L’hôpital

Lequotidiendumedecin.fr : Fragiles », trop « hétérogènes » et « constamment déficitaires », les CHU doivent se structurer en réseaux, exhorte la Cour des comptes

Décembre 2018, par infosecusanté

Fragiles », trop « hétérogènes » et « constamment déficitaires », les CHU doivent se structurer en réseaux, exhorte la Cour des comptes

Martin Dumas Primbault

| 13.12.201

Déjà à l’origine en janvier d’une étude critique sur les missions de formation et de recherche des CHU, la Cour des comptes a publié ce mercredi un rapport sur leur rôle dans l’offre de soins. À la veille des 16es Assises des CHU et de la présentation d’un rapport très attendu sur le CHU de demain, les Sages, sévères, jugent les CHU « fragiles » car trop « hétérogènes » et « constamment déficitaires depuis 2011 ».

L’hétérogénéité des 30 CHU – la Cour a exclu les deux CHR – passés au crible par la Cour des comptes est flagrante. Comme le font remarquer les auteurs, « au-delà d’un groupe d’une dizaine de CHU qui effectuent la plus grande partie des activités de recours et de références, les autres, pour la plupart de petite taille, ont une activité qui se distingue assez peu de celle des autres établissements de santé, publics ou privés ».

Quand certains, les plus gros, peuvent se targuer d’un taux d’activité de recours supérieur à 5 % (Bordeaux, AP-HM, AP-HP, HCL), pour d’autres, celui-ci représente moins de 3 % de leur activité totale – la moyenne est de 4,6 %. Le rapport donne ainsi comme exemple les CHU de Brest (Finistère), la Guadeloupe, la Martinique, Nîmes (Gard) et Poitiers (Vienne) dont l’activité globale serait similaire à celle des centres hospitaliers d’Annecy (Haute-Savoie), de Colmar (Haut-Rhin) et de Pontoise (Val-d’Oise) ou celles des établissements à but non lucratif Saint-Vincent (Nord) ou Foch (Hauts-de-Seine). Sont inclus dans la définition du recours les séjours pour surveillance de greffe d’organe.

Même chose pour l’activité de proximité qui, prise dans son ensemble, représente la même part d’activité, que l’ont soit CHU ou CH.

Côté finances, le rapport est accablant. Après six années consécutives dans le rouge, le déficit s’élève en 2017 à 405 millions d’euros, dont près de la moitié imputable à l’AP-HP. « Plus de la moitié des CHU ne parviennent pas à équilibrer leur compte de résultat principal en raison d’un ralentissement de la progression des produits et d’une trop faible régulation des charges », analyse la Cour.

La gestion « mal maîtrisée » des dépenses de sous-traitance et de prestations est aussi à revoir. Celles-ci ont augmenté de 24,9 % entre 2012 et 2016, bridant ainsi la capacité des établissements à investir ou à s’autofinancer.

Enfin, la qualité des soins offerts par les CHU inquiète les auteurs du rapport. Des « marges de progrès » existent. Et pour cause, à ce jour, un quart d’entre eux ne jouissent pas de l’un des deux plus hauts niveaux de certification (A ou B) délivrés par la Haute Autorité de santé (HAS). Deux d’entre eux (Clermont-Ferrand et Toulouse) sont même certifiés C avec une obligation d’amélioration.

Offre de soins lacunaire et onéreuse

Devant ce triple constat, la Cour des comptes pointe la nécessité d’organiser une plus grande hiérarchisation des établissements en fonction de leur degré de spécialisation afin de « clarifier la place des CHU dans l’organisation territoriale des soins ». Elle propose ainsi la création de « huit à dix réseaux » d’établissements afin de « faire émerger une dizaine de CHU à visibilité internationale » et « à la fois d’en améliorer l’efficience et la qualité de fonctionnement ».

Aucun établissement n’est « nécessairement » amené à disparaître, expliquent les Sages, mais les plus grands ont vocation à concentrer certains moyens (plateformes techniques, moyens de soutien spécialisés), sans oublier de soutenir l’action de recherche des CHU partenaires ou des établissements de santé sur leur territoire.

La même logique s’applique en matière de soins. « La trop grande dispersion des moyens aboutit actuellement à une offre de soins lacunaire et onéreuse, en particulier avec la multiplication des plateaux techniques dont certains apparaissent redondants », explique la Cour des comptes qui plaide pour une vraie gradation.

Elle propose pour ce faire deux modèles. Le premier, baptisé « modèle confédéral », envisage une coopération étroite entre les établissements membres, alors que le second, qualifié de « plus intégré », verrait l’un des CHU prendre le rôle de « tête de réseau ».

Seuil d’activité sur la transplantation d’organe

La Cour fait d’autres recommandations fortes pour les CHU. Elle suggère en particulier de réorganiser l’activité de transplantation d’organe par la mise en œuvre d’une politique de seuil minimal d’activité par site géographique (DGOS, ABM, HAS).

Autres options sur la table : réformer le financement de la prise en charge des maladies rares et rendre « plus robuste » l’indicateur de satisfaction des usagers.