Le financement de la Sécurité sociale

Les Echos - La sphère sociale redoute de devoir porter la « dette Covid »

Mai 2020, par Info santé sécu social

Le 19 mai 2020

La Sécurité sociale va voir son déficit plonger d’une quarantaine de milliards d’euros en un an. Le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale suggère de transférer à l’Etat la part de création de dette liée au coronavirus.

Attention à ne pas surcharger la barque sociale. Le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS), qui joue un rôle de gardien de la Sécurité sociale, de l’assurance-chômage et des retraites complémentaires, monte au créneau pour défendre la sphère sociale contre un brusque alourdissement de sa dette en 2020. Dans une note publiée lundi, il suggère que la « dette Covid » ne devrait pas échoir à ces organismes, mais à l’Etat.

Le déficit de la Sécurité sociale devrait être lesté d’une quarantaine de milliards d’euros supplémentaires en 2020, atteignant au moins 41 milliards d’euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse, a révélé en avril le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin. « Un choc annuel sans commune mesure avec les crises précédentes », rappelle le HCFiPS. La seule fois où on a vu une dégradation annuelle supérieure à 10 milliards, c’était en 2009. La Sécurité sociale s’apprête à voir son déficit porté à 10 % de ses dépenses, et l’assurance-chômage à 29 % (15 milliards).

Face à cette catastrophe, le HCFiPS propose de « clarifier ce qui relève d’aléas ’normaux’ de la conjoncture qui doivent pouvoir être gérés de manière autonome par la Sécurité sociale sans constituer de dette sur le moyen-long terme, et ce qui constitue des aléas ’exceptionnels’ de la conjoncture, dont l’ampleur rend plus difficile un pilotage par les outils de gestion de dette usuellement utilisés en matière de protection sociale ».

Un distinguo qui se justifie par la nature de la dette sociale, expose le Haut Conseil : comme elle découle de dépenses de fonctionnement (transferts et prestations sociales), elle est remboursée année après année sans coup férir via la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). A l’inverse, la dette de l’Etat, qui s’apparente plus à de l’investissement, « ne fait l’objet d’aucune mesure d’amortissement ».

L’absence de réserves financières
« La Sécurité sociale est très vertueuse, et consacre beaucoup d’argent au remboursement de sa dette. C’est normal. Mais vu l’ampleur du cataclysme, on peut se poser la question du remboursement intégral de la dette Covid », explique le président du Haut Conseil, Dominique Libault. Cela reviendrait probablement à repousser de huit ou neuf ans l’extinction de la Cades, en 2032-2033, sachant que le coût annuel de l’amortissement se monte à 17 milliards. En comparaison, l’Etat, qui ne rembourse pas le principal mais juste les intérêts, bénéficie de taux négatifs et sa facture, prévue à 37 milliards cette année, n’a pas augmenté au fil des ans alors que sa dette a été multipliée.

Il y a assurément un arbitrage budgétaire à faire, alors que les organismes de protection sociale vont avoir besoin de dégager des ressources supplémentaires pour revaloriser les soignants, investir dans le système de santé et le grand âge, panser les plaies de la crise économique qui s’annonce.

Au passage, le Haut Conseil égratigne à nouveau la décision prise en 2017 par le gouvernement d’obliger la Sécurité sociale à combler le déficit de l’Etat en cas de retour à meilleure fortune, hanté par l’idée qu’une cagnotte puisse se constituer et soit aussitôt dilapidée. « Compte tenu de ce changement de doctrine, fondé sur la crainte d’excédents qui ne se sont jamais matérialisés et qui pourrait être réinterrogé au vu des événements récents, la Sécurité sociale s’est retrouvée début 2020 dans une situation moins favorable qu’elle n’aurait pu l’être », écrit le Haut Conseil.

Dans son précédent rapport, il avait plaidé pour la constitution de réserves sociales en cas de coup dur. En vain.

par Solveig Godeluck