Les deserts médicaux

Lequotidiendumedecin.fr : Laigneville, 5 000 habitants, zéro généraliste et un maire qui cogne sur l’ARS

Janvier 2018, par infosecusanté

Laigneville, 5 000 habitants, zéro généraliste et un maire qui cogne sur l’ARS

Sophie Martos

09.01.2018

Depuis un mois, Christophe Dietrich, maire (SE) de la commune de Laigneville dans l’Oise, avale des poires d’angoisse. Les deux derniers généralistes ont dévissé leur plaque le 22 décembre et n’ont pas été remplacés. Le maire pointe du doigt l’inertie de l’agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France, « incapable de répondre aux besoins de la population » et « laissant les maires en première ligne assumer ses défaillances ».

« Le 1er janvier, j’ai attendu six heures sous la pluie avec une famille dont l’un des membres était décédé car il n’y avait pas de médecins disponibles pour le constater, raconte-t-il amer au « Quotidien ». J’ai appelé l’ARS et la préfecture, pas moyen d’en trouver un. Finalement, cette famille a fait appel à une personne de leur entourage, un médecin à la retraite. »

Une situation comme celle-là n’est pas inédite. En mai dernier, Christophe Dietrich avait déjà fait parler de lui. Il avait alerté les pouvoirs publics sur la dégradation sanitaire de sa commune et avait publié un arrêté symbolique interdisant aux habitants… de mourir à domicile, après qu’une famille a attendu un médecin 12 heures pour signer l’acte de décès. « Inadmissible », peste-il. L’arrêté était un moyen pour ce maire de sensibiliser et « dénoncer la stupidité de la situation ».

Quatre généralistes pour 24 000 habitants

Depuis fin décembre, les 5 000 habitants de la commune n’ont plus aucun médecin. « Nous avons quatre généralistes pour 24 000 habitants dans la communauté de communes, précise Christophe Dietrich. Des habitants m’appellent sans cesse pour savoir comment trouver un praticien. »

Le maire a pourtant anticipé et proposé trois projets de maison de santé ces dernières années. Tous refusés par l’ARS. Il a également cherché à recruter un médecin en lui offrant un cabinet et un secrétariat à temps plein pour le délester de toute paperasse administrative mais plusieurs candidats au poste étaient trop gourmands. « Quelques-uns ont exigé de la mairie le paiement de leur logement personnel, d’autres ne souhaitaient pas réaliser de visites à domicile », commente l’élu.

Projet de télémédecine en vue

Cet élu a également travaillé depuis septembre 2017 sur un projet de télémédecine qu’il souhaite mettre en place fin janvier. Les locaux sont prêts, le matériel aussi et les infirmières ont été formées pour recevoir les patients. Il a fait appel à une entreprise pour dénicher quatre médecins généralistes issus d’autres régions pour se lancer. « J’ai demandé à l’ARS que le projet télémédecine soit sous forme d’expérimentation afin que les personnels, infirmiers et médecins, soient rémunérés et les patients remboursés par la Sécurité sociale, le temps que ce dispositif bascule dans le droit commun, détaille Christophe Dietrich. Encore une fois, ils ont refusé. »

Selon ses dires, l’ARS s’est justifiée en invoquant les aptitudes suffisantes des services d’urgences de la région, la création de six maisons médicales dans le département de l’Oise et en proposant la mise à disposition d’un médecin à Laigneville une journée par semaine. Des arguments « surréalistes » pour le maire de la commune qui compte bien faire entendre sa voix dans une dizaine de jours, le 17 janvier, lors de son prochain rendez-vous avec l’ARS.

Christophe Dietrich insiste : la désertification médicale doit cesser. Il espère voir des mesures comme « la régionalisation des diplômes » où « le contingentement des médecins par rapport au nombre d’habitants dans les communes » être bientôt mises en œuvre par le gouvernement.