L’hôpital

Lequotidiendumedecin.fr : Urgences cet été : « Pas de trous dans les lignes de garde », promet Buzyn, grève reconduite, Pelloux sermonne la médecine libérale

Juin 2019, par infosecusanté

Urgences cet été : « Pas de trous dans les lignes de garde », promet Buzyn, grève reconduite, Pelloux sermonne la médecine libérale

Martin Dumas Primbault, Loan Tranthimy

| 18.06.2019

Comme chaque année à l’approche de l’été, le ministère de la Santé s’affaire en prévision de potentiels épisodes caniculaires et pour anticiper les tensions dans les services hospitaliers.
Mais l’exercice 2019 est particulièrement délicat. Ce mardi, c’est dans un contexte de crise aux urgences qu’Agnès Buzyn a réuni toutes les parties prenantes : agences régionales de santé (ARS), hospitaliers, libéraux, maisons de retraite, associations, collectivités locales et administrations. « Les situations diffèrent d’un hôpital à l’autre, il faut trouver à chaque fois la solution la plus adaptée », a expliqué la ministre qui demande à chacun des acteurs de « démontrer comment il va participer à cet énorme effort de prévention, de façon à éviter des passages aux urgences déjà sous tension ».

Limiter les fermetures de lits
Vendredi dernier, Agnès Buzyn a annoncé une enveloppe de 15 millions d’euros pour aider les établissements en tension à recruter des paramédicaux. Celle-ci sera disponible dès juillet. Son fléchage sera assuré par les ARS au cas par cas vers les hôpitaux « qui en font la demande ». « Je mets tout en œuvre pour qu’il n’y ait pas de trous dans les lignes de garde des différents services d’urgences », a assuré Agnès Buzyn.
Il s’agit aussi de mieux anticiper l’aval des urgences. « Ce que je souhaite, c’est que les lits d’aval soient maintenus ouverts dans les établissements en tension », a indiqué la locataire de Ségur. Elle n’exclut pas certaines fermetures de lit, « notamment ceux qui correspondent à des soins programmés, en chirurgie par exemple, où il faut accepter que les soignants partent en vacances car ils ont besoin de repos ».

Profitant de ce brainstorming, les médecins intérimaires se sont rappelés aux bons souvenirs du ministère. Dans un communiqué, le Syndicat national des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH) − connu pour avoir appelé, en mars 2018, au boycott des hôpitaux qui plafonnent leur rémunération − a vanté les bienfaits de l’intérim médical et paramédical. « Un des moyens de soulager ces services sensibles », affirme-t-il.
Dans le même temps, 55 millions d’euros avaient été annoncés vendredi pour financer deux primes pour les paramédicaux dès juillet : une prime de risque de 100 euros net mensuels à destination des 30 000 personnels non-médicaux « en contact avec le public des urgences » (brancardier, aide-soignant, secrétaire, infirmière, etc.) et une prime de coopération (100 euros brut mensuels) pour les infirmiers et aides-soignants qui se verront confier de nouvelles compétences dans le cadre de protocoles de délégations de tâches.

Grève reconduite
Ces annonces n’ont pas permis de mettre un terme aux nombreuses grèves qui secouent des services d’urgences depuis trois mois. Lundi soir, en effet, le collectif inter-urgences a voté la poursuite du mouvement, jugeant les propositions de la ministre « insatisfaisantes ». Les grévistes réclament 10 000 emplois supplémentaires, 300 euros d’augmentation de salaire et « zéro hospitalisations brancard », là où « l’enveloppe de 15 millions proposée revient à une personne de plus par jour pendant 60 jours dans les 524 services d’accueil des urgences publics », se désole le collectif.

Ce dernier revendique désormais 119 services en grève sur le territoire et prévoit une nouvelle action nationale le 20 juin devant les ARS. Il appelle à manifester avec les organisations syndicales le 2 juillet.
Un constat critique partagé par le SYNCASS-CFDT, syndicat majoritaire des directeurs d’hôpital qui dénonce le « grand décalage face aux réalités » des mesures annoncées. « Ce ne sont pas quelques enveloppes, saupoudrées entre les établissements en grande souffrance, qui permettront de maintenir, durant l’été, des capacités d’accueil et d’hospitalisation supplémentaires, pour faire face à l’afflux de patients », a-t-il tancé.

Le Dr Pelloux réclame le retour des gardes obligatoires
En marge de cette réunion, le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), a épinglé la médecine de ville. « Il y a beaucoup de libéraux qui participent à la permanence de soins mais ils ne peuvent pas être… une portion congrue du système », a-t-il déclaré à quelques journalistes. « On est arrivé à un stade où il faut que chacun prenne sa part du travail. » Pour ce faire, l’emblématique urgentiste propose de « moderniser » le code de déontologie, seul moyen selon lui de « réformer quelque chose avec le monde libéral ». Il suggère d’y inscrire les gardes obligatoires pour tous les médecins, supprimées en 2004.
« Pas question de revenir en arrière ! », rétorque le Dr Jacques Battistoni, interrogé ce mardi par « le Quotidien ». Le président de MG France prévient qu’une telle modification serait une « régression ». Pour lui, le modèle du volontariat de la PDS est le seul « incitatif » pour organiser le système correctement. « C’est pour nous la garantie que cela ne se fait pas dans n’importe quelles conditions et que les gardes sont correctement valorisées », explique-t-il.

Pas d’invective

La CSMF n’a pas du tout apprécié les déclarations du médiatique urgentiste. « Je remercie le Dr Pelloux pour ses conseils mais je lui rappelle que nous n’avons pas attendu ses suggestions pour déjà prendre en charge de nombreuses urgences ressenties dans nos cabinets et nos établissements », a ironisé mercredi le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, devant la presse.
Pour le leader confédéral, la crise des urgences « ne se résoudra pas par des solutions nationales, des primes multiples, des budgets complémentaires et encore moins par des invectives, voire du mépris pour les médecins libéraux ». La médecine libérale est prête à prendre sa part dans cette réorganisation des urgences à condition de soutenir « ceux qui sont sur le terrain financièrement et organisationnellement ».
Cela passe à ses yeux par la mise en place rapide du numéro unique 116 117, le soutien à la régulation libérale lorsqu’elle existe en journée, l’élargissement de la permanence des soins ambulatoires (PDS-A) à la tranche 18 heures/20 heures et au samedi matin pour toutes les spécialités, y compris pour la PDS dans les établissements de soins et la majoration systématique des actes réalisés. « À l’invective, je préfère le dialogue et la complémentarité pour répondre aux besoins de la population partout dans de bonnes conditions et en respectant les médecins quel que soit leur statut », rétorque le néphrologue.