Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Lequotidiendumedecin.fr : Vaccin Covid, les raisons qui ont conduit Véran à maintenir le délai entre deux injections

Janvier 2021, par infosecusanté

Lequotidiendumedecin.fr : Vaccin Covid, les raisons qui ont conduit Véran à maintenir le délai entre deux injections

PAR CHARLÈNE CATALIFAUD -

PUBLIÉ LE 26/01/2021

Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) a publié samedi 23 janvier un avis en faveur du report de la deuxième dose de vaccin Covid de Pfizer/BioNTech à six semaines, Olivier Véran s’est exprimé à contre-courant de l’agence sanitaire ce 26 janvier. En l’absence de consensus scientifique, il a annoncé que les délais de 21 et 28 jours devront être maintenus. Et appelle ainsi les acteurs de la vaccination à s’y conformer.

Dans le contexte de reprise épidémique, l’intérêt d’espacer les deux doses de vaccin jusqu’à six semaines (42 jours) est discuté en France et à l’étranger. Ce report permettrait à davantage de Français d’être primovaccinés en février, quand le maintien du délai à trois ou quatre semaines impliquerait de réserver une part importante des doses aux rappels.

Un bénéfice mineur sur le rythme de la vaccination

En vue « d’élargir la couverture vaccinale des personnes prioritaires », l’Agence du médicament (ANSM) estimait, dans un avis du 7 janvier, que le rappel du vaccin Comirnaty pouvait être administré entre 21 et 42 jours après la première dose (délai limite dans les essais cliniques). Et si la HAS a souligné les incertitudes dans son rapport, elle s’est prononcée, elle aussi, en faveur d’un changement de schéma vaccinal avec un délai de six semaines entre les doses.

Si le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, a reconnu la force des arguments avancés, il s’est aussi attaché à les « relativiser ». Ainsi, il rapporte un bénéfice mineur sur le rythme de la vaccination : « si on poursuit dans le temps l’analyse de la modélisation du nombre de personnes vaccinées avec cet espacement des doses, on s’aperçoit que quelques semaines plus tard, fin mars-début avril, le nombre de personnes vaccinées seraient le même in fine ».

Par ailleurs, « nous ne connaissons pas du tout l’effet d’un espacement à +J42 de la seconde dose sur l’intensité, le pic et la durée de protection », a-t-il poursuivi, craignant une réponse sous-optimale, en particulier chez les personnes les plus à risque. « Incidemment, cette réponse immune sous-optimale pourrait faire diminuer, peut-être, l’induction de la protection face aux nouveaux variants », met-il en garde.

Absence de données sur l’efficacité à long terme de la première dose

Il n’existe aucune donnée scientifique non plus sur l’efficacité à long terme de la première dose, « ce qui est un point critique si l’on veut s’assurer que l’espacement ne comporte pas de risque », estime le Pr Fischer. Selon des chercheurs israéliens, la protection contre la maladie chez les 60 ans et plus n’est que de 33 % entre les deux doses, tandis que les essais de phase 3 rapportent une efficacité entre deux doses de l’ordre de 50 % pour les vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna. « Ce sont des données préliminaires, donc il faut être prudent, mais cela suggère que la protection pourrait être moins efficace chez les sujets plus âgés », souligne-t-il.

Autre point de vigilance, une seule injection ne semble entraîner qu’une faible dose d’anticorps neutralisants, « qui sont probablement importants pour la protection », précise le Pr Fischer, rappelant ainsi l’importance du rappel. Si aucune infection n’a été constatée en cas de deuxième dose à six semaines, l’effectif était trop faible pour en tirer des conclusions, a-t-il expliqué.

D’un point de vue logistique, un changement de calendrier vaccinal obligerait à recontacter toutes les personnes primovaccinées, ce qui risquerait d’entraîner des difficultés de mise en œuvre de la vaccination. Et le risque d’autoriser un tel espacement est aussi qu’il soit dépassé en pratique. « D’expérience personnelle, en tant que praticien, lorsqu’on applique un schéma temporel d’administration d’un médicament ou d’un vaccin, on sait que celui-ci n’est pas strictement respecté. Et si l’on dit que le vaccin doit être administré après six semaines, il y aura un certain nombre de personnes qui auront le vaccin après sept semaines, voire plus », redoute le Pr Fischer.

Le choix de la sécurité

Olivier Véran a de son côté ajouté que plus le délai entre les deux doses était long, plus le risque était grand que la deuxième injection soit « oubliée » ou « manquée ». « Toutes ces données, partagées par beaucoup d’experts en Europe et aux États-Unis, nous font considérer avec une certaine prudence, une certaine réticence l’idée de l’espacement », a conclu le Pr Fischer.

Évoquant les inconnues et les incertitudes, Olivier Véran a assuré faire le « choix de la sécurité des données validées dont on maîtrise la pleine compréhension », en l’absence de consensus scientifique, n’oubliant pas de remercier malgré tout « les uns et les autres pour leur approche et leur abord de cette problématique extrêmement complexe ». Après un début de campagne vaccinale critiquée, le ministre de la Santé s’est par ailleurs félicité que la France soit désormais dans « le peloton de tête européen » en termes de rythme de vaccination.