Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : pour Macron, plutôt « tenir » que se dédire

Mars 2021, par Info santé sécu social

Alors que la troisième vague épidémique gagne en intensité, la communication gouvernementale assure le service après-vente d’un chef de l’Etat qui rejette tout « constat d’échec ».

par Charlotte Chaffanjon
publié le 29 mars 2021 à 21h04

« Clore le chapitre du “pari perdu”. » Voilà comment le conseiller d’un ministre en première ligne dans la lutte contre le Covid-19 analyse l’étonnante campagne de communication en forme d’autosatisfecit menée par Emmanuel Macron depuis quelques jours alors que la troisième vague épidémique ne faiblit pas. Le chef de l’Etat martèle depuis plusieurs jours qu’il n’a « aucun remords », qu’il ne fait « aucun constat d’échec ». « Nous avons eu raison de ne pas confiner la France à la fin du mois de janvier parce qu’il n’y a pas eu l’explosion prévue par tous les modèles. Je peux vous affirmer là que je n’ai aucun mea culpa à faire », expliquait-il lors d’une conférence de presse en marge du conseil européen jeudi. Rebelote dans le Journal du dimanche : « En février, certains nous disaient : “Vous allez vous prendre le mur.” On ne s’est pas pris le mur. » Sauf qu’aujourd’hui, le « mur » est bien là : records de contaminations en Ile-de-France, soignants débordés, classes et écoles qui ferment, vaccination qui tarde à protéger les plus fragiles et exposés… Lundi, les malades du Covid en réanimation étaient au nombre de 4 974, soit davantage que lors du pic de la deuxième vague (4 903 le 16 novembre). Mais l’exécutif ne bouge pas.

Entêtement ou « obstination du Président quoi qu’il en coûte », selon l’expression du député européen EE-LV Yannick Jadot ? « Pas du tout. Grâce à cette décision, on a eu des semaines où le pays n’était pas complètement fermé et c’était gagnant en termes de conséquences sociales, de santé mentale et pour l’économie du pays », défend le patron de LREM, Stanislas Guerini, qui insiste : « Il faut se battre pour éviter une réécriture de l’histoire. Quand on a pris la décision de ne pas reconfiner, c’était une bonne décision, certainement pas un pari hasardeux. »

« Il est urgent d’attendre »
Au ministère de la Santé, on défend également le choix d’avoir laissé une part de liberté aux Français alors que les scientifiques prévoyaient une troisième vague d’ampleur. « La petite musique sur l’entêtement est injuste. Ça peut paraître long ou hésitant mais on prend toujours les décisions au moment où elles s’imposent », affirme un proche d’Olivier Véran.

C’est pourtant bien une énième « semaine décisive » qui se présente avec de potentielles nouvelles mesures restrictives… Même si l’exécutif martèle que « rien n’est décidé », qu’« on ne sait pas encore si le Président va s’exprimer ou si ce sera Jean Castex et /ou Véran » jeudi après le conseil de défense sanitaire du mercredi. Qu’on répète au sommet de l’Etat qu’« il est urgent d’attendre » les effets (ou non) des décisions annoncées le 18 mars et résumées par ce slogan gouvernemental : « Dedans avec les miens, dehors en citoyens. » « Toutes les options sont sur la table, a déclaré lundi matin le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Il faut juste s’assurer que c’est efficace […] Je regarde aussi ce qui se passe dans d’autres pays européens : il y a des choix différents qui ont été faits, de confinements plus ou moins stricts, régionaux ou nationaux, avec des résultats qui sont décevants. On le sait tous, la seule solution, c’est la vaccination de masse. »

Mais en attendant l’arrivée en masse des doses, les chiffres grimpent : « Dans cinq départements d’Ile-de-France le niveau d’incidence atteint, voire dépasse, le niveau observé lors de la deuxième vague, a souligné Santé publique France dimanche. La dégradation de l’ensemble des indicateurs entraîne dans plusieurs régions une très forte tension sur le système hospitalier […] qui va s’accentuer dans les prochains jours. » « Là, on déprogramme les opérations non-Covid dans la mesure du raisonnable mais à partir du moment où les soignants auraient à faire un tri des malades, d’autres décisions seraient prises », veut croire un conseiller de l’exécutif.

« Si on ferme les écoles, c’est un confinement strict »

Dans les couloirs des ministères, les équipes répètent en boucle qu’il faut « tenir » entre quinze jours et un mois. Le temps que les laboratoires honorent d’importantes commandes. Une échéance qui correspond à la vaccination des 10 millions de Français les plus vulnérables promise par l’exécutif entre maintenant et le 20 avril – « date à laquelle on passera un cap », selon Macron.

D’ici là, le sujet de la fermeture des écoles pousse aux portes de Matignon et de l’Elysée. « Nous faisons tout pour renforcer les protocoles sanitaires afin de pouvoir maintenir les écoles ouvertes, a répété Macron au JDD. La fermeture complète ne saurait être un tabou mais elle doit demeurer un dernier recours et une mesure limitée dans le temps. » Pour l’instant, l’exécutif tient sa ligne d’un maintien des écoles ouvertes avec « protocole renforcé ».

Une fermeture des maternelles, primaires, collèges, lycées et crèches obligerait beaucoup de parents à rester à la maison. Un conseiller résume : « De fait, si on ferme les écoles, c’est un confinement strict. Donc soit on fait un confinement strict, soit on arrive à faire accepter trois semaines difficiles. » Un nouveau pari.