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Les Echos - Retraites : le non-dit de la réforme

Octobre 2018, par Info santé sécu social

Le gouvernement et les syndicats assurent qu’il n’y a plus de besoin de financement à combler. Mais ce présupposé s’appuie sur des prévisions économiques optimistes et une baisse programmée du niveau de vie des retraités relativement aux actifs.

Le gouvernement n’a pas encore dévoilé ses cartes sur la réforme des retraites, mais les esprits s’échauffent déjà du côté des syndicats. La CGT et FO, incapables de rassembler des foules dans la rue, attendent l’étincelle, grâce à ce chantier traditionnellement mobilisateur. Les syndicats réformistes sont dans une position plus constructive, mais tous posent une condition stricte : pas question de toucher à l’âge légal de départ à 62 ans, directement ou indirectement – via une décote temporaire jusqu’à un « âge pivot » à fixer .

L’argument est simple : il n’y a plus de besoin de financement à combler. Le Haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye ne dit pas autre chose, en soulignant qu’il ne s’agit pas d’une réforme visant à réaliser des économies, mais à assurer davantage d’équité . Et de fait, bâtir un régime universel ne sera pas une mince affaire au vu des différences actuelles, et cette ambition sans précédent doit être saluée.

Le présupposé de départ sur l’équilibre financier présente néanmoins de gros risques. D’abord, parce que les prévisions du Conseil d’orientation des retraites s’appuient sur des hypothèses économiques optimistes – en prévoyant en particulier des gains de productivité très supérieurs à ceux des dix dernières années. Ensuite, elles soulignent que l’équilibre des régimes ne serait obtenu durablement que grâce à une forte baisse du niveau de vie des retraités, comparativement à celui des salariés . Pour une raison simple : la valeur des trimestres cotisés (ou des points accumulés, dans le futur système) est indexée sur les prix, qui progressent moins vite que les salaires.

Cette évolution, déjà enclenchée, est relativement indolore aujourd’hui car les personnes qui partent à la retraite ont de meilleures carrières que leurs aînés. Mais elle n’apparaît guère tenable à long terme. La proportion de retraités sous le seuil de pauvreté, qui a chuté ces trente dernières années, remonterait sensiblement.

Les règles d’indexation en débat
Il faudra donc tôt ou tard revoir ces règles d’indexation. Ce qui changera l’équation financière. Mais pour l’heure, tout le monde fait comme si le problème n’existait pas. Ce non-dit est dangereux. Comme toujours en matière de retraite, il est important d’anticiper les problèmes et de prendre des mesures longtemps à l’avance, afin qu’elles soient plus indolores. Pour avoir trop tardé, la France a dû relever brutalement l’âge légal de départ de 60 à 62 ans, quand les autres Etats européens – qui sont quasiment tous à 65 ans ou plus – planifient ces évolutions sur le long terme. Si la réforme doit viser avant tout l’équité, sa dimension financière ne saurait être occultée. Sauf à se préparer des lendemains difficiles.