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Lequotidiendumedecin.fr : Érosion des généralistes, salariat, féminisation, inégalités qui se creusent : les nouveaux visages de la démographie médicale

Décembre 2018, par infosecusanté

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Érosion des généralistes, salariat, féminisation, inégalités qui se creusent : les nouveaux visages de la démographie médicale

Loan Tranthimy, Cyrille Dupuis

| 04.12.2018

Dévoilé ce mardi matin par l’Ordre national des médecins, l’Atlas de la démographie médicale dévoile le nouveau visage de la profession et alerte une nouvelle fois sur les inégalités territoriales croissantes.

Hausse des praticiens inscrits, baisse de l’activité régulière

Au 1er janvier 2018, l’Ordre a recensé 296 755 médecins inscrits, soit 5 781 de plus qu’en 2017 (+1,9 %) et environ 35 000 de plus qu’en 2010 (+11,9 %). Mais cette hausse régulière des inscrits totaux est en trompe l’œil puisqu’elle s’explique par l’augmentation du nombre de praticiens retraités. Depuis 2010 en effet, les médecins retraités (en cumul emploi retraite ou non) enregistrent une hausse de 43,6 % de leurs effectifs tandis que le nombre d’actifs a stagné sur la même période (+0,3 %).

Au total, la part des seuls médecins en activité régulière a baissé de 9 points depuis 2010 et de 1,3 point depuis un an (pour tomber à 66,7 % des inscrits au tableau).

Toujours moins de généralistes en activité, davantage de spés

Cette année encore, les effectifs des généralistes en activité régulière continuent à s’éroder, à hauteur de 87 801 omnipraticiens (tous modes d’exercice), en repli de 0,4 % sur un an et 7 % depuis 2010 ! Pire, selon les projections ordinales, ces effectifs de MG en activité régulière devraient continuer à diminuer jusqu’à 81 800 médecins en 2025, soit une baisse moyenne annuelle de 0,9 %. Le renouvellement générationnel n’est pas du tout assuré avec un IR de 0,85 (indice de renouvellement qui mesure le rapport des médecins de moins de 40 ans/60 ans et plus).

Les spécialités médicales et chirurgicales en activité régulière (tous modes d’exercice) affichent, à l’inverse, des effectifs globaux en augmentation pour atteindre 110 279 spécialistes en 2018 (+4 % en 8 ans). Selon les projections, la hausse des médecins spécialistes se poursuivrait au rythme de 0,5 % par an jusqu’en 2025.

Mais cette croissance cache de très fortes disparités entre spécialités. Un « zoom » réalisé sur trois spécialités (psychiatrie, ophtalmologie et dermatologie) montre que les effectifs connaissent une baisse « inquiétante » creusant les inégalités. Ces spécialités en accès direct ou de recours fréquent subissent des « écarts de densité considérables ».

Salariat, féminisation et léger coup de jeune !

L’Ordre relève un « léger rajeunissement » des praticiens en activité régulière qui affichent un âge moyen de 50,8 ans (contre 51,2 ans un an plus tôt) avec un minimum pour l’Ille-et-Vilaine (47, 5 ans) et un maximum pour la Creuse (54,7 ans), soit un écart de plus de 7 ans. « Les départements urbains et hospitalo-universitaires ont un âge moyen significativement plus faible que les autres départements (à l’exception de la Seine-Saint-Denis (...) témoin de problèmes spécifiques d’attractivité) », peut-on lire.

La féminisation du corps médical se poursuit pour atteindre 47 % des effectifs totaux de médecins en activité régulière (48,2 % des effectifs généralistes). Mais désormais, dans 11 départements, plus de 50 % des médecins actifs réguliers sont des femmes.

L’exercice libéral exclusif perd du terrain : il tombe à 42,6 % des médecins actifs réguliers (contre 47 % en 2010), soit un repli de 11 % des effectifs libéraux sur la période. À l’inverse, les médecins salariés représentent aujourd’hui 47,1 % des effectifs (contre 42 % en 2010), en croissance de 9,7 %.

A noter que si l’exercice libéral et mixte (cumulé) reste majoritaire dans la plupart des départements, certains se distinguent par une part déjà plus importante de médecins salariés : Meurthe-et-Moselle, Rhône, Côte d’Or, Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Mayotte et Guyane. Et parmi les nouveaux inscrits, 62 % exercent une activité salariée, 23 % sont remplaçant et 12 % sont libéraux…

Nouveaux inscrits : deux France, moins de médecins à diplôme étranger

Sur les 8 733 médecins nouvellement inscrits en 2018, seuls 8 048 ont une activité régulière (92 %). Les nouveaux inscrits se répartissent au sein des mêmes départements que l’an passé (arc atlantique, bordure méditerranéenne, région Auvergne Rhône Alpes, Ile-de-France, couloir de la Bretagne au Nord - Pas-de-Calais) et autour des métropoles siège des grandes facultés de médecine. « La répartition des nouveaux inscrits met en évidence une France rurale et une France urbaine », résume l’Ordre.

Autre enseignement : le nombre de médecins nouveaux inscrits en 2018 titulaires d’un diplôme étranger baisse (8 % ont un diplôme de l’Union européenne contre 10,4 % en 2017 et 7,8 % ont un diplôme hors UE contre 9,2 % en 2017).

Des inégalités territoriales qui se creusent

L’analyse croisée de la démographie médicale et de la population générale permet d’identifier 4 types de départements : ceux où les populations générale et médicale augmentent comme le Nord, l’Ille-et-Vilaine, le Bas-Rhin, le Tarn-et-Garonne ; les départements où les populations générale et médicale diminuent comme les Côtes-d’Armor Jura, la Lozère ou le Gers. Enfin, des territoires caractérisés par des situations intermédiaires : population générale en hausse et médicale en baisse (soit une situation potentielle d’offre de soins défavorable) comme la grande majorité des départements de l’Ile de France, le Pas-de-Calais et la Côte d’Or ; enfin les départements où la population générale est en baisse et la population médicale en hausse : Haute-Vienne, Alpes-de-Haute-Provence, Allier, Haute-Saône, Ardennes, à titre d’exemple.

Mais pour l’Ordre, c’est surtout le creusement des inégalités de densité qui est révélateur. La densité moyenne s’établit à 270,3 médecins pour 100 000 habitants. Les collectivités territoriales d’Outre-mer affichent la plus faible densité (185,4 médecins pour 100 000 habitants) tandis que la région PACA concentre la plus forte densité avec 349 médecins pour 100 000 médecins. Dans l’Hexagone, l’écart va du simple au quadruple entre l’Eure (154,3 médecins pour 100 000 habitants) et la ville de Paris (687).

De surcroît, les baisses de densité sont plus fortes dans les départements déjà affectés (Ain, Eure, Mayenne). Les mesures incitatives montrent-elles leurs limites ? Selon le Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la section santé publique et démographie médicale à l’Ordre national, « il faut tenir compte d’autres critères pour l’incitation à l’installation des jeunes médecins, comme l’aménagement du territoire, la fragilité de l’accès à certains services ou la desserte numérique insuffisante ».