Le chômage

Les Echos - Assurance-chômage : une réforme au détriment des plus précaires

Juin 2016, par Info santé sécu social

Gilles de Labarre Président de Solidarités Nouvelles face au Chômage

Le 03/06:2016 à Alors que l’assurance-chômage s’enfonce dans les déficits, les partenaires sociaux envisagent un changement des règles d’indemnisation. Une réforme qui ne peut se faire qu’au détriment des personnes qui sont dans les situations les plus précaires.

Afin de diminuer les charges de l’assurance-chômage, les partenaires sociaux envisagent un changement de la règle générale de calcul qui réduirait l’indemnisation des personnes alternant chômage et courtes périodes de travail. Le système actuel de l’assurance-chômage offre une certaine garantie de revenu aux chercheurs d’emploi les plus précaires dont le parcours est constitué d’une alternance de périodes de travail et de chômage, en particulier les jeunes ayant des difficultés d’insertion, les seniors et les personnes sans qualification.

Pour eux, le dispositif existant permet d’être indemnisé dès que quatre mois de travail ont été accomplis au sein d’une période de 28 mois. Cette garantie se trouve renforcée par un mécanisme de cumul partiel d’allocations et de rémunérations du travail, destiné à inciter à la reprise d’activité y compris de très courte durée.

Changer le mode de détermination des droits

Ces enchaînements de périodes de travail et de chômage ont été récemment jugés sévèrement : des abus, commis aussi bien par les chercheurs d’emploi que par les employeurs, seraient responsables du déficit de l’assurance-chômage. Sur la base de ce diagnostic fort contestable, l’Unedic envisage de changer le mode de détermination des droits selon deux règles.

La première propose que la durée d’activité requise pour l’ouverture des droits soit établie sur la base des jours de travail effectif dans la limite de cinq jours par semaine, et non plus en fonction de la durée des contrats de travail. Quant à la deuxième, elle envisage une option selon laquelle les allocations seraient versées en fonction du rythme d’acquisition des jours de travail effectif sur les 12 mois précédant la perte d’emploi. Celui qui aurait, par exemple, travaillé 168 jours sur 12 mois ne serait indemnisable que 14 jours par mois (168/12=14) au lieu de 30 ou 31 jours.

Ces nouvelles règles de calcul envisagées conduiraient à une baisse importante des niveaux d’indemnisation pour les personnes dont l’activité est constituée de contrats de travail de très courte durée, soit les situations les plus précaires. L’effort redistributif de l’assurance chômage en faveur de ceux dont les gains mensuels sont inférieurs à 2.150 euros serait par ailleurs quasiment supprimé. Pour eux, l’allocation serait ramenée au taux minimal de 57% de l’ancien salaire.

Une réforme qui priverait les personnes victimes du chômage du soutien dont elles ont besoin pour aboutir dans leur recherche d’emploi est évidement dangereuse, dans un contexte où la cohésion sociale est par ailleurs affaiblie.

Une couverture universelle

Il existe d’autres moyens à la fois plus justes et plus efficaces de résorber le déficit de l’assurance-chômage. L’instauration d’une assurance-chômage offrant une couverture universelle en fait partie. Aujourd’hui, l’assurance-chômage concerne uniquement les salariés du secteur privé subordonnés juridiquement à un employeur.

L’élargissement de l’assurance-chômage à ceux qui, bien qu’indépendants, donc non-salariés, sont subordonnés économiquement à une ou plusieurs entreprises faciliterait les transitions professionnelles. Cet élargissement devrait être complété par une extension de l’assurance-chômage à tous les salariés ou agents du secteur public.

L’effet de cette extension non seulement apporterait une meilleure protection aux contractuels du secteur public dont les droits en cas de privation d’emploi sont établis par leur propre employeur en tant qu’auto-assureur, mais apporterait aussi à l’assurance-chômage les ressources qui lui manquent.

Stop aux contrats courts

Pourquoi ne pas instaurer par ailleurs un malus à l’encontre des entreprises qui recourent aux contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée ? Certes en juillet 2013, une majoration des contributions patronales d’assurance-chômage a été mise en place en cas de recours à des CDD n’excédant pas 3 mois. Mais les résultats ne sont pas probants.

Pour que cette mesure ait un effet sur la gestion de la main-d’oeuvre, il convient de fixer un niveau de majoration des contributions dissuasif pour tous les contrats courts, y compris les contrats de travail temporaire (intérimaires), exclus eux du dispositif de majoration existant.

Si l’assurance-chômage doit soutenir ses bénéficiaires dans leur retour à l’emploi, elle n’a pas à compléter la rémunération d’une personne qui exerce une activité dont l’intensité est élevée, soit un nombre élevé d’heures de travail concentré sur quelques jours par semaine.

Des bonifications de droits

La fixation d’une limite horaire dans les règles de calcul contribuerait à neutraliser les utilisations abusives et ainsi à maintenir un dispositif dont la vocation doit être le soutien à la réinsertion professionnelle et non le versement d’un complément de revenu.

Enfin, il importe que l’assurance-chômage s’implique davantage pour soutenir les chômeurs dans leur parcours en prévoyant notamment des possibilités de bonification de droits avec le concours des fonds de la formation professionnelle.

Ces bonifications permettraient notamment d’allonger la durée d’indemnisation pour la réalisation des actions considérées nécessaires à l’amélioration de la capacité professionnelle des chercheurs d’emploi concernés. Tous ces éléments de droits attachés à l’assurance-chômage devraient trouver leur place au sein du compte personnel d’activité (CPA) .

Enfin, il faut rappeler que l’assurance-chômage consacre 10% de ses ressources – soit 3,4 milliards d’euros par an – au financement de Pôle emploi. Elle en est le principal financeur, la part de l’État se limitant à environ 1,5 milliard par an. Un partage plus équilibré de la charge que représente ce financement, contribuerait pour une part non négligeable au retour à l’équilibre financier de l’assurance-chômage.

Gilles de Labarre est président de Solidarités nouvelles face au chômage & Jean-Paul Domergue a été directeur juridique de l’Unedic