Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Confinés, les Français ne se sont pas assez soignés

Juin 2020, par Info santé sécu social

26 juin 2020

Les médecins le redoutaient, c’est désormais une réalité documentée. Dans un rapport soumis jeudi à son conseil d’administration, l’assurance maladie pointe « une chute majeure, très rapide et durable » du recours aux soins - autres que ceux liés au coronavirus - sur l’ensemble du territoire durant la période de confinement.

De quoi lui laisser craindre un « report massif du fardeau de la maladie » qu’il faudra sans doute des mois pour résorber. « La perspective d’un retour à un niveau d’activité normal semble peu envisageable avant l’automne 2020 », précise le rapport.

Ce constat valable pour la presque totalité des secteurs de l’offre de soin, serait notamment prégnant en chirurgie. L’épidémie de Covid ayant fortement entamé les stocks de produits anesthésiques, les établissements de santé devraient être contraints dans les prochains mois de « prioriser les opérations qui répondent à une urgence vitale », au détriment par exemple de la chirurgie orthopédique. Chiffres en main, la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) étaye : durant les deux mois de confinement, sous l’effet conjugué de l’annulation ou de la déprogrammation des actes hospitaliers non Covid et, d’autre part, de la peur des patients de s’exposer au virus ou de « déranger » les soignants, l’activité des ophtalmologistes, des orthopédistes comme des chirurgiens dentistes a chuté de 80 % à 90 % par rapport aux années précédentes. De 60 % pour les médecins spécialistes ou les masseurs kinésithérapeutes. Même les généralistes et les sages-femmes enregistrent une baisse de 30 % des consultations. Si à compter du 11 mai, le non-recours délibéré aux soins s’estompe, il demeurait mi-juin nettement plus marqué qu’avant le confinement.

S’il est encore trop tôt pour évaluer les dégâts collatéraux du Covid sur la santé publique, les premières données ne prêtent guère à l’optimisme. Une étude de l’hôpital européen Georges-Pompidou avait déjà signalé un doublement des arrêts cardiaques extra-hospitaliers en Ile-de-France durant le confinement, aux conséquences parfois létales (le taux de patients décédés avant leur arrivée à l’hôpital passant de 12,8 % à 22,8 %). L’assurance maladie insiste, de son côté sur l’effet délétère du confinement sur la prévention. Ainsi, la vaccination a essuyé un sérieux recul : - 43 % pour les vaccins contre le papillomarivus (HPV) ou - 16 % pour le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole). Une autre source d’inquiétude est la baisse significative du dépistage du cancer colorectal : le nombre de tests analysés, de l’ordre de 75 000 par semaine début 2020, est tombé mi-mars sous les 5 000… Bilan : près de 182 000 endoscopies digestives et 700 000 interventions n’ont pas eu lieu. Dans son rapport, la Cnam formule plusieurs propositions pour faciliter le « rattrapage ». Notamment prolonger jusqu’à fin 2021 la prise en charge à 100 % des téléconsultations, qui ont culminé à un million par semaine lors du pic de Covid.