Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : tout savoir sur BF.7, le sous-variant qui submerge la Chine

Janvier 2023, par Info santé sécu social

Séquençage

La résurgence d’une violente vague de Covid en Chine, portée par ce descendant d’omicron, a réveillé les inquiétudes. L’Europe jouit d’une forte immunité mais la décision de la France de réduire les capacités de séquençage pourrait changer la situation.

par Yoanna Herrera
publié le 3 janvier 2023

Depuis l’arrêt brutal des mesures intransigeantes de sa politique « zéro Covid », la Chine est confrontée à une explosion de contaminations. Cette vague qui submerge les hôpitaux et les crématoriums chinois est portée essentiellement par un sous-variant du Sars-Cov-2 nommé BF.7 — mais aussi par BQ.1.1. « Des modélisateurs de l’Université de Hong Kong ont estimé qu’environs un tiers de la population de Pékin aurait été infecté entre le 14 et le 22 décembre, soit plus d’2 million de cas par jour », précise le Covars dans une note remise au gouvernement le 29 décembre et rendue publique ce mardi. Depuis quelques semaines, une attention particulière est portée sur ce descendant de BA.5. Tour d’horizon sur tout ce qu’il faut savoir sur BF.7.

Un cousin de BQ.1.1

BA.2, BA.5, BJ.1, BQ.1.1… N’en jetez plus. La dynastie d’omicron compte plus de cinq cents sous-variants. Rien que pour BA.5, « on dénombre plus d’une centaine de sous-lignages », précise à Libé Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses. L’épidémie de Covid ressemble à une soupe d’alphabet avec de nouveaux variants qui émergent partout dans le monde. « Ces variants forment en effet une soupe où plusieurs d’entre eux peuvent cocirculer en même temps sur un même territoire sans que l’un vienne éliminer tous les autres », explique le professeur Antoine Flahault, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’université de Genève.

BF.7 a, quant à lui, réussi à percer la sphère médiatique après la flambée de l’épidémie en Chine. Il appartient à la même grande lignée de BA.5, responsable des deux dernières vagues en France. Tout comme BQ.1.1, le sous-variant majoritaire en France, « BF.7 est une souche très transmissible qui transperce l’immunité vaccinale en matière d’infection et de transmission mais les vaccins existants restent efficaces contre les formes graves, l’hospitalisation et le décès », détaille Antoine Flahault. Il n’a pas été rapporté comme plus pathogène, ni avec « des caractéristiques très différentes des autres variants circulants ».

Ses symptômes sont semblables à ceux associés à d’autres sous-lignages d’omicron : principalement des symptômes des voies respiratoires supérieures, de la fièvre, de la toux, des maux de gorge, un écoulement nasal et de la fatigue, entre autres. Une minorité de personnes peuvent également ressentir des symptômes gastro-intestinaux comme des vomissements et de la diarrhée, comme le rapporte le média scientifique The Conversation. Toutefois, le BF.7 peut s’avérer menaçant pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli. En Chine notamment « l’immunité hybride de la population semble limitée du fait des faibles niveaux d’exposition du virus au cours des deux dernières années et de primovaccination », souligne le Covars. Selon les informations de l’université Johns Hopkins, 3,5 milliards de doses ont été administrées à ce jour (1) pour une population de 1,42 milliard. Et la plupart de ces vaccinations ont été effectuées, pour la plupart, entre 2020 et 2021.

Lorsqu’un nouveau variant apparaît, nous entendons souvent qu’il est « plus transmissible » ou qu’il échappe mieux aux anticorps. En réalité, c’est un phénomène assez logique et qui a une explication : « Quand un virus comme le Sars-Cov-2 émerge, il est mal adapté à son nouvel hôte. Au fil du temps, il va se répliquer et les variants qui se transmettent le plus efficacement vont être sélectionnés. Il est donc naturel et attendu que les virus deviennent de plus en plus transmissibles », détaille le professeur Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité des virus émergents de l’université de la Méditerranée et membre du Covars - s’exprimant à titre individuel.

