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Lequotidiendumedecin.fr : Agences sanitaires : les parlementaires préconisent un meilleur accès aux données et plus de transparence dans l’expertise

Mai 2019, par infosecusanté

Agences sanitaires : les parlementaires préconisent un meilleur accès aux données et plus de transparence dans l’expertise

Coline Garré

| 16.05.2019

Comment comprendre que le glyphosate soit classé cancérogène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), mais non par les agences d’évaluations européennes des produits chimiques (ECHA) et de la sécurité des aliments (EFSA) ou encore de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ? Interpellé par deux commissions de l’Assemblée nationale en 2017, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a livré sa réponse ce 16 mai sous forme d’un rapport sur le fonctionnement des agences françaises et européennes. Loin des polémiques qui ont émergé en début de semaine à la suite des propos peu scientifiques de l’un des co-rapporteurs sur le produit de Monsanto.

Promouvoir des études indépendantes, explorer des champs méconnus

S’il reconnaît une amélioration dans l’harmonisation des méthodologies d’évaluation des agences (expertises collectives et publiques, standards internationaux pour les tests de toxicologie ou d’écotoxicologie), l’Office pointe des angles morts dans l’expertise des risques. Celle-ci reste très dépendante des données des industriels. « Elles ne sont pas toujours de mauvaise qualité, elles doivent répondre aux normes de l’OCDE », nuance Anne Genetet, députée et médecin.

Néanmoins, les firmes gardent une immense marge de manœuvre, lit-on : dans le choix des doses auxquelles sont exposés les animaux le cas échéant, dans la sélection des études à verser au dossier d’autorisation, dans la décision de rendre publique ou non les études. Sans omettre le fait que les experts n’ont souvent accès qu’aux résumés, et non aux données brutes, même si la justice européenne vient de renforcer l’obligation de communiquer des études dans des arrêts de mars 2019. Et le doute sur l’intégrité du processus de collecte de données par les industriels risque de perdurer, le secret industriel et commercial faisant obstacle à une totale transparence, écrivent les auteurs.

Par ailleurs, les travaux universitaires manquent, et ne sont pas toujours retenus par les études, faute de répondre aux exigences méthodologiques réglementaires.

Et la recherche scientifique est encore à la peine sur des sujets comme les effets à long terme (notamment des perturbateurs endocriniens) et les effets cumulés des produits chimiques.

En réaction, l’OPECST propose de créer un fonds de recherche inter-agences pour permettre aux agences de déclencher leurs propres études, et de mettre en commun leurs études et données. Ce fonds pourrait être abondé par une redevance des industriels, a avancé à titre personne Anne Genetet. Il recommande de se pencher sur les effets de perturbation endocrinienne, cancérogènes, mutagènes, ou génotoxiques, et après la mise sur le marché des produits, de développer les instruments de surveillance en situation réelle. Il suggère aussi de développer les méthodes alternatives à l’expérimentation animale pour l’identification des risques.

Revaloriser l’expertise

Pour accroître la transparence des travaux d’évaluation, les parlementaires conseillent de mettre à disposition du public l’intégralité des données figurant dans les dossiers présentés aux agences, afin de permettre une contre-expertise citoyenne.

Ils appellent aussi à un contrôle plus strict des déclarations d’indépendance des experts en même temps qu’à une revalorisation de ce travail de relecture. « Cela ne compte pas sur le CV des chercheurs », regrette Anne Genetet.

Enfin, pour restaurer la confiance des citoyens dans les agences, l’OPECST les invite à faire œuvre de pédagogie pour expliquer leurs démarches et résultats.

L’association de défense de l’environnement Générations Futures a salué les avancées de ce rapport en appelant le gouvernement à « passer aux actes ».