Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

Libération - Au rapport. Et si la Sécu remboursait les consultations chez les psychologues ?

Février 2021, par Info santé sécu social

Dans un rapport rendu public ce mardi, la Cour des comptes préconise de permettre aux généralistes de prescrire des séances chez des psychologues libéraux, et plus globalement, de revoir l’organisation des soins psychiatriques en France.

par Eric Favereau
publié le 17 février 2021

Des rapports au chevet de la psychiatrie : tous les ans ou presque, il y en a un. Cette année, c’est au tour de la Cour des comptes de se pencher sur « les parcours dans l’organisation des soins en psychiatrie », dans un travail, rendu public ce mardi. Et comme pour les autres rapports, le constat est fortement négatif. Des mots sévères : « L’organisation des soins en psychiatrie et en santé mentale apparaît déficiente : taux élevés d’hospitalisations inadéquates, réhospitalisations fréquentes et souvent sous contrainte, entrées par les urgences, rareté des suivis à domicile, enfin, importance des sorties d’hospitalisation sans continuité des soins, amenant à des ruptures de parcours dommageables pour les patients. »

De ce vaste rapport, retenons deux éléments qui sont aux deux bouts de la chaîne de l’univers de la santé mentale, l’un concernant les psychothérapies et l’autre sur les soins sans consentement. D’abord, un constat de bon sens que font les magistrats de la Cour des comptes. Il résonne fortement avec le mal-être ambiant que vit la société en ces temps de Covid : « Les gens sont fatigués, ils en ont assez, ce n’est pas pour autant qu’ils sont malades mais ils ont besoin d’aide », nous disait, à l’automne, le professeur Bruno Falissard, pédopsychiatre et professeur de biostatistique. Comment faire ? Depuis des années, on réfléchit à des dispositifs légers pour tenter de trouver des réponses. Formellement, aujourd’hui, la psychiatrie publique reste divisée par secteur géographique : chacun a ce que l’on appelle des centres médico-psychologiques (CMP), censés recevoir des patients lors de consultations. Et c’est là que des patients peuvent bénéficier de psychothérapies. Mais les CMP sont débordés, il faut des mois et des mois d’attente, et cela peut être particulièrement dangereux pour des personnes en grande détresse.

« Traiter au mieux les pathologies plus lourdes »
La Cour des comptes propose de changer ce dispositif, se disant favorable au remboursement par la Sécurité sociale des séances chez des psychologues libéraux, qui seraient alors prescrites par le médecin traitant. Déjà quatre départements le font déjà à titre expérimental depuis deux ans, sous l’égide de l’assurance maladie. « Au vu des nombreux éléments déjà disponibles (20 000 patients impliqués, 200 000 séances remboursées), il paraît possible de généraliser cette expérimentation », écrivent les magistrats. Cette mesure permettrait « de désengorger les CMP, ce qui leur permettrait de traiter au mieux des pathologies plus lourdes ». Selon la Cour des comptes, un tiers des séances s’adressent aujourd’hui à des patients qui pourraient parfaitement être soignés par la « première ligne », via leur médecin généraliste. Dans ce nouveau dispositif, ce généraliste évaluerait son patient : il pourrait prescrire dix séances chez un psychologue, avec l’accord préalable de l’assurance maladie. Pour dépasser dix séances, il devrait demander l’avis d’un psychiatre.

Dans sa réponse à la Cour, le ministre de la Santé se montre ouvert : « La mise en place d’un dispositif de première ligne reposant sur un binôme médecin généraliste-psychologue a constitué une priorité de l’année 2020 », a expliqué ainsi Olivier Véran, en rappelant que la mesure 31 du Ségur de la santé de juillet visait justement à développer des consultations par des psychologues, prises en charge par l’assurance maladie. A voir si cela se confirme dans les faits.

Le boom des soins sans consentement

Autre volet du rapport, à l’opposé du spectre car il concerne des patients beaucoup plus lourds : la Cour des comptes note la progression inquiétante des soins sous contrainte. « Pour l’année 2018, les données nationales montrent que 80 420 patients, soit 26,1 % des patients hospitalisés à temps complet l’ont été au moins une fois dans l’année sous contrainte. Ce taux étant de 41,2 % pour les patients souffrant de troubles psychotiques », note le rapport.

Ce taux est à la fois impressionnant et inquiétant. « Depuis 2012, on note une hausse sensible du recours aux soins sans consentement… Cela traduit un manque de coordination, de suivi et de disponibilité en cas d’aggravation de la situation pour le patient. De nombreux patients arrivent ainsi par les urgences générales, alors même qu’ils étaient connus et suivis par le secteur psychiatrique, qui n’a pas eu connaissance de cette entrée, détaillent ainsi les magistrats. Or la probabilité d’hospitaliser sous contrainte un patient est plus élevée si on ne dispose d’aucune information le concernant. »

Au vu de ces travaux, c’est tout le système de soins qui semble défaillant. Et en fin de compte, la fameuse alliance thérapeutique ente le malade et le médecin est mise à mal. Ce rapport aborde bien d’autres aspects, comme ses dizaines de milliers de patients qui restent encore de long mois hospitalisés, sans grand bénéfice clinique. En janvier, Emmanuel Macron avait annoncé la tenue avant l’été d’« assises de la psychiatrie et de la santé mentale », avec un axe dédié à l’enfance. Des assises qui auront bien du travail si elles se tiennent.