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Lequotidiendumedecin.fr : Suicide du Pr Mégnien : trois PU-PH créent une association de lutte contre le harcèlement à l’hôpital

Juin 2016, par infosecusanté

Suicide du Pr Mégnien : trois PU-PH créent une association de lutte contre le harcèlement à l’hôpital

Anne Bayle-Iniguez

09.06.2016

Le suicide du Pr Jean-Louis Mégnien, survenu le 17 décembre 2015 sur son lieu de travail, à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), a secoué les consciences médicales de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), au point de voir émerger dans la foulée une association de lutte contre la maltraitance et le harcèlement fondée par trois médecins.

Portant le nom du cardiologue, cette organisation est née en février de la volonté du Pr Philippe Halimi, patron du service de radiologie de l’HEGP, du Dr Rachid Zegdi, chirurgien cardio-vasculaire dans ce même hôpital et du Pr Bernard Granger, responsable de l’unité fonctionnelle psychiatrie adulte à l’hôpital Cochin (Tarnier).

Inertie administrative

Six mois après le drame de l’HEGP, la lenteur du tempo juridique, l’inertie administrative et la teneur de certaines décisions prises par le siège de l’AP-HP ont motivé les trois médecins à entrer dans la peau de lanceurs d’alerte.

Ouverte par le parquet de Paris en février après la plainte pour harcèlement moral déposée par l’épouse du Pr Mégnien, l’information judiciaire confiée à deux juges d’instruction est toujours en cours. L’inspection du travail mène aussi l’enquête. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) devait rendre un rapport sur la détection et la prévention des risques psycho-sociaux dans l’ensemble des hôpitaux mi-avril. Ce sera, déplore l’association, « probablement fin juin ».

Seul le directoire de l’AP-HP a commis un rapport relatif aux « conflits » à l’HEGP. Et si l’association apprécie les préconisations de ce « bon » document sur les procédures de nominations de chefs, elle déplore que la thématique ultrasensible du harcèlement à l’hôpital soit minimisée sous couvert de bisbilles entre médecins.

« À Pompidou, rien n’a évolué, a déclaré ce jeudi le Pr Halimi, lors d’une conférence de presse. Beaucoup de clivages persistent. On assiste à un jeu de ping-pong entre les tutelles et le siège de l’AP-HP. Ça peut durer jusqu’à la retraite de la directrice générale, toujours en poste. » Le service de chirurgie cardiovasculaire et endovasculaire est à son tour au bord de l’asphyxie. Sur le départ, le chef de service est pour l’instant sans successeur, témoigne le Dr Zegdi.

Plusieurs dizaines de cas de harcèlement

Les trois médecins sont d’autant plus remontés de cette mollesse que leur initiative a déjà porté ses fruits. « On nous a déjà remonté plusieurs dizaines de cas de harcèlement moral provenant de l’AP-HP ou d’ailleurs, assure le Pr Granger. On commence par priver le médecin de sa secrétaire, puis on change ses rendez-vous. S’il proteste, on l’accuse d’être un "emmerdeur". C’est cet enchaînement de petits faits qu’on veut prévenir, partout en France. »

Pour cela, l’association a lancé ce jeudi un manifeste (voir ci-dessous), qui détaille les principes fondateurs de ses futures actions pour lutter contre le harcèlement (moral ou sexuel). L’association compte s’inspirer de la circulaire Lebranchu (lutte contre le harcèlement dans la fonction publique) et militer en faveur d’un droit systématique à la protection fonctionnelle. Ce dispositif permet entre autres l’ouverture d’une enquête administrative et apporte une assistance juridique. « L’administration, qui est juge et partie puisqu’elle est mise en cause, refuse presque systématiquement cette protection », déplorent les PU-PH.

Assemblée générale le 18 juin

Autre enjeu : revoir « en profondeur » le fonctionnement du Centre national de gestion (CNG), qui gère la carrière des praticiens hospitaliers et des directeurs. « Son fonctionnement pose problème, assure le Pr Halimi. Le CNG est capable de faire attendre pendant deux ans un PH en demande d’affectation. » « Le CNG doit faciliter les départs et faire en sorte que le médecin concerné parte avec son poste, au détriment de l’hôpital », renchérit le Pr Granger.

Pour récolter des données statistiques qui font cruellement défaut, l’association a enfin l’intention de réclamer la constitution d’un Observatoire national de veille et de prévention du harcèlement.

La première assemblée générale de l’association aura lieu le 18 juin. Le but est de recruter plusieurs dizaines d’adhérents susceptibles d’apporter aides, conseils et éventuellement assistance aux personnels hospitaliers (non-médecins compris) en souffrance sur tout le territoire. Pas question pour autant de prendre la place des syndicats ou des instances représentatives (commission médicale d’établissement, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), insistent les PU-PH. « Nous voulons mettre les harceleurs et ceux qui les couvrent en face de leurs responsabilités », conclut le Pr Halimi.