Industrie pharmaceutique

Lexisnexis.fr - Novartis et l’industrie pharmaceutique sous les feux des projecteurs !

Mai 2017, par Info santé sécu social

Publié dans Anti-k.org

Les allégations récentes selon lesquelles Novartis aurait soudoyé des médecins en Grèce rappellent que l’industrie pharmaceutique présente un risque élevé de corruption. Pour rappel, la Grèce vient de lancer une enquête contre le groupe pharmaceutique Suisse pour allégation de corruption. « Un grand nombre de fonctionnaires de l’Etat sont impliqués … « , déclarait Stavros Kontonis, le ministre de la justice Grecque à l’agence de presse ANA, début avril.

A la lumière de cette actualité, je souhaite donc examiner dans ce post les raisons pour lesquelles cette industrie présente a priori des risques élevés de corruption et quelles mesures devraient être mises en place pour les atténuer et rester en conformité avec les différentes législations locales et internationales. Mais avant, rappelons quelques chiffres et quelques faits.

Les nouveaux marchés pour les produits pharmaceutiques augmentent le risque de corruption et de scandales de pots de vins.

Décembre 2016 : les autorités grecques lancent une enquête pour corruption contre la société pharmaceutique suisse Novartis. Au cours de l’enquête, le ministre de la Justice de Grèce, comme cité ci-dessus, affirme que Novartis aurait soudoyé « des milliers » de médecins et de fonctionnaires pour promouvoir ses produits. Une accusation, qui est loin d’être nouvelle ; au cours des deux dernières années, Novartis a en effet fait l’objet de cinq poursuites pour allégation de corruption et de versement de pots de vins.

Novartis : plus de 463 millions de dollars d’amende versés depuis 2015

En 2015, Novartis est condamné à payer une amende de 390 millions de dollars pour avoir soudoyé des pharmacies aux États-Unis afin qu’elles prescrivent certains médicaments à leurs patients.

En mars 2016 cette fois, Novartis est contraint de verser 25 millions de dollars à la Securities and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis pour avoir soudoyé des professionnels de la santé en Chine pour augmenter ses ventes.

En août 2016, Novartis est cette fois-ci entendu par les autorités turques après qu’un dénonciateur anonyme ait allégué que des pots-de-vin auraient été versés par la société suisse pour remporter un contrat public de 85 millions de dollars. À ce jour, ces allégations demeurent infondées.

En août 2016, la Corée du Sud transmet des actes d’accusation à six anciens et actuels employés de Novartis pour avoir fait des « rabais » à certains médecins afin de booster la vente de certains médicaments. L’investigation s’est poursuivie jusqu’en avril 2017 date à laquelle, comme le rapporte la FCPA sur son blog, la Corée du Sud a non seulement condamné Novartis à payer une amende de 48,3 millions et a aussi suspendu la couverture de l’assurance pour plusieurs médicaments de l’entreprise.

Tout savoir sur les principales lois, normes et directives en matière de conformité en France et à l’étranger

Un secteur sous haute surveillance

Novartis n’est pas la seule entreprise du secteur à avoir été confrontée à des allégations de corruption et de versements de pots de vin au cours des dernières années. En 2012, Pfizer a dû verser 60 millions de dollars aux États-Unis, suite aux agissements de ses filiales à l’étranger : celles-ci ont été accusées d’avoir soudoyé des responsables de la santé afin d’obtenir l’approbation réglementaire de médicaments de l’entreprise – étape cruciale commercialement – ceci dans 12 pays.

En 2015, Bristol-Myers Squibb de son côté a accepté de payer plus de 14 millions de dollars pour que les charges de corruption qui pesaient sur la société, soient abandonnées. L’affaire impliquait des hôpitaux publics en Chine.

Plus récemment en 2016, Teva Pharmaceutical s’est vu infliger par la SEC et le DOJ, l’amende la plus importante subie par une entreprise du secteur – un accord de poursuite différé d’un montant de 519 millions de dollars – pour avoir enfreint le FCPA en Ukraine, au Mexique et en Russie.

Les 3 principales raisons pour lesquelles, le risque de non-conformité est élevé dans le secteur pharmaceutique

Aucune industrie n’est à l’abri de la corruption et des scandales de pots de vin, mais l’industrie pharmaceutique est particulièrement exposée, ceci pour plusieurs raisons.