Mais parallèlement, notre immunité augmente également, notamment grâce aux rappels vaccinaux et aux réinfections. « Le résultat combiné est que l’on a avec le temps des virus qui se transmettent de mieux en mieux, mais que les formes graves deviennent [relativement] moins fréquentes. »

Les risques pour la France
La progression rapide de BF.7 en Chine ne représente pas un danger exponentiel pour l’Hexagone, notamment grâce à une forte immunité chez la population. Ce sous-variant n’est pas une spécificité chinoise non plus. Sa présence a été attestée en France « depuis le printemps mais il reste très contenu dans sa progression [environ 6 % des séquences, ndlr] » poursuit Antoine Flahault. Il a aussi été identifié en Belgique, en Allemagne et au Danemark. Toutefois, selon le Covars, « l’ampleur de l’épidémie pourrait limiter les stocks mondiaux de médicaments disponibles. »

La raison pour laquelle il fait tant de ravages en Chine est la faible immunité de la population, causée par les mesures draconiennes et une vaccination peu efficace. Le virus a frappé le pays à cause de son « effet fondateur ». C’est-à-dire, son établissement sur un nouveau territoire. Mais « la situation de la Chine et celle de la France sont totalement opposées. Même si la maladie tue encore, nous avons de la chance [en France] d’avoir un vaccin qui nous protège », souligne Brigitte Autran, présidente du Covars.

Après BF.7, quels variants nous attendent ?
Le chercheur Samuel Alizon estime que « BF.7 n’est pas celui qui est le plus préoccupant aujourd’hui ». Pour lui, le sous-variant « XBB.1.5 [qui évolue aux Etats-Unis] serait plus à surveiller, plutôt que BF.7 ». Ce dernier est caractérisé par une capacité « accrue » à échapper aux anticorps générés par les vaccins, les infections et les monoclonaux thérapeutiques, comme le fait remarquer le dernier avis de risque de Santé publique France.

La transmissibilité de ce variant surnommé « kraken » ferait de lui « le candidat le mieux placé pour une éventuelle vague », appréhende Antoine Flahault. C’est donc une mutation à suivre de près même si ses propriétés sont « très voisines des variants précédents ».

Il reste que pour évaluer sa montée, il faut être capable de l’identifier. Depuis le 1er janvier, la France a mis en place une stratégie pour tester de manière aléatoire les voyageurs en provenance de Chine, afin de « permettre de suivre les différents variants, a assuré le ministre de la Santé, François Braun. Ce contrôle à l’arrivée n’est pas un contrôle qui empêcherait des citoyens de rentrer sur notre territoire, mais c’est un contrôle plus scientifique, qui va nous permettre de suivre de façon extrêmement précise les différents variants. » Les cas positifs à leur arrivée dans les aéroports français sont séquencés, pour savoir s’il s’agit d’un nouveau variant émergeant en Chine.

Mais au milieu de tout ce chaos chinois, la France a aussi décidé de réduire sa capacité de séquençage, selon les informations révélées par France Inter le 29 décembre. Sur les huit plateformes en charge d’assurer la surveillance du virus, six ont cessé d’exercer cette activité depuis le 31 décembre. Ce suivi génomique est ce qui permet à Santé publique France d’exécuter des points épidémiologiques, des avis de risque et autres rapports sur le Covid. Une décision qui peut s’avérer problématique alors que la Chine vient de suspendre toute communication sur le nombre de cas quotidiens et les morts du Covid.

Le professeur Antoine Flahault a déploré cette décision : « Les Etats doivent au contraire aujourd’hui, dans cette période d’incertitude liée à la crise sanitaire en Chine, maintenir, voire améliorer leurs capacités de veille sanitaire, incluant bien sûr le séquençage des virus. » Samuel Alizon fait remarquer que l’utilisation de ces données était loin d’être optimale – même si c’est toujours mieux que rien. « On manque d’une vraie vision de recherche et la motivation [de ce consortium] n’était pas claire dès le départ. Beaucoup des résultats n’étaient pas encore exploitables pour la recherche, regrette-t-il. Il serait plus judicieux de mieux échantillonner, avec une méthode aléatoire par exemple. Mais malheureusement on manque de stratégie et de vision sur le moyen et le long terme. »

A ces problématiques s’ajoute la colère des syndicats de biologistes, qui ont cessé depuis lundi de remonter les résultats des tests Covid qui permettent au gouvernement de suivre l’évolution de l’épidémie. En désaccord avec le gouvernement sur le montant des économies qui leur est demandé après les énormes profits engrangés pendant la pandémie, les laboratoires assument « un janvier noir pour éviter des années noires ».

(1) Document publié le 28 décembre 2022.

Mis à jour : le 3 janvier 2022 à 14 h 05 avec les observations du point d’actualité s