sociétés, et d’autre part, se réorientent vers le développement de produits biologiques, plus difficiles à copier, leur permettant ainsi d’exiger des prix exorbitants. Ces nouvelles thérapeutiques ne pourront bénéficier qu’aux marchés solvables. Cette logique commerciale oriente la recherche de manière discriminée conduisant à l’arrêt des recherches dans plusieurs axes thérapeutiques essentiels.

L’application du système juridique des brevets aux médicaments donne un pouvoir discrétionnaire aux multinationales pour fixer les prix de vente.
Le médicament est soumis au droit commun des produits brevetables. Sous l’argument d’inciter l’investissement en R&D dans les secteurs privés, l’application du système juridique des brevets aux médicaments préserve les firmes pharmaceutiques de toute concurrence durant les 20 années d’exclusivité. Depuis les années 1980, à l’instigation des grandes entreprises pharmaceutiques, les droits de la propriété intellectuelle sur les médicaments ne cessent d’être renforcés. Ainsi, sous l’égide de l’OMC, les accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC – Marrakech, 1994) fixent un modèle d’exploitation agressif de la propriété intellectuelle à l’échelle internationale, aggravé par les dispositions ADPIC+. Enfin sous couvert de développement de thérapies géniques et via les partenariats public-privé, les entreprises privées ont obtenu l’exploitation des titres de propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche publique universitaire, leur permettant ainsi d’étendre la brevetabilité au domaine du vivant ((Bay-Dole-Act ; US : 1980 – Europe : au cours des années 1990).

C’est souvent le cas des thérapies ciblées dans le traitement des cancers (en fonction des caractéristiques génétiques), dont les prix sont tellement faramineux que seules des populations étroites ayant les moyens financiers pourront en bénéficier.

Le prix de vente des médicaments, les marges qui en sont issues, ne s’expliquent que par l’application des brevets et le monopole qui en découle.

La principale conséquence est d’avoir rendu difficile voire impossible l’accès de populations entières aux médicaments.

Ce que nous voulons :

L’accessibilité universelle aux soins de santé et aux médicaments. Les autorités publiques doivent garantir ce droit selon les critères d’égalité, de qualité et de sécurité, ce qui implique une politique publique de santé, des services publics et des budgets de recherche à la hauteur des besoins.

Refuser la marchandisation des soins de santé dont les médicaments pour que les objectifs de santé publique ne soient plus dominés par le consumérisme des produits pharmaceutiques. Les médicaments essentiels lorsqu’ils sont « disponibles, économiquement abordables, de bonne qualité et bien utilisés » permettent de répondre aux besoins prioritaires de la population en matière de santé.

Refuser l’utilisation de populations comme cobayes humains, contre nourriture ou toute autre rétribution, pour l’expérimentation de nouvelles molécules.

La sortie des stratégies de l’industrie pharmaceutique qui ont pour objectif la profitabilité du capital et exercent de fortes pressions sur les politiques publiques de santé. Pour ce faire, doivent se mettre en place de nouveaux modèles de R&D, de production et de distribution de produits de qualité, contrôlés par les citoyens.

Libérer et promouvoir la recherche : L’organisation et les orientations de recherche fondamentale ne doivent pas être assujetties aux visées financières des firmes pharmaceutiques. L’utilisation des résultats de la recherche et le développement des innovations pouvant conduire à des améliorations thérapeutiques doivent être définies en fonction des besoins de santé publique de la population mondiale, dans l’intérêt général et sous maitrise citoyenne. Les coopérations internationales doivent être encouragées et les financements publics fournis à la hauteur nécessaire. Les résultats, au fur et à mesure de nouvelles découvertes ou innovations, doivent être rendus publics afin que le fonds de connaissances scientifiques du monde soit enrichi et les savoirs partagés.

Refonder la législation internationale en matière de propriété intellectuelle et industrielle appliquée aux médicaments, sur la base de la primauté de la santé publique.
Le système des brevets sur les médicaments doit être abrogé. Les dérogations obtenues par certains pays permettant de contourner les brevets (licences obligatoires), ont certes fait temporairement reculer les firmes aux exigences exorbitantes, mais sans régler le problème sur le fond et le long terme.
Dénoncer les Accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) et les dispositions ADPIC+ qui font perdre toute latitude en matière de politique de santé publique aux pays en voie de développement, et limitent celle des pays développés potentiellement producteurs.
Revenir sur la directive Européenne 98/44 relative à la brevetabilité des séquences génétiques et des organismes contenant des entités brevetables.
Nous proposons à toutes les actrices et tous les acteurs et usagers du secteur de la santé, de se mobiliser pour l’appropriation sociale et publique de la chaine du médicament.

Il est nécessaire et urgent de faire valoir les valeurs de solidarité et d’universalité au fondement de nos systèmes de santé. Il faut donc arracher le pouvoir de décisions à une infime minorité d’humains, actionnaires et décisionnaires, pour obtenir une réponse réelle aux besoins de milliards d’humains.

