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Les échos - Budget de la Sécurité sociale : ce que veulent les députés

Octobre 2016, par Info santé sécu social

L’examen du projet de loi débute ce mardi en séance plénière à l’Assemblée. CSG des retraités, liberté d’installation des médecins, tabac et alcool… : sur nombre de sujets, la majorité pourrait de nouveau faire preuve d’indiscipline.

L’arrivée mardi dans l’hémicycle à l’Assemblée du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat ne se présente pas sous les meilleurs augures pour le gouvernement. La semaine dernière, les députés lui ont tordu le bras sur le projet de loi de finances et ils devraient tenter d’en faire de même dans les prochains jours. Sur plusieurs questions, les rapporteurs du texte auront du mal à faire prévaloir le point de vue de l’exécutif.

CSG des retraités

Pour réparer les dégâts causés par les mesures du début du quinquennat, qui ont appauvri de nombreux retraités modestes, les députés ont choisi d’exonérer de CSG 480.000 d’entre eux. En commission des Affaires sociales à l’Assemblée, ils ont voté un amendement déposé par Valérie Rabault, rapporteure PS du projet de loi de finances. Mais cette dernière n’est qu’à moitié satisfaite et elle a promis de soumettre à nouveau au vote une variante de ce dispositif, bénéficiant au total à 910.000 retraités modestes : à côté des retraités exonérés, 430.000 d’entre eux bénéficieraient d’une CSG à taux réduit. Cette mesure coûterait 470 millions d’euros, contre 260 millions d’euros dans la version allégée, qui a les faveurs du gouvernement. Le rapporteur du budget de la Sécurité sociale, le député PS Gérard Bapt, qui a été tenu à l’écart de la réflexion de Valérie Rabault, devrait se ranger à l’avis du gouvernement.

Liberté d’installation des médecins

En commission, la députée PS et rapporteure de l’assurance-vieillesse Annie Le Houerou est parvenue à faire adopter une disposition qui limite la liberté d’installation des médecins. Un médecin libéral ne pourra s’installer dans une zone où ses confrères sont déjà nombreux qu’à condition que l’un de ces derniers cesse d’exercer. « Chez moi, dans les Côtes-d’Armor, on manque de généralistes, parce que leur répartition sur le territoire est problématique. Je ne touche pas à leur liberté d’installation, je défends le droit de chacun à avoir accès à un médecin », plaide la députée. Selon elle, la « carotte » des aides à l’installation (maisons de santé pluridisciplinaires, bourses d’études, statut de praticien territorial de médecine générale ou ambulatoire, exonération de cotisations sociales) et le développement des stages en cabinet libéral pour les étudiants ne suffisent pas : il faut aussi manier le « bâton » du conventionnement sélectif. Mais la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a toujours promis qu’il n’y aurait pas de limitation à la liberté d’installation.

Chômeurs entrepreneurs

Conditionner les prestations sociales au niveau de revenu, pour des raisons de justice sociale. C’est une politique qui se conçoit pour les allocations familiales, mais qui passe moins bien lorsqu’elle touche les chômeurs. Le gouvernement a prévu d’économiser 30 millions d’euros en réservant l’Accre aux revenus inférieurs à 38.616 euros par an et en la rendant dégressive à partir de 19.308 euros. Ce dispositif permet d’exonérer de cotisations sociales les demandeurs d’emploi qui créent leur entreprise. En commission, la copie du gouvernement a été recalée. Le rapporteur Gérard Bapt va défendre un compromis : la dégressivité ne commencerait qu’à partir de 28.962 euros. Mais la gauche risque de se déchirer sur ce sujet.

Tabac et alcool

L’augmentation des taxes sur les produits addictifs, votée en commission, ne passera pas facilement la rampe de l’hémicycle, où les lobbies sont puissants. Le gouvernement souhaite accroître de 15 % la pression fiscale sur le tabac à rouler. Le prix du paquet de 30 grammes augmenterait de 1,10 euro, à 8,60 euros. Cette taxe doit rapporter 120 millions d’euros, presque autant que la nouvelle taxe de 5,6 % sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac estimée à 130 millions d’euros. Pour éviter que cette « taxe Logista » (du nom de l’entreprise qui détient 98 % du marché) ne pénalise les distributeurs indépendants, Gérard Bapt a prévu un abattement d’assiette de 5 millions d’euros. Michèle Delaunay, rapporteure de l’assurance-maladie, devra aussi défendre les mesures qu’elle a fait adopter en commission : alignement de la fiscalité du tabac en Corse sur celle du continent et hausse des droits perçus sur les alcools titrant plus de 18 %, ce qui rapporterait 5,2 millions d’euros.

Plates-formes collaboratives

L’exécutif veut fixer des seuils de professionnalisation pour les travailleurs indépendants et les contraindre à s’enregistrer au régime social des indépendants (RSI) à partir d’un certain niveau de revenus : 23.000 euros par an pour louer son appartement, 3.860 pour sa voiture ou sa tondeuse... Le député PS Pascal Terrasse, dont le rapport sur les plates-formes avait été salué par le gouvernement, considère que l’heure n’est pas venue de légiférer. Gérard Bapt va chercher à rallier la majorité en doublant le seuil le plus bas.

Solveig Godeluck, Les Echos