Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Castex met la com, pas la gomme

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Par Nathalie Raulin et Anaïs Moran
LE 11/09/2020

Amélioration de l’accès au dépistage, réduction du temps d’isolement… Vendredi, le Premier ministre n’a pas fait d’annonces majeures à l’issue du Conseil de défense, malgré la pression du Conseil scientifique qui appelait à des « décisions difficiles » face à la reprise de l’épidémie.

Un Conseil de défense qui accouche d’une souris… mais un Premier ministre pour le dire. Vendredi, c’est finalement à Jean Castex qu’il est revenu d’annoncer un petit renforcement des trois piliers de la stratégie de riposte anti-Covid : le dépistage des personnes infectées, le traçage des cas contacts et l’isolement des sujets malades et à risque.

La veille, Emmanuel Macron, tout à son souci de permettre aux Français de « continuer à vivre », avait averti que « ce ne serait pas le grand soir ». Mais difficile de faire abstraction de la pression scientifique et sanitaire, qui monte. Celle du président du Conseil scientifique, qui a pressé mercredi le pouvoir politique de prendre « des décisions difficiles » et ce « dans les huit à dix jours ». Celle de Santé publique France qui, jeudi, dans son point épidémiologique hebdomadaire, a alerté sur la « nette dégradation de la situation ». Cela faisait écho au SOS lancé par les hôpitaux publics de Marseille, débordés face à une épidémie qui « progresse de jour en jour », notamment en région Paca.

Dans ce contexte, laisser au ministre de la Santé, Olivier Véran, le soin d’annoncer les mesures techniques et localisées discutées à l’Elysée risquait d’accentuer le sentiment d’une mésestimation de la crise. Et d’aller à l’encontre du message qu’entend faire passer le chef du gouvernement aux Français : plus que jamais, respect des gestes barrières et responsabilité individuelle doivent être de rigueur. « Pour quelques mois encore, nous devons faire preuve d’une responsabilité de tous les instants, d’un civisme exigeant, a martelé Castex. Nous devons apprendre à vivre avec [le virus], sans entrer à nouveau dans une logique de confinement généralisé. » Le gouvernement préfère pour l’heure colmater les brèches apparues dans sa stratégie sanitaire post-confinement.

Prioriser le dépistage

« Parfaitement conscient » de la problématique d’accès aux tests (un million par semaine) et des « temps d’attente trop importants », l’exécutif va logiquement donner la priorité aux individus présentant des symptômes, les cas contacts et les personnels soignants. Ils bénéficieront de créneaux horaires spécifiques dans les laboratoires et de « tentes de dépistages […] dédiées ».

2 000 recrutements
En décidant de renforcer le nombre d’enquêteurs des agences régionales de santé et de la Caisse nationale d’assurance maladie chargés de remonter les chaînes de contamination - 2 000 personnes seront recrutées -, le Premier ministre veut remédier à un « trou dans la raquette de traçage ».

Jeudi, Santé publique France a en effet relevé que « la proportion de cas positifs et de personnes contacts effectivement contactées chaque semaine par les services de l’assurance maladie a diminué tout au long du mois d’août ». Une évolution qui, selon l’agence, s’explique par des « difficultés à recueillir les coordonnées », « des mobilités durant les périodes de vacances », mais aussi par « de faibles effectifs dans certains territoires », alors que le nombre de personnes à contacter est en hausse constante. Bilan : parmi les nouveaux cas positifs détectés, moins d’un sur cinq (19 %) était le contact identifié d’un cas déjà connu, signe que la majorité des cas survient « en dehors des chaînes de transmission documentées ».

Isolement de sept jours

Les quatorze jours de mise à l’abri recommandés en cas d’infection par le Covid ou de suspicion d’infection étaient peu respectés. D’où la volonté du Conseil scientifique d’aligner la durée recommandée de mise à l’abri des testés positifs et de leurs cas contact sur la durée moyenne de contagiosité des personnes infectées.

Son président, Jean-François Delfraissy, penchait pour sept jours, « une durée plus courte, acceptée et respectée, sachant qu’au bout de huit jours le risque de contamination est faible ». Mais pour obtenir l’adhésion des citoyens, le Conseil invitait l’Etat à prendre des mesures de soutien financier (arrêt de travail sans période de carence, prime de compensation de perte de revenu, etc.). De cela, Castex n’a pas dit mot. Et plutôt que la carotte, il a agité le bâton : « Il est primordial que chacun respecte strictement cette durée d’isolement, ce qui donnera lieu à des contrôles. »

Agir local

Fervent promoteur de mesures « adaptées et graduées » à l’échelle locale, le Premier ministre a indiqué avoir demandé aux préfets de Gironde, des Bouches-du-Rhône et de la Guadeloupe un « ensemble de nouvelles mesures complémentaires », d’ici lundi. Car si, désormais, 42 départements sont classés rouges, ces trois-là affichent une « évolution des contaminations préoccupante », a indiqué Jean Castex. Sachant que leurs hôpitaux sont déjà en tension.

Nathalie Raulin , Anaïs Moran