Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le quotidien du médecin - Appels et pétitions se multiplient pour lever les brevets et assurer une production massive

Février 2021, par Info santé sécu social

Face à l’urgence sanitaire mondiale, l’idée de faire des vaccins contre le Covid-19 un bien public mondial, émise par Emmanuel Macron et d’autres chefs d’État, en juin 2020, lors du Sommet mondial sur la vaccination de l’Alliance du vaccin Gavi, est reprise. Plusieurs initiatives, pétitions et prises de paroles appellent ainsi à « libérer » les brevets afin d’être en capacité de produire rapidement et massivement les vaccins pour répondre aux besoins de la population mondiale.

Début février, le Dr Richard Benarous, ex-directeur du département Maladies infectieuses de l’Institut Cochin et le Pr Alfred Spira, membre de l’Académie de médecine, lançaient une pétition en ce sens, jugeant « indispensable que toute l’industrie pharmaceutique en France, en Europe et dans le monde se mobilise en urgence pour la production de ces vaccins, en obtenant des compagnies qui les ont produits les licences nécessaires »

Partager les licences pour augmenter la production

Leur texte, rapidement signé par de nombreuses personnalités, invite « les gouvernants, les institutions européennes et mondiales » à se saisir de cette idée d’un « bien commun de l’humanité », comme « d’un point d’appui solide pour négocier avec les entreprises productrices des vaccins et exiger qu’elles délivrent ces licences ». Ils demandent au gouvernement d’obtenir celles des vaccins anti-Covid déjà validés et de mobiliser les entreprises pharmaceutiques pour assurer une production à grande échelle.

Le Dr Benarous et le Pr Spira envisagent également le recours au mécanisme de la licence d’office pour « permettre leur production libre ». En France, ce dispositif, prévu par la loi de 1968 sur les brevets d’invention, permet l’octroi d’une licence d’exploitation si l’intérêt de la santé publique l’exige. Dans une recommandation adressée le 16 février au gouvernement, la commission temporaire sur la vaccination du Conseil économique, social et environnemental (CESE) encourage également les autorités à « solliciter les licences de fabrication des vaccins » et « à envisager le recours à l’octroi de licences d’office », là encore pour permettre la production par des industriels concurrents.

En Europe, plusieurs organisations se sont fédérées autour du mot d’ordre « no profit on pandemic », également en faveur d’une reconnaissance des vaccins et des traitements comme « bien public mondial ». « La recherche et le développement de vaccins et de traitements ont souvent été financés par des fonds publics, est-il rappelé sur leur site. Ce qui a été payé par les citoyens doit appartenir aux citoyens. »

Un argument similaire anime le collectif « Brevets sur les vaccins anti-Covid, stop. Réquisition  ! », dont la pétition a déjà été signée par près de 50 organisations, associations, ou syndicats, et par plus d’une centaine de personnalités, dont le Dr Richard Beranous et le Dr François Bourdillon, ancien directeur de Santé publique France.

Des brevets synonymes « de pénurie, de prix élevés et d’opacité »

Le système des brevets, « synonyme de pénurie, de prix élevés et d’opacité », repose sur une logique qui « prive les plus démunis » d’un accès aux vaccins, « au risque de l’émergence de variants encore plus agressifs », a jugé le Dr Franck Prouhet, un généraliste signataire, lors d’une conférence de presse du collectif.

Le collectif en appelle à la « suspension de l’application des brevets sur les vaccins et les traitements médicaux anti-Covid, au profit d’une mutualisation des connaissances, des technologies et la multiplication de leurs transferts, des savoir-faire, de l’augmentation du nombre des producteurs, à l’échelle européenne et mondiale, sous l’égide de l’OMS ».

Seul un « partage large des licences » pourra permettre aux entreprises pharmaceutiques de produire les vaccins disponibles, insiste le Dr Benarous : « Le gouvernement doit faire pression pour un large échange des licences. »

Le Collectif va plus loin avec l’idée d’une « réquisition des entreprises pharmaceutiques pour la production » afin de « fournir en quantité suffisante et gratuitement les peuples du monde entier et éviter les pénuries ». « C’est notre santé qui est en jeu, mais aussi notre argent », souligne Dr Franck Prouhet, rappelant le milliard et demi d’euros investi par l’Europe en précommande de doses de vaccins.

Alors que la compétence sur la propriété intellectuelle à l’échelle internationale relève de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la levée des brevets ne pourra être obtenue que « par un mouvement citoyen », poursuit le généraliste qui compte sur une mobilisation autour d’initiatives prévues le 11 mars, date anniversaire de la déclaration de la situation de pandémie mondiale par l’OMS, et le 7 avril, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé.