Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : pourquoi le variant détecté au Japon préoccupe-t-il la communauté scientifique ?

Janvier 2021, par Info santé sécu social

Par Florian Gouthière 12 janvier 2021

Bien qu’il n’ait été identifié que chez quatre personnes, ce variant du Sars-CoV-2 présente des mutations soupçonnées d’augmenter sa contagiosité, mais aussi sa résistance à certains des anticorps développés par les anciens malades du Covid-19.

Les autorités sanitaires japonaises ont communiqué lundi sur un variant du virus, détecté le 6 janvier chez deux adultes et deux adolescents arrivés quatre jours plus tôt sur le territoire, en provenance de la région d’Amazonas, dans le nord-ouest du Brésil.

L’information pourrait sembler anodine. Le virus mute lentement, mais sans cesse, et l’on compte déjà plus de 12 000 mutations identifiées depuis un an. Au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, deux variants (baptisés respectivement B117 et B1351) ont attiré l’attention en raison du très grand nombre de personnes qui s’en sont rapidement trouvées porteuses. Une situation apparemment sans commune mesure avec la détection de quatre cas au Japon.

Des anticorps dix fois moins sensibles à ce variant
Pourtant, ces deux variants prolifiques possèdent un point commun : une mutation (N501Y), apparue de façon indépendante dans ces deux régions du monde, qui modifie légèrement la protéine « spike » par laquelle le virus s’arrime aux cellules, avec un effet vraisemblable sur sa capacité à les infecter. Or, le variant détecté sur le sol japonais présente lui aussi cette mutation N501Y.

Il est à noter que, selon de premières données in vitro, cette mutation ne modifie pas suffisamment le profil de la protéine « spike » pour affecter l’efficacité des vaccins. Mais le variant « japonais » porte une seconde mutation préoccupante, déjà détectée en Afrique du Sud : la mutation E484K, qui code également pour une portion de « spike ».

Des travaux prépubliés le 4 janvier par des chercheurs de Seattle suggèrent un fait inquiétant : les virus porteurs d’E484K semblent être beaucoup moins bien détectés par les anticorps développés par les anciens malades du Covid. Les auteurs constatent que lesdits anticorps pouvaient être dix fois moins sensibles à la portion de la protéine produite par mutation.

De récentes expériences italiennes justifient les suspicions à l’égard d’E484K. En éprouvette, les chercheurs ont volontairement accéléré le taux de mutation du virus en présence d’anticorps neutralisants, afin de déterminer quelles mutations permettraient de contourner cette neutralisation. Parmi les variants résistants apparus, l’un présentait justement la mutation E484K.

Si ces observations étaient confirmées, il est possible que les patients infectés par le variant « sud-africain » et celui découvert au Japon ne puissent pas être soignés efficacement par du plasma de patients convalescents. A noter que, dans l’étude de Seattle, du plasma prélevé chez un même malade du Covid-19 à plusieurs mois d’intervalles semblait avoir gagné en efficacité contre cette fameuse mutation. Un fait curieux qui demande plus amples investigations.

L’efficacité du vaccin diminuée mais pas compromise entièrement
A l’heure actuelle, on ignore encore si l’efficacité des vaccins pourrait être perturbée. Plusieurs chercheurs rappellent que les vaccins disponibles et en cours de développement entraînent la production de différents types d’anticorps, qui se fixent sur différentes portions de la protéine « spike ». Ils estiment donc qu’une mutation pourrait diminuer l’efficacité du vaccin, sans la compromettre entièrement.

Dans la presse nord-américaine, Jesse Bloom, responsable de l’équipe de Seattle, appelle à ne pas surestimer la gravité de la situation. « Personne ne devrait s’inquiéter d’une mutation catastrophique unique qui rendrait soudainement toute immunité et tous les anticorps inutiles, a-t-il déclaré. Ce sera un processus qui se déroulera sur une échelle de temps de plusieurs années et qui nécessitera l’accumulation de multiples mutations virales. »

Ses travaux sur E484K, prépubliés avant le séquençage du virus porté par les quatre voyageurs de retour du Brésil, mentionnent ce pays d’Amérique du Sud comme l’un des territoires où la mutation est déjà identifiée. La région d’Amazonas a pour capitale Manaus où, selon une étude parue début décembre dans Science, trois quarts des habitants présentaient des anticorps contre le Sars-CoV-2. Pourtant, le Covid-19 poursuit son développement dans cette ville, interrogeant sur la circulation de variants indifférents à cette immunité. Mais le séquençage des prélèvements est loin d’être aussi systématique au Brésil qu’au Japon ou au Royaume-Uni. Impossible donc, pour l’heure, de savoir à quel point les variants porteurs d’E484K sont présents sur le territoire.

Suite au signalement des autorités japonaises, le directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, a appelé à la vigilance sur l’apparition de nouveaux variants. « Plus le Covid-19 se répand, plus il y a de chance qu’il évolue. A noter que la transmissibilité de certains variants du virus semble augmenter », a-t-il déclaré.

Florian Gouthière