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Lequotidiendumedecin.fr : Urgences : Buzyn pose sur la table 754 millions d’euros pour sortir de la crise

Septembre 2019, par infosecusanté

Urgences : Buzyn pose sur la table 754 millions d’euros pour sortir de la crise

Par Martin Dumas Primbault -

Publié le 09/09/2019 -

En annonçant ce lundi 9 septembre un plan de 754 millions d’euros pour les urgences d’ici la fin du quinquennat, Agnès Buzyn a voulu frapper fort. La ministre de la Santé jouait gros devant les représentants du secteur réunis avenue de Ségur pour ce qui avait tout d’une réunion de crise. L’hématologue y a dévoilé un « pacte de refondation des urgences » comprenant douze grandes mesures − certaines inédites, d’autres déjà annoncés dans les mois précédents. « L’heure n’est plus aux constats », a-t-elle annoncé, très solennelle, au moment de dévoiler son plan de bataille.

Mesure prioritaire, la création d’un service d’accès aux soins (SAS) d’ici l’été 2020 pour réguler en amont les besoins de soins des Français représente près de la moitié du budget (340 millions d’euros). Cette sorte de super plateforme, accessible 24 heures sur 24 en ligne ou par téléphone devra fournir à ceux qui la sollicitent « l’information et l’orientation sur tout le territoire pour toutes leurs questions de santé ».

Elle devra offrir aux Français, en fonction des besoins et de l’urgence, un conseil médical, la possibilité de prendre rendez-vous avec un généraliste dans les 24 heures, une téléconsultation, une orientation vers un service d’urgences ou la possibilité de recevoir une ambulance. Le service d’accès aux soins intégrera également une cartographie des structures disponibles à proximité de l’appelant (cabinet médical, maison de garde, pharmacie de garde, service d’urgence) avec les délais d’attente en temps réel.

Une mission interministérielle (Santé et Intérieur) sera lancée dès novembre pour décliner les contours de ce nouveau dispositif. S’oriente-t-on vers un numéro unique santé – loin de faire l’unanimité ? La ministre ne s’est pas prononcée pour le moment. Elle donne deux mois à la mission ad hoc pour lui rendre un cahier des charges précis. « Je ne veux plus de guerre de tranchées entre médecins libéraux, hôpital et pompiers », a-t-elle déclaré, mettant en avant le « besoin » de la population avant les querelles de clochers. Quant à savoir quel numéro sera choisi, là encore, c’est l’incertitude. « Je ne préempte aucun numéro » a-t-elle simplement ajouté.

La ville en renfort, tiers payant « systématique » sur les gardes

La ministre a également l’intention de s’appuyer fortement sur la ville et sur les nouvelles communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour désengorger en amont les urgences. Les CPTS seront donc « soutenues financièrement et disposeront de six mois pour initier une organisation des soins sans rendez-vous dans leur territoire, puis de 18 mois pour la rendre totalement effective ». En parallèle, les agences régionales de santé (ARS) se voient confier la mission d’installer des maisons médicales de garde (MMG) à proximité des services d’urgences les plus importants (plus de 50 000 passages par an). 50 MMG seront financées d’ici fin 2019 pour un total de 10 millions d’euros, a assuré la ministre.

Comme annoncé une semaine plus tôt, 15 millions d’euros seront alloués aux transports sanitaires pour permettre aux SAMU de conduire un patient chez un médecin libéral, 5 millions d’euros pour « systématiser » le tiers payant (sur la part assurance maladie obligatoire) dans le cadre de la garde des médecins libéraux et 55 millions d’euros pour permettre un accès direct à des examens de biologie en libéral.

La ministre se fixe également l’objectif de « zéro passage aux urgences » pour les personnes âgées d’ici cinq ans en facilitant les accès directs dans les services compétents. 175 millions d’euros y sont dédiés. Ils seront alloués aux hôpitaux pour les encourager à organiser ce parcours « avec une équipe hospitalière en charge d’assurer cet accueil direct dans de bonnes conditions ». La vidéo à distance sera intégrée à partir de début 2020 dans tous les SAMU pour un montant de 15 millions d’euros.

Une organisation plus graduée

Pour pallier la pénurie médicale en urgentistes, Agnès Buzyn veut « renforcer » la ressource médicale « dans les points clés d’accès aux soins d’urgents » via une organisation plus « graduée » et l’ouverture « d’antennes » ouvertes sur une partie seulement d’une journée de 24 heures. La ministre entend s’appuyer également sur des structures mobiles, à distinguer d’une nouvelle offre de transport paramédicalisée.

Les protocoles de délégation de tâches pour les paramédicaux, la création d’infirmiers de pratique avancée (IPA) aux urgences et l’extension de la prime de risque aux assistants de régulation médicale (ARM) coûtera 28,5 millions d’euros.

Pour mettre un « frein très clair et très net » à l’intérim médical « sauvage » honni par la ministre, les médecins devront fournir une « attestation sur l’honneur sur le cumul d’activité » lors de la signature d’un contrat avec une agence d’intérim ou directement avec un hôpital. Par ailleurs, Agnès Buzyn veut développer l’activité inter-hôpitaux en encourageant le recours à la prime d’exercice territorial à 1 000 euros par mois.

Chamboulement du financement

Le financement des urgences sera aussi réformé par la mise en place d’un modèle hybride cumulant tarification à l’activité, dotation « populationnelle » et forfait de réorientation vers la ville pour un coût de 5 millions d’euros.

Enfin, des nouveaux outils de gestion des lits (bed manager) devront être déployés dans tous les groupements hospitaliers de territoire (GHT) en 2020. 105 millions d’euros y sont dédiés.

La ministre a pris soin de regarder le problème sous tous les angles, de l’amont à l’aval en passant par l’organisation interne aux services. Selon elle, les mesures annoncées ce lundi ont reçu un accueil « favorable » voire « très favorable » des médecins urgentistes, des fédérations hospitalières et des présidents de commissions médicales d’établissements. Reste à savoir si cela suffira à calmer la grogne alors que 249 services sont toujours en grève et qu’une assemblée générale du collectif inter-urgences est prévue mardi 10 septembre.