Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : quelles étapes reste-t-il à franchir pour avoir un vaccin en pharmacie ?

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Par Camille Gévaudan — 10 novembre 2020 à 18:50

Après l’annonce spectaculaire de Pfizer et BioNTech, il faut encore confirmer l’efficacité du produit... et organiser sa distribution.

« C’est peut-être la meilleure nouvelle qu’on puisse apporter au monde et aux Etats-Unis et pour la santé publique », annonçait ce lundi le vice-président de Pfizer, William Gruber : le vaccin contre le Covid-19 du laboratoire pharmaceutique, développé avec l’allemand BioNTech, est annoncé efficace à 90%. Mais il faudra pour l’instant se contenter de cette petite dose de baume au cœur, car la bonne nouvelle ne risque pas d’arriver sous le sapin – enfin, dans les pharmacies – avant la fin de l’année. La route est encore longue entre ces premiers résultats encourageants de Pfizer et la commercialisation d’un vaccin prêt à l’emploi, à l’échelle de pays entiers.

Objectif : 164 malades
Il faut tout d’abord amasser plus de données sur l’efficacité du candidat vaccin. Car le chiffre annoncé de 90% n’est qu’un résultat intermédiaire, qui s’appuie encore sur un nombre très limité de cobayes : sur 43 538 participants internationaux à l’essai de Pfizer, seuls 94 ont contracté le Covid depuis qu’ils ont reçu leur deuxième injection (qui pouvait être soit le vaccin, soit un placebo). L’expérience va continuer jusqu’à enregistrer au moins 164 cas déclarés. Ce nombre devrait être atteint au cours de la première ou la deuxième semaine de décembre, prévoit Pfizer.

Il était initialement prévu que ce quota doive inclure au moins cinq malades avec une forme sévère du Covid, pour voir si le vaccin est aussi efficace sur les Covid graves que sur les Covid modérés. Mais cette exigence de l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a récemment été abandonnée, précise William Gruber, pour faire avancer le processus plus rapidement. On ne sait donc rien de l’efficacité du vaccin sur les cas graves, pour l’instant, car aucun des 94 premiers malades n’était concerné. On ne peut qu’espérer que ça marche. « On va devoir utiliser les données dont on dispose et le haut niveau d’efficacité pour nous convaincre qu’on va pouvoir empêcher les infections sévères », résume Gruber.

Validation et autorisation
Une fois atteint le quota de 164 malades, les données de l’essai clinique seront soumis, comme toute étude scientifique, à une évaluation par les pairs pour valider la méthode et les résultats.

Si on peut leur faire confiance, les résultats seront transmis à un comité d’experts qui l’examinera pour le compte de la FDA. Ce comité décidera s’il recommande à l’agence d’autoriser le vaccin Pfizer, ou non. La FDA pourra alors délivrer sa précieuse autorisation pour les Etats-Unis en urgence. Cette version accélérée des procédures normales permet de réduire le délai d’observation des cobayes à deux mois, pour vérifier par exemple qu’ils n’ont développé aucun effet secondaire indésirable. Ce délai de deux mois devrait être atteint la semaine prochaine, annonce Pfizer, et il n’y a aucun problème à signaler pour l’instant.

En parallèle, l’Union européenne travaille à sa propre procédure d’approbation en urgence, lancée le mois dernier.

Heureux élus

Quelle sera la cible de cette « première génération » de vaccin ? Pfizer aimerait obtenir une autorisation large, pour les individus âgés de 16 à 85 ans. Mais ce n’est pas le laboratoire qui décide. Le choix revient à la FDA et aux CDC (centres pour le contrôle et la prévention des maladies, une agence publique de la santé), qui pourraient décider de réduire le groupe des heureux élus. On ne sait pas, par exemple, comment le vaccin se comporte dans des groupes de patients particuliers comme les personnes âgées, dont le système immunitaire est affaibli et qui sont donc plus vulnérables aux formes sévères du Covid-19.

En tout cas, les cobayes qui ont reçu un placebo au cours de l’essai Pfizer en feront partie – c’est bien la moindre des choses. Pfizer promet de les informer en temps et en heure qu’ils ne sont pas protégés contre le virus, et de leur offrir le vrai vaccin dès que possible. Le personnel soignant et les groupes les plus fragiles devraient logiquement être aussi parmi les premiers à bénéficier du vaccin.

Production massive
Puis viendra l’heure de produire les précieuses doses en quantités astronomiques pour arroser le monde entier, avec une priorité américaine et européenne. Pfizer et BioNTech ont déjà signé des contrats pour la fourniture de 100 millions de vaccins aux Etats-Unis et le double pour l’Europe… pour commencer.

Les deux entreprises estiment pouvoir fabriquer 50 millions de doses d’ici la fin de l’année, de quoi vacciner 25 millions de pionniers. Le reste viendra en 2021, avec des prévisions estimées à 1,3 milliard de doses, soit 650 millions de personnes à vacciner.

Camille Gévaudan