Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

Lequotidiendumedecin.fr : Polémique après une séquence de Fort Boyard évoquant une salle d’isolement, associations et professionnels demandent son retrait

Juillet 2017, par infosecusanté

Polémique après une séquence de Fort Boyard évoquant une salle d’isolement, associations et professionnels demandent son retrait

Dr Etienne Pot

12.07.201

Après la polémique soulevée par la diffusion d’une épreuve de Fort Boyard, « L’Asile », France Télévisions a présenté une nouvelle version de son émission, cette fois baptisée « la cellule capitonnée ».

Le candidat affublé d’une camisole se débat dans une salle ressemblant à une chambre d’isolement. Les associations de patients et les professionnels de santé restent fermes : la nouvelle dénomination de l’épreuve du jeu télévisé, ne modifie en rien l’image stigmatisante qu’elle renvoie de la maladie psychiatrique. Dans une tribune publiée dans « le Monde », Ils demandent le retrait définitif de cette séquence, ainsi que des excuses publiques.

Un soutien aux collectifs et aux associations de patients

« Il s’agit avant tout d’un soutien aux collectifs et aux associations de patients, qui dénoncent à juste titre une médiatisation délétère de l’accès aux soins en psychiatrie », explique au « Quotidien » le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre et président de la collégiale de psychiatrie de l’APHP, un des signataires.

Les choses semblent ne pas avoir beaucoup évolué depuis le film de Milos Forman, « Vol au-dessus d’un nid de coucou » : « Ce film est sorti il y a plus de 40 ans, mais cette séquence dans Fort Boyard montre que les images véhiculées sur la psychiatrie n’ont pas changé », déplore le spécialiste. Ces images ne correspondent en rien, selon lui, à la réalité de la prise en charge psychiatrique en France : « les dispositifs législatifs récents encadrent énormément la pratique en psychiatrie, quant à la camisole, elle n’existe plus dans les hôpitaux depuis au moins 30 ans ! » Le psychiatre dénonce « une représentation violente de la psychiatrie », qui blesse les patients et leurs familles, mais aussi les milliers de professionnels travaillant en psychiatrie.

Pour Béatrice Borel, présidente de l’UNAFAM, une des associations signataires, les images choquent, et ça n’est pas la première fois : « l’émission de Cyril Hanouna sur C8, avait déjà diffusé une séquence il y a quelques mois, présentant des personnes avec des camisoles, et donnant une vision désastreuse de la psychiatrie ».

Un appel à la responsabilité de France Télévisions

Le Pr Pelissolo insiste : « Les responsables de la chaîne doivent retirer cette séquence de l’émission, le nom a peut-être changé, mais le contenu reste le même. » Pour le psychiatre, il ne s’agit pas de rentrer en conflit avec France Télévisions, mais d’obtenir une prise de conscience de la chaîne.

Béatrice Borel rappelle qu’une réflexion avait pourtant débuté lors du colloque « Handicap et médias » le 29 juin dernier, qui évoquait le « devoir d’exemplarité des médias » sur ces sujets. La présidente de l’UNAFAM poursuit : « Promouvoir l’intervention précoce en psychiatrie passe par une meilleure sensibilisation des jeunes, et notamment des adolescents, à ce que sont réellement les soins psychiatriques, les médias jouent un rôle majeur dans cette représentation. » Et pour l’instant, le compte n’y est pas. C’est pour cette raison que l’UNAFAM a décidé de porter plainte pour injures publiques, discriminations, et d’interpeller le CSA et le Défenseur des droits.

Changer le regard sur la maladie psychiatrique

Cette polémique permet en tout cas de médiatiser l’importante stigmatisation dont souffrent les malades en psychiatrie, régulièrement dénoncée par les associations. La présidente de l’UNAFAM rappelle la représentation très binaire de la maladie psychiatrique : « Soit elle est ridiculisée, soit elle est associée à la violence ».

Pour le Pr Pelissolo, le travail de sensibilisation est essentiel : « La prise de parole de plus en plus fréquente des usagers sur la psychiatrie, permet progressivement de changer le regard de la société sur la maladie ». Un changement de regard nécessaire aussi pour d’autres maladies, telles que l’autisme, pour laquelle le président de la république vient de lancer le 4e plan national. Le plan s’attaquera aux conséquences sociales de la maladie, mais aussi certainement à la représentation qui en est faite.