Les professionnels de santé

Lequotidiendumedecin.fr : Tarifs, installation, recertification, convention : la Cour des comptes s’attaque sans ménagement à la médecine libérale

Novembre 2017, par infosecusanté

Tarifs, installation, recertification, convention : la Cour des comptes s’attaque sans ménagement à la médecine libérale

Loan Tranthimy

29.11.2017

Répartition territoriale déséquilibrée, règles « inopérantes » en matière d’installation des libéraux, tarifs désordonnés… : la Cour des comptes presse à nouveau le gouvernement de réformer drastiquement l’organisation et la régulation du système de santé, en commençant par la médecine de ville.
Dans son rapport thématique sur l’avenir de l’assurance maladie, dévoilé ce mercredi, les sages de la rue Cambon avancent plusieurs pistes radicales de réforme, quelques semaines après avoir déjà ciblé la médecine spécialisée libérale. Tour d’horizon.
Changer le cadre conventionnel
Empilement des avantages catégoriels accordés à chaque profession – sans favoriser l’approche pluriprofessionnelle –, résultats modestes en matière de régulation des dépassements… pour la Cour, ces résultats « médiocres » sont liés au système conventionnel obsolète.
Elle propose carrément de changer de cadre « en s’inspirant au besoin de l’exemple allemand ». Si les « négos » contractuelles gardent leur place, la loi fixe les principes de régulation à l’installation des libéraux, les modalités de rémunération et surtout la régulation comptable qui prévoit par exemple un système d’enveloppe fermée de rémunération des médecins (permettant de limiter le nombre d’actes réalisés et des prescriptions).
Le rapport suggère de contingenter l’espace conventionnel. « La négociation entre les partenaires pourrait se concentrer sur la détermination des paramètres de la rémunération, les références de coût et les indicateurs de résultat en fixant des valeurs d’orientation au niveau national, tout en laissant au niveau régional une latitude pour expérimenter des solutions propres », précise le rapport. Et parce que le système conventionnel actuel fonctionne trop « en silo », la Cour préconise « une convention cadre pour tous les professionnels de santé, déclinée ensuite par profession », a précisé ce mercredi Antoine Durrleman, président de la 6e chambre.
Conventionnement sélectif, recertification et plafonnement des dépassements ! 
Sans surprise, le sauvetage du système de santé passe aussi par une répartition plus efficace des médecins libéraux. Le nombre de généralistes pour 100 000 habitants varie du simple au double entre les départements, rappelle la Cour, « sans que l’âge, l’état de santé ou la précarité des populations suffisent à expliquer ». Cartes à l’appui, la Cour fait valoir qu’il existe un lien direct entre dépenses maladie et densité. Une répartition plus homogène pourrait générer des « gains potentiels d’efficience » de 800 millions à 1,4 milliard d’euros.
La méthode forte est préconisée. Il est nécessaire d’introduire « des règles de conventionnement sélectif suborné à la recertification périodique des professionnels de santé et aux besoins des territoires », peut-on lire. Un tel conventionnement sélectif des médecins libéraux, à nouveau réclamé lors du débat du PLFSS 2018, a été écarté jusqu’à présent par le gouvernement. 
L’accès financier aux soins n’est pas oublié, la Cour réclamant « le plafonnement » des dépassements d’honoraires. Les médecins « hors des clous » seraient exclus du conventionnement.
Davantage de forfaits 
La diversification des mode de rémunération reste beaucoup trop timide aux yeux de la Cour des comptes. En 2015, le paiement à l’acte représente encore 85 % de la rémunération des médecins libéraux. À l’hôpital, la tarification à l’activité (T2A) a entraîné une « course aux volumes », préjudiciable à la pertinence des soins.
Les sages se montrent favorables au financement au parcours ou à l’épisode de soins. Il s’agit d’augmenter la part des rémunérations forfaitaires (pour certaines catégories de patients) mais aussi du paiement à la performance (en fonction d’objectifs élargis de santé publique). « Des enveloppes limitatives devraient être mises en place pour les médecins libéraux en fonction des caractéristiques des patients suivis », ose la Cour.
Elle préconise aussi de développer des indicateurs de résultat sur la qualité des soins et, là encore, de les soumettre à une recertification périodique (suivant l’exemple des Pays-Bas ou du Royaume-Uni).
La PDS obligatoire ? 
Pour désengorger les urgences hospitalières, la Cour a aussi son idée. Conditionner une partie des rémunérations des médecins au… développement de la permanence des soins, à l’extension des honoraires d’ouverture et à la réponse de soins non programmés. Elle recommande d’expérimenter une régulation médicale indépendante de l’hôpital pour mieux orienter les patients.
Transférer des activités
Face à un système jugé trop rigide, les sages préconisent une révision plus régulière des décrets d’actes des différentes professions mais aussi des nomenclatures et des maquettes de formation. La mise en place rapide de transferts d’activités est réclamée. « Cela permettrait de recentrer le médecin sur les activités à forte valeur ajoutée », justifie la Cour.
Renforcer le pouvoir des ARS
Côté gouvernance enfin, la Cour suggère d’accorder davantage de pouvoirs aux agences régionales de santé (ARS) pour gérer les dépenses. Une souplesse qui pourrait aboutir à l’instauration d’objectifs régionaux de dépenses (Ordam), une idée souvent évoquée mais jamais appliquée à ce jour.
Dans son nouveau rapport, la Cour des comptes qui critique la mise en œuvre de « solutions de facilité » dans la gestion du système de soins, reprend elle-même, en les recyclant, ses propres solutions de facilité dans ses préconisations.