Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

Lequotidiendumedecin.fr : Meurtre d’un étudiant par un psychotique : le psychiatre condamné pour homicide involontaire, l’hôpital relaxé

Décembre 2016, par infosecusanté

Meurtre d’un étudiant par un psychotique : le psychiatre condamné pour homicide involontaire, l’hôpital relaxé

Coline Garré

14.12.2016

Le Dr Lekhraj Gujadhur, le psychiatre dont le patient schizophrène avait tué un étudiant à Grenoble en 2008, a été condamné ce 14 décembre à 18 mois de prison avec sursis pour homicide involontaire. Cette peine suit les réquisitions du parquet à l’encontre de du médecin aujourd’hui septuagénaire et retraité. Son avocat Me Jean-Yves Balestas a indiqué qu’il fera appel.

Le centre hospitalier de Saint-Egrève, d’où s’était échappé Jean-Pierre Guillaud, le 12 novembre 2008, et contre qui le procureur avait retenu la « faute simple » et requis une amende de 100 000 euros avec sursis, a en revanche été relaxé.

Une fois à Grenoble, le psychotique avait acheté un couteau et poignardé Luc Meunier, 26 ans. Sujet à des hallucinations et à des pulsions morbides, Jean-Pierre Guillaud était régulièrement hospitalisé depuis la fin des années 1970 (6 séjours à Saint-Egrève et 10 hospitalisations entre 1980 et 2008). Et avait déjà commis plusieurs agressions à l’arme blanche. En 2011, il est déclaré pénalement irresponsable et placé en unité pour malade difficile (UMD).

Selon le tribunal, le Dr Gujadhur a failli dans le suivi de ce patient en n’ayant pas pris connaissance de son dossier durant les deux années où il était hospitalisé dans le pavillon dont il avait la responsabilité de fait.

Quelle responsabilité des médecins ?

« Les magistrats ont dit que chaque patient a droit à un suivi. Un tabou est tombé, celui de l’évaluation de la dangerosité des patients. C’est sur les psychiatres que repose cette responsabilité », a commenté Me Hervé Gerbi, conseil de la famille Meunier.

Pour Me Balestas en revanche, cette condamnation « très dure » est « incompréhensible » : « Seul mon client était poursuivi alors qu’il n’est pas titulaire de la responsabilité du pavillon ; à la différence du médecin (qui suivait le schizophrène, NDLR) et du chef de service. ». « Et le centre hospitalier est relaxé alors qu’il avait la responsabilité du contrôle des sorties ! » a-t-il relevé, faisant valoir que « les médecins ne sont pas des gardiens de prison ».

« Au-delà du Dr Gujadhur, cela pose la question du traitement des psychopathes délirants. Cette condamnation est une première en France et les médecins psychiatres vont devoir revoir leur pratique », a poursuivi Me Balestas.

« Les conséquences (de cette décision) sont dramatiques pour les malades et la profession », a réagi Norbert Skurnik, vice-président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP). « Les schizophrènes n’ont pas vocation à être enfermés mais le risque de poursuite peut pousser des praticiens à ne plus autoriser de sortie », a-t-il mis en garde, tout en rappelant que les schizophrènes sont plus souvent victimes qu’auteurs de violence. Les psychiatres avaient pareillement soutenu le Dr Danièle Canarelli, condamnée à un an de prison avec sursis en 2012, avant d’être relaxée en octobre 2015 pour cause de prescription des faits.

« Je ne suis pas contente, je suis soulagée ! Pour être contente, il aurait fallu que Luc soit là et mon mari aussi », a déclaré, Odile Meunier, la mère de la victime. Son conjoint, Jean-Pierre, qui s’était battu pour que l’affaire soit jugée malgré les nombreux non-lieux qui ont émaillé la procédure, est décédé l’an passé.