Segur de la santé (Mai Juillet 2020)

Les Echos : Transformation du système de santé : Olivier Véran desserre l’étau sur les hôpitaux

Juillet 2020, par infosecusanté

Les Echos : Transformation du système de santé : Olivier Véran desserre l’étau sur les hôpitaux

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a clos les 50 jours de concertation du « Ségur » ce mardi. Il a annoncé une trentaine de mesures pour réinvestir dans l’hôpital et accélérer le plan Ma santé 2022, et veut rompre avec certaines rigidités et la technocratie. Ces annonces ont été bien accueillies.

Par
Solveig Godeluck

Publié le 21 juil. 2020

Tirer les leçons de la crise du Covid-19 . C’est dans cette optique que le ministre de la Santé, Olivier Véran, a conclu la concertation Ségur, qui a duré 50 jours, par une trentaine de mesures structurantes visant à réinvestir dans l’hôpital et à réorganiser le fonctionnement du système de santé. « Nous avons voulu changer de braquet et accélérer dans tous les domaines de transformation de notre système de santé », a-t-il expliqué.

De fait, le Ségur reprend et amplifie les grands axes de la stratégie Ma Santé 2022, dévoilée en septembre 2018 et déclinée il y a un an dans une loi, ainsi que des ordonnances et des textes réglementaires qui sont loin d’avoir été tous adoptés à ce jour. On y retrouve, pêle-mêle, plusieurs grands thèmes, tels que la structuration de l’offre de soins au niveau territorial, la coordination entre la ville et l’hôpital ou la réforme du mode de financement des soins, afin de moins dépendre du volume d’activité et d’accroître qualité et pertinence.

« Logiques renversées »
Mais il y a également des éléments nouveaux dans ce Ségur par rapport à tout ce qui a été entrepris par la prédécesseure d’Olivier Véran, Agnès Buzyn . A commencer par le déblocage du verrou financier qui paralysait depuis plus de dix ans les établissements. La semaine dernière, après une négociation expresse, les syndicats ont majoritairement approuvé un accord de revalorisations à hauteur de 8,2 milliards d’euros par an pour les hospitaliers publics et privés. Soit 183 euros nets par mois pour les salariés de la fonction publique hospitalière, et plus pour les soignants, ainsi que la possibilité de mensualiser des forfaits d’heures supplémentaires.

Ce sont « des sommes sans précédent », a souligné Olivier Véran , « mais ce n’est pas suffisant » pour répondre aux attentes des professionnels de santé et des Français : au-delà des revalorisations, avec ce Ségur, « nous renversons des logiques », a-t-il vanté. Le ministre a promis de « faire confiance » à l’hôpital, et aux acteurs de terrain en général.

Cela passe par l’assouplissement des procédures très technocratiques qui étouffent l’hôpital, notamment avec la possibilité d’ouvrir ou rouvrir 4.000 lits « à la demande », quand la grippe saisonnière (ou le coronavirus) s’invite. Le ministre a également promis la suppression du Copermo, ce comité de performance interministériel qui passe en revue les investissements hospitaliers et décide depuis Paris les restructurations et fermetures de lits, dans toute la France.

La suppression du Copermo, remplacé par un comité national de l’investissement en santé où siégeront des élus, est un énorme soulagement pour la Fédération hospitalière de France. « On sort de l’entre-soi des hauts fonctionnaires de Bercy », se réjouit son président, Frédéric Valletoux. De manière plus générale, la façon dont le plan d’investissement a été bâti, « avec une déconcentration des procédures, une plus grande confiance dans les territoires, une procédure nationale réservée aux gros investissements », témoigne à ses yeux d’une « nouvelle approche, moins nationale, moins techno ».

« Marges de liberté »
Au comité interhospitalier (CIH), qui représente la base des salariés de l’hôpital, le médecin Olivier Milleron est plus sévère sur le volet financier, qui ne répond pas aux attentes de 300 euros par mois pour tous les soignants. Mais il note tout de même « un vrai changement de ton par rapport à Agnès Buzyn » : « On nous disait que l’hôpital souffrait uniquement de problèmes d’organisation. A présent, nos remarques ont été prises en compte, sur la médicalisation de la gouvernance ou la réforme de la tarification, même si ce n’est pas toujours très précis ». Le CIH demande à être inclus dans le comité de suivi afin de s’assurer que ce ne sont pas des paroles en l’air.

Pour Martin Hirsch , le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ce Ségur, non seulement « change complètement la donne sur les rémunérations », mais représente aussi « un cadre différent plutôt qu’une litanie de mesures ». Dans ce nouveau cadre, les plus grands espoirs lui semblent permis : rouvrir des espaces de discussion et de négociation au sein de l’hôpital, via les heures supplémentaires, l’intéressement, mais aussi permettre aux établissements de choisir l’organisation qui leur convient le mieux. « Aujourd’hui, je ne peux pas mettre de représentant des usagers dans mon directoire », souligne-t-il, disposé à saisir les « marges de liberté » qui lui seront offertes. Deux écueils demeurent cependant, selon lui : l’administration pourrait chercher à refermer cet espace de liberté, et les hospitaliers les plus conservateurs refuser le changement. « La balle est dans notre camp », conclut-il.

Solveig Godeluck