Premiers signataires :

ANGELI Verveine syndicaliste, ARTOUS Antoine rédacteur de la revue ContreTemps, BARLES Sébastien coordinateur de l’opération Mains propres sur la santé, BARRE Armelle chargée d’insertion, BATIFOULIER Philippe économiste de la santé Université Paris 13, BELL-LIOCH Pierre conseiller départemental du Val de Marne, BESANCENOT Olivier postier membre du NPA, BIANCHIN Monique médecin généraliste, BIDET Jacques philosophe professeur émérite des Universités, BODIN Thierry recherches Sanofi Syndicaliste, BONNAUD Christian médecin généraliste, BOISSEL Pascal psychiatre Union syndicale de la psychiatrie, BRUGVIN Thierry sociologue, BUVRY Cécile médecin généraliste, CHAOUAT Gérard directeur de recherches émérite immunologie, CHEMLA Patrick psychiatre et psychanalyste La Criée Reims, COADOU Bernard médecin généraliste, COHEN Fabien dentiste militant politique, COHEN Laurence sénatrice CRCE commission affaires sociales, COMBASE Catherine psychologue thérapie de la famille, COURS-SALIES Pierre sociologue, COURTEAU Danielle enseignante, COUTROT Thomas économiste, DAENINCKX Didier écrivain, DARDOT Pierre philosophe, DARRE Patrick militant politique, DELARUE Christian fonctionnaire et administrateur de Convergence des services publics, DHARREVILLE Pierre député des Bouches du Rhône groupe GDR, DIAZ Hugo Aurélien médecin généraliste, DUBOIS Bernard syndicaliste Sanofi, FARMAKIDES Anne Marie sociologue, FATH Jacques spécialiste des questions internationales, FRADIN Anny docteure en biologie fondation Copernic, FRANCHET Pascal président du CADTM France membre du Conseil Scientifique d’ATTAC, GARO Isabelle philosophe, GETZ Guillaume syndicat médecine générale, GIRAUD André comptable Roussel-Uclaf, GUEYE MAMADOU Moustapha militant politique, HARRIBEY Jean-Marie économiste Université de Bordeaux, HUSSON Michel économiste, JACQUAINT Muguette ouvrière députée honoraire, JAISSON Françoise médecin, JAISSON Luc médecin, KABIR Marmar syndicaliste Sanofi, KABIR Shering correspondant du Monde Diplomatique, KHALFA Pierre économiste Fondation Copernic, KISTER Jean chercheur INSERM syndicaliste, KLOPP Serge infirmier psychiatrique militant politique, KOSADINOS Emmanuel psychiatre mouvement pour la santé des peuples (MPS/PHM), LACOUR Annick pharmacologue Sanofi syndicaliste, LAMBERT Didier co-président E3M, LARUE Sylvie professeur EPS militante politique, LAVAL Christian professeur émérite de sociologie Université Paris Nanterre, LECHAUVE Daniel technicien entretien Sanofi syndicaliste, LE CROSNIER Hervé éditeur, LEMAIRE-HEITZ Anne-Laure metteuse en scène, LESBRE Jean Philippe ex prof de médecine au CHU d’Amiens, LIEBAERT Martine syndicaliste Sanofi, LORAND Isabelle chirurgienne militante politique, MAGUET Olivier, MAMET Jean-Claude co-animateur du blog syndicollectif.fr, MANDINE Eliane chargée de recherches Sanofi, MARCHILLE Jean citoyen, MARTELLI Roger historien, MARTIN Jean-Pierre militant USP, MATH Antoine économiste à l’IRES, MAUGIS Pascal chercheur en environnement membre d’ATTAC, MONTALBAN Matthieu économiste spécialiste de l’industrie pharmaceutique, MONTEL Danielle pharmacologue recherches Sanofi syndicaliste, de MONTLIBERT Christian sociologue professeur émérite à l’Université, MOUREREAU Michel kinésithérapeute, NDIAVE CHEIK Amadou Bamba, OLIVE Danièle psychanalyste, PELLISSIER Jean-François mouvement Ensemble, PERCEBOIS Bruno médecin pédiatre militant pour le droit à la santé et à la protection sociale, PEYREN Jean-Louis technicien de production chimique syndicaliste, PEU Stéphane député de Seine Saint Denis groupe GDR, PIGNARRE Philippe éditeur, PINEAU Jacques, POCREAUX Cyril journaliste à Fakir, POTEL Danielle, POTEL Michel, POYET Marie-Ange documentaliste journaliste, PRUDHOMME Christophe porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, RAVELLI Quentin sociologue, RIOLINO Patrick chef d’entreprise (SARL) maire adjoint, RIOT-SARCEY Michèle historienne, ROGER Nicole militante associative, RIVASI Michèle députée européenne biologiste spécialiste des questions de santé publique et santé environnementale, RUFFIN François député de la somme, SACLEUX Elisabeth, SALAMA Pierre économiste professeur des Universités, SAMARY Catherine économiste, SALOMON Jean-Claude directeur de recherches honoraire CNRS, SANCHEZ Danielle ingénieure militante politique, SEVE Jean et Lucien philosophes, SHAMMAS Catherine médecin SMG 07, SILBERSTEIN Patrick médecin généraliste, SITEL Francis rédacteur de la revue ContreTemps, STEINMETZ Daniel ingénieur CNRS, STERDYNIAK Henri économiste, THOMAS Michel professeur honoraire de médecine interne membre du groupe Princeps, TOURNEUX Stéphane militant syndical chimiste centre de recherches Bayer Lyon, TOVAR José enseignant syndicaliste, TRAUTMANN Alain immunologiste directeur de recherches au CNRS, VAN DE VELDE Franck économiste, VERGNAUD Daniel technicien pharmacologue militant politique et associatif, VIGNES Jean infirmier psychiatrique syndicaliste, WODA Jacques Ingénieur membre d’Attac Marseille, WURTZ Francis député honoraire du Parlement Européen,