1. Marchés émergents : risque et récompense vont souvent de pairs, et c’est particulièrement le cas quand on veut développer ses activités dans des marchés nouveaux ou en pleine expansion. Certains de ces pays peuvent non seulement avoir des lois moins strictes en matière de corruption voir même disposer d’une « culture » dans laquelle la corruption est une partie inhérente à la « bonne réalisation des choses ». Eviter ces pays est inenvisageable pour toute entreprise souhaitant se développer. Avec une population de 1,3 milliard d’individus, la Chine est ainsi le deuxième marché pour le secteur pharmaceutique. Il faut donc rester vigilants et garder en tête les législations internationales. En 2016, 5 des 7 établissements poursuivis dans le cadre de la FCPA, l’ont été pour violations commises en Chine ou en Russie.

2. Définition large des fonctionnaires étrangers : les entreprises pharmaceutiques ont un contact régulier et direct avec les médecins, les pharmaciens et les administrateurs des hôpitaux ; cela ne semble pas risqué. Pourtant, dans de nombreux pays étrangers, les établissements de santé sont détenus et gérés par l’État. En conséquence, de nombreux prestataires de soins de santé de ces pays, sont légalement classés comme des fonctionnaires étrangers en vertu de la définition de la FCPA. Le versement de paiement non autorisé à ce type de groupe, est donc considéré comme un acte de corruption et donc sujet à de potentielles poursuites.

3. Marketing fondé sur les récompenses : les médecins et les administrateurs de soins de santé étant considérés comme des responsables étrangers, les efforts de commercialisation des entreprises peuvent les exposer à plus de risques. Ce que l’entreprise considère comme du marketing est parfois considéré par un régulateur comme un acte de corruption lorsqu’il s’agit de repas, de cadeaux, d’argent ou encore d’invitations à des spectacles. La loi est stricte en matière de corruption.

Quelles bonnes pratiques adopter ?

Il existe des signes selon lesquels les entreprises reconnaissent de plus en plus l’importance des procédures de conformité particulièrement dans les régions à risque élevé. Suite au règlement des allégations de corruption en Chine, Bristol-Myers Squibb a ainsi annoncé qu’elle avait changé ses procédures dans le pays. Glaxo Smith Kline a également tenté de réduire le risque de corruption en Chine en réduisant le lien entre les ventes et la rémunération de ses représentants, en arrêtant le paiement des frais de parrainage aux médecins et en enquêtant plus attentivement sur les dépenses de ses employés. Récemment, le responsable de la conformité et de l’éthique de Novartis, Shannon Klinger, a déclaré dans une interview que la société envisageait de passer d’une politique de « répression » au coaching, avec la mise en place d’une unité de conformité missionnée pour aider les unités locales à prendre les bonnes décisions.

Mais les changements de politique seuls ne peuvent pas totalement atténuer le risque de non-conformité. Lorsqu’une entreprise considère qu’un tiers a un faible risque de corruption, une recherche de due diligence simple peut suffire. Mais pour mener ce type d’investigation même si les niveaux de risques sont faibles, vous ne pouvez pas vous appuyer uniquement sur les résultats fournis par les moteurs de recherche Internet gratuits. Ceci pour deux raisons :
1.Vous devez vous assurer de la véracité des informations trouvées ;
2.En raison d’une législation comme la loi du « droit à l’oubli » de l’Union européenne, vous pouvez manquer des informations essentielles.

Pour des niveaux de risque plus élevés, lorsqu’une entreprise opère ou s’appuie sur des tiers dans d’autres pays par exemple, la nécessité d’une diligence raisonnable accrue s’impose, cela inclut la vérification des listes de sanctions, des PEP et d’autres listes de surveillance -.

Les entreprises pharmaceutiques bataillant pour l’acquisition de parts de marché dans des pays émergeants doivent considérer les due diligences raisonnables comme un levier de croissance stratégique. Dans le cas contraire, comme nous l’avons vu dans ce post, avec Novartis ou d’autres sociétés du secteur, elles prennent un risque considérable en matière économique, financier et réputationnel.


Xavier Simon __
Xavier SIMON est à la tête du développement produits et contenus chez LexisNexis BIS, groupe international spécialisé depuis 30 ans dans les solutions de Due Diligence (Listes de PPE, sanctions, décisions juridiques, négative news…) et de Media Monitoring. LexisNexis BIS compte plus de 9.000 clients dans le monde.