Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Coronavirus : « Il faut rester extrêmement vigilant »

Juin 2020, par Info santé sécu social

Par Anaïs Moran — 17 juin 2020

Si les situations sanitaires des deux pays sont différentes, les récents cas positifs au Covid dans la capitale chinoise agissent comme une mise en garde pour la France.

Que se passe-t-il à Pékin ? Après deux mois sans aucune infection déclarée au Covid-19, la capitale chinoise a observé en cinq jours l’apparition d’une centaine de nouvelles contaminations, laissant surgir la peur d’un rebond épidémique en Chine, à peine relevée du choc de la première vague. Preuve que ce phénomène résurgent est tout sauf pris à la légère : l’Organisation mondiale de la santé a d’ores et déjà indiqué suivre « de très près » la situation pékinoise et a même évoqué l’envoi d’experts supplémentaires dans les prochains jours. Une situation inédite (la mégalopole ayant été relativement préservée jusqu’alors) qui suscite forcément des interrogations, dont l’une plus inquiétante que les autres : y a-t-il de réelles raisons de s’inquiéter pour les Pékinois, la Chine et d’envisager les mêmes craintes pour la France ?

« Transmission »
« Tout ce que je peux dire à cette heure, c’est qu’il n’y a rien de surprenant à voir le virus continuer de circuler. La plupart des pays touchés n’ont pas éradiqué l’épidémie », rappelle Denis Malvy, membre du Conseil scientifique et infectiologue au CHU de Bordeaux. « Un cluster, en soi, ce n’est pas très grave. Ce qui est important, c’est de le repérer pour bien identifier les chaînes de contamination et maîtriser l’isolement des personnes, poursuit-il. Je ne connais pas le visage de ce qui fait le rebond pékinois. Si les 150 personnes positives n’ont pas de lien entre elles et sont dispersées dans la ville, ça peut être très inquiétant. Si les autorités chinoises savent "comment" et "par qui", ces habitants ont été contaminés, cela veut dire que l’épidémie reste sous contrôle. »

Un second scénario dans lequel se trouve actuellement la France : auditionné mardi par la commission d’enquête de l’Assemblée, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a fait état de 239 cas groupés sur le territoire depuis le 9 mai - « dont 6 nouveaux et 117 qui ne sont plus actifs » - sans qu’aucun ne soit sujet à une « transmission communautaire non contrôlée. »

« Il faut tout de même rester extrêmement vigilant, on est constamment sur un fil », temporise Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Impliqué dans le suivi épidémiologique pour l’AP-HP, le médecin indique que l’Ile-de-France (région la plus à risque au vu de sa densité de population) enregistre entre 80 à 100 nouveaux cas par jour.

« Dynamique »
« Comparé aux chiffres qui nous viennent de Pékin, on ne se situe pas non plus dans une autre galaxie, formule Renaud Piarroux. En revanche, c’est vrai que plusieurs facteurs nous différencient. D’abord parce que la capitale chinoise, par sa superficie, est une ville beaucoup plus à risque que toute la région parisienne réunie. Ensuite, il est possible que la dynamique en Chine soit de nouveau en augmentation, ce qui pour l’heure n’est pas le cas en France. Sans compter que nos politiques sanitaires sont extrêmement différentes. » Autrement dit : lorsqu’Emmanuel Macron lève dimanche les dernières restrictions pour un retour à la normale, Pékin referme de son côté ses établissements scolaires, ses salles de sport et la plupart de ses commerces.

« Le gouvernement chinois fait le choix d’agir très vite et très fort. Ça peut paraître disproportionné, mais je crois que cette stratégie leur a donné raison lors de la première phase de la pandémie », pointe le professeur de l’AP-HP. Qui conclut : « Tout cela doit nous rappeler combien nous devons rester attentifs. » L’infectiologue Denis Malvy est du même avis : « Il faut que nous restions dans un scénario de vigilance. Que la population continue de s’approprier les gestes essentiels dans les espaces confinés. Et que les autorités continuent de tester, tester, tester. »

Anaïs Moran