Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : l’aplomb dans l’aile de Boris Johnson

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Par Sonia Delesalle-Stolper, correspondante à Londres — 22 septembre 2020

Boris Johnson possède l’art de la formule. Parfois pourtant, ses envolées lyriques laissent perplexe, y compris ses propres députés conservateurs. Mardi, sur les bancs de la Chambre des communes, leur mine s’est allongée, entre stupéfaction et consternation. « Il y a une différence notable entre notre pays et les autres. Notre pays est amoureux de la liberté… Il est donc très difficile de demander à la population britannique d’obéir uniformément aux consignes d’une manière correcte », a déclaré le Premier ministre. Il répondait à la question d’un député travailliste qui lui demandait si le fait que le taux d’infections en Italie et en Allemagne reste modéré - comparé au Royaume-Uni - était lié à un système de test et de traçage très efficace. « Pas du tout », a donc expliqué Boris Johnson, tout est une question « d’amour de la liberté ».

Le Premier ministre venait d’annoncer de nouvelles mesures pour tenter d’enrayer la croissance des infections au Covid. Lundi, les deux conseillers scientifiques du gouvernement, Patrick Vallance et Chris Whitty, avaient prévenu qu’en l’absence de nouvelles restrictions sur les interactions sociales, le risque était d’arriver à 50 000 cas par jour d’ici le mois d’octobre. Au cours de la dernière quinzaine, le rythme des admissions à l’hôpital a doublé et le pays « a atteint un périlleux tournant », a dit Boris Johnson. Le nombre de nouvelles infections, mardi, a atteint 4 926, un record quotidien depuis le 7 mai. Lundi, le niveau d’alerte a été relevé d’un niveau, à quatre sur une échelle de cinq, ce qui signifie que la transmission du virus est élevée ou augmente à un rythme croissant.

Les mesures annoncées évitent pourtant un nouveau confinement strict. Ecoles et universités restent ouvertes. Mais les pubs, bars et restaurants seront soumis à un couvre-feu à 22 heures, dès jeudi. Par ailleurs, le port du masque sera généralisé pour le personnel et les clients, sauf une fois à table, ainsi que dans les taxis. Et les amendes en cas de non-respect des règles augmenteront (217 euros pour la première infraction). Les mariages ne pourront se tenir qu’avec un maximum de 15 personnes, mais les enterrements en toléreront 30. Le gouvernement avait déjà annoncé, en fin de semaine, l’interdiction de se rassembler à plus de six personnes, que ce soit chez soi ou dans un pub, un restaurant ou dans un parc.

Le retour du public dans les compétitions sportives, qui avait été envisagé début octobre, a été suspendu. Par ailleurs, après avoir enjoint vigoureusement les Anglais, depuis début septembre, à retourner au bureau, il est désormais recommandé de « travailler de chez soi lorsque c’est possible ». « En attendant une amélioration, nous devons prévoir que ces restrictions pourraient rester en place pour les prochains six mois », a prévenu Johnson. Il a également annoncé la mobilisation possible de l’armée pour aider la police. Le gouvernement n’a pas caché qu’il rendait les rassemblements de jeunes responsables de la dernière hausse des infections.

Les mesures annoncées ne concernent que l’Angleterre. En Ecosse, la cheffe du gouvernement local, Nicola Sturgeon, est allée plus loin : pour voir des amis, c’est à l’extérieur et pas plus de six en tout. La dirigeante du parti indépendantiste écossais (SNP) a expliqué être « désolée » d’imposer ces mesures, mais que des restrictions fermes prises « au plus tôt permettront de réduire la durée de leur imposition ». Une sévérité qui place Johnson en position délicate. Si le taux d’infection ralentit plus vite dans le nord du pays, il risque de se voir reprocher une nouvelle fois de ne pas avoir agi de manière assez décisive. Dans la foulée de ces annonces, Keir Starmer, le nouveau patron du Labour, s’est attaqué à « l’incompétence » de Johnson. Aux Communes, il lui a promis un « soutien là où c’est possible » pour enrayer l’épidémie. Mais « ce gouvernement doit donner au pays le sentiment d’être guidé, a-t-il dit, et il doit le faire vite ».